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UN1C EN [TUS B I LLE). PROP. H8-101


l’Église condamne une doctrine, elle n’exprime pas seulement une opinion humaine, dont la conscience pourrait ne pas tenir compte, mais la vérité, à laquelle tout fidèle doit croire, s’il veut rester catholique.

98. Status persecutionis 98. L’état d’être persécuté et pœnarmn, quas quis tôle-et de souffrir comme un rat, tanquam ha>reticus, fia-hérétique, un méchant, un gitiosus et impius, ultima impie, est ordinairement la plerunique probatio est, et dernière épreuve et la plus maxime meritoria, ntpote méritoire, comme celle qui quæ facit hominem magis donne plus de conformité conforment Jesu Christo. à Jésus-Christ. Luc, xxii,

37, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition est un encouragement aux jansénistes déjà condamnés : ils s’arrogent ainsi le droit d’apprécier leur condamnation et de se regarder comme les martyrs de la persécution de l’Église qui les a condamnés. C’est une maxime empruntée aux calvinistes, qui, en France, se consolaient les uns les autres, au moment des premières condamnations. L’auteur du Quatrième gémissement, p. 111, en fait l’application au P. Quesnel lui-même. D’ailleurs, il ne suffit pas d’être persécuté, pour être conforme à Jésus-Christ ; il faut être persécuté « pour la justice ». Matth., v, 10. Quesnel appelle martyre ce qui n’est qu’entêtement et obstination, opiniâtreté pour des opinions personnelles. De plus, on ne saurait dire que cette épreuve est en soi la plus méritoire ordinairement, comme si ce genre de persécution était commun et ordinaire ? N’est-ce pas encourager le mépris des censures de l’Église et insinuer qu’un grand nombre de fidèles sont injustement condamnés et persécutés par elle ?

99. Pervicacia, præventio, 99. L’entêtement, la préobstinatio in nolendo aut vention, l’obstination à ne aliquid examinare, aut vouloir ni rien examiner, agnoscere se fuisse decep-ni reconnaître qu’on s’est tum, mutant quotidie.quoad trompé, changent tous les multos, in odorem mortis, jours en odeur de mort à id quod Deus in sua Eccle-l’égard de bien des gens ce sia posuit ut in ea effet que Dieu a mis dans son odor vitse ; v. g. bonos libros, Église pour y être une odeur instructiones, sancta exem-de vie : livres, instructions, pla etc. exemples. II Cor., ii, 16,

éd. 1693 et 1699.

Voilà une autre accusation grave portée contre l’Église. D’ailleurs, la proposition, prise en elle-même et indépendamment de l’application faite à l’Église, est fausse et dangereuse ; c’est aux pasteurs d’examiner les livres et les instructions et de dire le jugement qu’il faut porter. De plus, Quesnel regarde les faits qu’il critique comme ordinaires et communs (souvent, ordinairement, tous les jours, à l’égard de bien des gens) ; or, il est faux que tous les jours, les bons livres et les saintes instructions sont regardés comme de mauvais écrits, parce que les pasteurs s’obstinent à ne pas vouloir les examiner, à ne pas vouloir reconnaître qu’ils se sont trompés. Aux yeux de ceux qui sont condamnés, ce sont toujours les juges qui ont tort. Parler ainsi, c’est jeter le discrédit sur tous les jugements de l’Église et encourager les fidèles à ne tenir aucun compte des censures de l’Église.

100. Tempus deplorabile, 100. Temps déplorable, quo creditur honorari Deus, où on croit honorer Dieu persequendo veritatem ejus-en persécutant la vérité ! Ce que discipulos. Tempus hoc temps est venu… Etre readvenit. .. Haberi et tractari gardé et traité par ceux qui a religionis ministris, tan-en sont les ministres (de la quam impium et indignum religion) comme un impie, omni commercio cura Deo, indigne de tout commerce tanquam membrum putri-avec Dieu, comme un memdum, capax corrumpendi bre pourri, capable de tout omnia in societate sancto-corrompre dans fa société rum, est hominibus piis des saints, c’est pour tes morte corporis mors terri-personnes pieuses une mort

