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TRINITÉ. L’ENSEIGNEMENT DE PAUL

Il est image du Dieu invisible, portrait vivant du Père céleste, seul parfaitement semblable à son archétype et seul capable de le révéler aux hommes, parce que seul il le connaît comme il en est connu. Il est le premier-né de toute créature, parce qu’il existe avant toute créature. Il est le créateur et le conservateur de tout sans exception ; et aucun être créé, si élevé soit-il dans les hiérarchies célestes, n’échappe à son activité créatrice ni à sa providence… Il possède la plénitude des grâces qui lui sont nécessaires pour remplir son rôle de réconciliateur et de pacificateur universel. Enfin, comme dernier trait, toute la plénitude de la divinité habite en lui corporellement. Il ne faut pas confondre cette formule avec la précédente : elles diffèrent du tout au tout : là c’était la plénitude de grâces, ici c’est la plénitude de la divinité ; là c’était une plénitude reposant sur la personne du Christ, ici c’est une plénitude qui réside dans le corps du Christ ou qui attire à elle le corps du Christ. Le mot employé par saint Paul n’est pas équivoque : toute la plénitude de la divinité ne peut être que la nature divine elle-même. » F. Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, p. 186.

Le texte de l’épître aux Philippiens est encore plus caractéristique. Il ne figure pas, comme celui de la lettre aux Colossiens, dans un solennel prologue qui développe longuement la splendeur de sa lente période, mais au beau milieu d’un développement moral. C’est en excitant ses disciples à l’humilité que saint Paul est amené à leur proposer l’exemple de Jésus-Christ. Sans doute, le ton s’élève dès que le souvenir du Sauveur s’impose à la pensée de l’Apôtre. Mais nous avons tout autre chose ici que des figures de rhétorique. Le Christ subsistait en forme de Dieu. Il ne regardait pas comme une usurpation l’égalité avec Dieu. Ces expressions sont significatives : si elles ont un sens, elles ne peuvent rien indiquer d’autre que la divinité. Cette divinité, le Christ ne l’a pas perdue en se faisant homme. Il s’est contenté de la cacher, de la voiler, en renonçant pour un temps aux honneurs divins qui lui étaient dus.

D’autres passages encore doivent entrer en ligne de compte dans lesquels saint Paul exprime sa foi à la divinité du Sauveur. On connaît la doxologie de Rom., ix, 5 : Du sein d’Israël est sorti « selon la chair le Christ qui est élevé au dessus de tout, Dieu béni dans tous les siècles ». Ces quelques mots ont provoqué de nombreuses discussions parmi des critiques ; et l’on peut en effet les ponctuer de différentes manières, si bien que la doxologie, au lieu de se rapporter au Christ aurait Dieu le Père pour objet : « Celui qui est au dessus de tout (est) Dieu béni à jamais » ; « Le Dieu qui est au dessus de tout (est ou soit) béni à jamais. »

« Dieu (est ou soit) béni à jamais. » Il faut avouer que

ces divers essais ne sont pas satisfaisants. Ils impriment à la phrase une coupe maladroite et peu en accord avec l’habituelle solennité des doxologies de saint Paul. D’ailleurs, il y a plus : les mots « selon la chair » appellent un correspondant. Si le Christ est enfant d’Israël selon la chair, il est autre chose encore ; ce qu’il est, la fin de la phrase nous l’apprend : « au dessus de tout, Dieu béni à jamais. » On comprend sans peine que l’exégèse patristique ait été unanime dans l’interprétation de ces mots qu’elle a toujours appliqués au Christ.

Dans l’Épître à Tite, ii, 13-14, nouvelle affirmation :

« Nous attendons la bienheureuse espérance et l’épiphanie

de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ. » Celui qui doit se manifester en une épiphanie glorieuse n’est autre que le Christ dont l’Église attend la venue sur les nuées du ciel : aussi bien est-il le seul à qui le christianisme applique le titre de Sauveur. Il n’est pas seulement Sauveur ; il est aussi notre grand Dieu, puisque cette formule est comprise sous le même article que Sauveur. Au plus, pourrait-on discuter la signification exacte des mots :

« notre grand Dieu » ; se demander pourquoi l’apôtre a

cru devoir introduire une épithète et pourquoi il a précisé par l’adjectif possessif que Jésus est le Dieu des chrétiens. Ces questions seraient légitimes si le monothéisme de l’Apôtre pouvait être mis en cause. En fait, elles peuvent intéresser l’exégète, mais le théologien n’a pas à s’en préoccuper.

