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cations ; elle renferme une erreur par rapport à la constitution et au gouvernement de l’Église.

Les quatre dernières propositions de Quesnel prêchent la révolte contre l’Église : la proposition 90 détruit le pouvoir réel de l’Église ; la proposition 91 encourage l’excommunié à continuer ses fonctions, malgré la censure ; la proposition 92 conseille de souffrir en paix, c’est-à-dire avec indifférence, les censures ; la proposition 93 affirme que l’excommunié peut être réincorporé dans l’Église, sans le ministère des pasteurs.

94. Nihil pejorem de Ec- 94. Rien ne donne une clesia opinionem ingerit ejus plus mauvaise opinion de inimicis, quam videre illic l’Église à ses ennemis, que dominatum exerceri supra d’y voir dominer sur la foi fidem fldelium et foveri des fidèles, et y entretenir divisiones propter res, quas des divisions pour des choses nec fidem lædunt nec mores, qui ne blessent ni la foi ni les mœurs. Rom., xiv, 16, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition est injurieuse pour l’Église que Quesnel accuse de donner mauvaise opinion d’ellemême, de dominer sur la foi des fidèles et d’entretenir parmi eux des divisions pour des choses insignifiantes. En fait, Quesnel reproche à l’Église d’avoir condamné le jansénisme, lequel n’intéresse ni la foi ni les mœurs, alors que l’Église affirme le contraire par ses condamnations répétées. Obliger les fidèles à croire les vérités contraires au jansénisme et enseignées par l’Église, ce n’est point exercer une domination sur la foi des fidèles, mais empêcher les novateurs d’exercer leur domination et de répandre leurs erreurs parmi les fidèles ignorants. S’il y a des divisions, ne viennent-elles pas des jansénistes, qui refusent de se soumettre à l’autorité légitime ?

95. Veritates eo devenerunt, ut sint lingua quasi pcrcgrina pleris christianis, et modus eas prædicandi est veluti idioma incognitum ; adeo remotus est a simplicitate apostolorum, et supra coinmunem captum fidelium ; neque satis advertitur, quod hic defectus sit ununi ex signis maxime sensibilibus senectutis Ecclesiae et iræ Dei in filios suos.

95. Les vérités sont devenues comme une langue étrangère à la plupart des chrétiens ; et la manière de les prêcher est comme un langage inconnu, tant elle est éloignée de la simplicité des apôtres, et au dessus de, la portée du commun des fidèles ; et on ne fait pas réflexion que ce déchet est une des marques les plus sensibles de la vieillesse de l’Église, et de la colère de Dieu sur ses enfants. I Cor., xiv, 21, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition est calomnieuse pour l’Église tout entière ; on reproche aux fidèles de ne plus entendre les vérités de la religion et aux pasteurs de ne plus les enseigner convenablement ; l’Église tout entière est tombée dans la sénilité et est devenue comme l’objet de la colère de Dieu : dans son ensemble, l’Église est livrée à l’erreur el à l’ignorance, puisque les vérités de la religion sont devenues comme une langue étrangère et inintelligible à la plupart des chrétiens, parce qu’elles ne leur sont plus prèchées d’une manière assez claire et d’une manière apostolique. C’est donc nier l’infaillibilité et l’indéfeclibililé de l’Église, et, par suite, déclarer que.lésus-ChrisI n’a pas tenu les promesses faites à ses apôtres. Quesnel insinue que, seuls, les jansénistes ont conservé la vérité, parce qu’ils ont gardé la vraie manière de prêcher la parole de Dieu et d’expliquer les vérités divines avec la simplicité des apôtres et dans un langage qui soit à la portée des fidèles. Dans sa I : » ponse à Raconis, évoque de Lavaur, en H">| 1, Arnauld avait déjà intitulé ses deux chapitres : la vieillesse de l’Église et l’Église finissante.