bilior. Frustra quis sibi plus terrible que celle du

blanditur de suarum inten-corps. En vain on se flatte de

tionum puritate et zelo la pureté de ses intentions

quodara religionis, perse-en poursuivant des gens de

quendo flamma ferroque bien à feu et à sang, si on

viros probatos, si propria est aveuglé par sa propre

passione est exeæcatus aut passion ou emporté par

abreptus aliéna, propterea celle des autres, faute de

quod nihil vult examinare. vouloir rien examiner. On

Fréquenter credimus sacri-croit souvent sacrifier à

ficare Deo impium et sacri-Dieu un impie et on sacrifie

ficamus diabolo Dei servum. au diable un serviteur de

Dieu. Joa., xvi, 2, éd. 1693

et 1699.

Ce texte est la critique passionnée de tout ce qui a été fait contre le jansénisme, par le pape et les évêques, car tous les verbes sont au présent et la persécution violente dont il est question sévit en ce moment même : la vérité et ceux qui la défendent sont persécutés par les ministres de l’Église, chargés officiellement de la représenter, et ceux-ci persécutent, parce qu’ils sont aveuglés par leurs propres passions ou emportés par les passions des autres. L’Église, par ses ministres, poursuit ces vrais serviteurs de Dieu comme des impies et les sacrifie au diable ; les gens de bien sont persécutés à feu et à sang par les ministres de la religion. Ces accusations injustes légitiment toutes les révoltes contre l’autorité hiérarchique de l’Église ; ce n’est pas ainsi qu’agissaient les premiers chrétiens persécutés.

101. Nihil spiritui Dei et 101. Rien n’est plus con doctrinse Jesu Christi magis traire à l’esprit de Dieu et

opponitur quam communia à la doctrine de Jésus-Christ

facere juramenta in Eccle-que de rendre communs les

sia ; quia hoc est multi-serments dans l’Égfise, parce

piicare occasiones perju-que c’est muftipfier les

randi, laqueos tendere infir-occasions de parjures, dres mis et idiotis, et efficere ut ser des pièges aux faibles et

nomen et veritas Dei ali-aux ignorants, et faire quei quando deserviant consilio quefois servir ie nom et la

impiorum. vérité de Dieu aux desseins des méchants. Matth., v,

37, éd. 1693 et 1699.

Immédiatement avant la proposition condamnée, "se lisent les mots suivants : « la simplicité se trouve ordinairement avec la vérité… L’abus du jurement vient ou de la défiance de celui qui l’exige, ou de la malice de celui de qui on l’exige, ou de légèreté, d’irrévérence ; la sagesse, la probité et la religion remédieraient à tout. Rien n’est plus contraire, etc. ». Quesnel critique ici le serment exigé pour la signature du Formulaire et il a raison de dire que l’Église demande le serinent parce qu’elle redoute la malice de ceux de qui elle l’exige, car elle n’a guère confiance en leur sincérité. Le serment est légitime, quand il s’agit de terminer des contestations importantes ; c’est un moyen efficace de découvrir les hérétiques… L’Église exigeait le serment pour la signature du Formulaire, afin de détruire le jansénisme. Voilà le serment dont se plaint Quesnel, parce que ce serment permet à l’Église de trouver les jansénistes.

Les huit dernières propositions de la bulle renferment de graves calomnies contre l’Église ; Quesnel s’y érige en censeur de l’Église, et elles sont propres à entretenir la désobéissance et la révolte qu’elles encouragent sous le nom de patience dans la persécutioa ; elles visent à faire supposer qu’il y a une persécution dont les jansénistes sont les victimes et les martyrs.

Telle est la bulle Unigenitus qui condamne « toutes et chacune des propositions ci-dessus rapportées, comme étant respectivement fausses, captieuses, malsonnantes, capables de blesser les oreilles pieuses, scandaleuses, pernicieuses, téméraires, injurieuses à l’Église et à ses usages, outrageantes, non seulement