Faut-il ajouter que saint Paul ne cesse pas de prier le Christ, comme son Dieu ? Déjà, il déclare sans ambages qu’il est apôtre, non par l’autorité des hommes, ni par l’intermédiaire d’un homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père, Gal., i, 1 ; et il met ainsi sur le même plan Jésus et le Père. Les fidèles sont pour lui ceux qui invoquent le nom du Seigneur : tel est leur titre distinctif : il écrit « à l’Église de Corinthe, aux (fidèles) sanctifiés dans le Christ Jésus, saints par appel, ainsi qu’à ceux qui invoquent le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en quelque lieu que ce soit ». I Cor., i, 1. Lorsqu’il souffre de l’aiguillon dans la chair, de l’ange de Satan qui le souffleté et semble devoir paralyser son ministère, il prie par trois fois le Seigneur d’en être délivré, et le Seigneur lui répond : « Ma grâce te suffit. » II Cor., xii, 8-9.

Ailleurs ce sont des doxologies adressées au Seigneur :

« Le Seigneur me délivrera de tout mal et il

me sauvera (en me faisant entrer) dans son royaume céleste. A lui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen. » II Tim., iv, 18. Ou encore : « Je rends grâces au Christ Jésus. Notre-Seigneur, qui m’a fortifié, de ce qu’il m’a jugé fidèle en m’établissant dans le ministère. » i Tim., i, 12. A ses disciples, l’apôtre recommande de s’entretenir de psaumes, d’hymnes et de cantiques spirituels, chantant et célébrant le Seigneur dans leurs cœurs, Eph., v, 19 ; et il est probable que nous avons, dans les épîtres, au moins un exemple de ces vieilles prières rythmées, chantées par les premiers chrétiens : il s’agit du mystère de la piété : « il fut manifesté dans la chair ; il fut justifié dans l’esprit ; il apparut aux anges ; il fut prêché parmi les nations ; il fut vu dans le monde ; il fut élevé en gloire. » I Tim., iii, 16. Celui qui est ainsi chanté n’est autre que le Christ lui-même et l’on peut rappeler que, dans sa lettre à Trajan, Pline le Jeune doit faire allusion à des hymnes de ce genre, lorsqu’il dit des chrétiens qu’ils chantent des cantiques au Christ comme à un Dieu.

Il est vrai que, le plus souvent, saint Paul prie Dieu par Jésus-Christ ou en Jésus-Christ, et il n’y a rien là que de très naturel, puisque le Père est le principe du Christ. L’Église est restée fidèle à l’usage traditionnel, et ce n’est qu’en de rares circonstances que, dans sa liturgie, elle s’adresse directement au Christ. D’où la règle formulée par l’Apôtre : « Tout ce que vous dites ou faites, faites-le au nom du Seigneur Jésus, rendant grâces par lui à Dieu le Père. » Col., iii, 17. En effet, puisque « toutes les promesses de Dieu sont devenues oui en lui », il est juste que nous adressions par lui au Père l’amen de nos bénédictions. II Cor., i, 20.

Il serait facile de multiplier les exemples. Nul d’ailleurs ne discute sérieusement le caractère divin reconnu par saint Paul au Christ. On se contente de chercher laborieusement des explications destinées à faire comprendre comment, aux regards de l’apôtre, le Seigneur qui siège à la droite de Dieu le Père a pu être considéré comme identique au crucifié du Calvaire. Nous n’hésitons pas un instant devant ce problème : saint Paul, dirons-nous, n’a pas eu à inventer la divinité du Christ ; il l’a reçue et il s’est contenté de l’enseigner telle qu’il l’avait reçue.

3° L’Esprit-Saint.

L’Esprit-Saint tient dans les Épîtres de saint Paul une place considérable, celle-là