Ici les jansénistes ne peuvent pas dire, comme ils

l>tc.T. DF. THÉOL. CATHOL.

le font pour les propositions précédentes, que Quesnel n’attaque que les pasteurs infidèles à leurs devoirs, ceux qui entretiennent les divisions, ceux qui usent d’un zèle inconsidéré, car les propositions sont absolument générales et semblent énoncer un fait : les vérités sont devenues comme une langue étrangère ; elles sont prèchées dans une langue inconnue et inintelligible au commun des fidèles.

96. Deus permittit ut 96. Dieu permet que

omnes potestates sint con-toutes les puissances soient

trariæ prædicatoribus veri-contraires aux prédicateurs

tatis, ut ejus Victoria attri-de la vérité, afin que la vic bui non possit, nisi divin* toire ne puisse être attri gratiae. buée qu’à sa grâce. Act., xvii, 8, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition est injurieuse et outrageante pour les puissances séculières et ecclésiastiques, qui sont déclarées contraires aux prédicateurs de la vérité ; donc ceux-ci doivent s’élever contre ces puissances, afin de remplir leur mission : les particuliers doivent résister à l’Église et à l’État, qui les condamnent. D’autre part, Dieu n’a jamais permis — c’est sa promesse formelle — que la puissance ecclésiastique, établie par lui, ait été, dans son ensemble, contraire à la vérité. Par suite, la proposition serait condamnable, même si elle n’exprimait qu’une simple hypothèse ; or elle exprime ici un fait : Dieu « permet ». Il est facile de voir l’application que Quesnel veut faire de sa maxime : les jansénistes sont évidemment les prédicateurs de la vérité, persécutés par les deux puissances, par une permission divine, afin que leur victoire ne puisse être attribuée qu’à la grâce de Dieu.

Ajoutons que la souffrance et les persécutions qu’on supporte ne prouvent pas avec une certitude absolue, la vérité de la cause que l’on défend, comme l’insinue Quesnel. On ne doit pas céder à la violence el abandonner la vérité mais, d’autre part, on ne doit pas retidre méprisables les sentences des premiers pasteurs, en les présentant comme des persécuteurs de la vérité et de la justice, et cela par la permission de Dieu, qui voudrait, par ce moyen, manifester la toute puissance de sa grâce.

97. Nimis sa-pe contingit membra Ma, çnise magis sancte ac magis stricte unita Ecclesise sunt, respicl atque

tractari tanquam indigna ut sint in Ecclesia, vel tanquam ab ea separata. Sed justus vivit ex fide, et non ex oplnione hominum.

97. Il n’arrive que trop souvent qlie les membres le plus saintement et le plus étroitement unis à l’Église, sont regardés et traités comme indignes d’y être, ou comme en étant déjà séparés ; mais le juste vit de la foi de Dieu, et non pas de l’opinion des hommes. Act., iv, 11, éd. 1693 et 1099.

Il peut arriver parfois - mais c’est une exception qu’un homme saint et innocent soit censuré par l’Église ; mais c’est un cas rare, qui n’autorise pas un particulier à mépriser les censures de l’Église, comme l’insinue la proposition de Quesnel, laquelle affirme que » trop souvent » les membres les plus saints sont indignement traités par l’Église. On rend odieuse l’autorité de l’Église et on légitime la révolte et la désobéissance des fidèles qui, s’estimant innocents. ne se soumettent pas aux décisions de l’Église. Sans doute, pour Quesnel, les membres les plus étroitement unis à l’Église, ce sont évidemment les jansénistes. tous gens saints et sans reproche, et cependant regar dés et traités par le pape, les évèqucs et l’Église, comme indignes d’être membres de l’Église.

Quesnel ajoute : Le |uste vit de la foi et non de l’opinion des hommes », et il conclut que le juste ne doit pas S’inquiéter des censures de l’Église, sans doute parce que ces censures ne sont qu’une opinion humaine, et voilà une erreur redoutable. Lorsque

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