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UNIGKNÏTUS (BULLE). PROP. 64-67


La proposition affirme d’abord qu’accomplir la loi par crainte, c’est ne pas l’accomplir, ce qui revient à la proposition précédente. Elle ajoute qu’un baptisé qui n’observe pas la loi, ou ne l’observe que par crainte, cesse d’être chrétien et agit comme un Juif ; or, cela est faux, car un chrétien ne cesse pas d’être chrétien, parce qu’il accomplit la loi par la seule crainte ; même sous la Loi nouvelle, il est permis de suivre les mouvements inspirés par la crainte des châtiments, bien qu’il soit plus parfait d’agir par amour pour Dieu. Enfin, la proposition semble insinuer que les Juifs n’agissaient, sous la Loi. que par crainte et cela est encore faux, car beaucoup d’entre eux, sans doute, ont agi par amour de Dieu et en reconnaissance des bienfaits reçus de lui.

64. Sub maledicto Legis,

numquam fit bonum, quia

peccatur, sive faciendo ma lum, sive illud nonnisi ob

timorem evitando.

64. Sous la malédiction de

la Loi, on ne fait jamais le

bien, parce qu’on pèche ou

en faisant le mal, ou en ne

l’évitant que par la crainte.

Gal., v, 18, éd. 1693 et 1699.

Proposition hérétique, car elle affirme qu’on fait le mal, en ne l’évitant que par crainte, et aussi elle affirme que, sous la Loi, on ne fait jamais le bien. Il est faux que les actions des Juifs fussent toutes des péchés, parce qu’ils agissaient par crainte des châtiments. Dans le même sens, dans un Entretien entre un ecclésiastique et un laïc, p. xxiii, on lit : « Un serviteur qui ne s’abstient de voler son maître, ni par amour pour son devoir, ni par amour pour son maître, mais uniquement par la crainte d’être mis entre les mains de la justice… conserve dans son cœur un vrai désir de voler, et, s’il est plus timide que les autres voleurs, au fond il ne laisse pas d’être voleur par les dispositions de son cœur… Ce serviteur est coupable, car c’est un crime d’avoir la volonté de voler, et c’est en avoir la volonté que de s’en abstenir uniquement par crainte. » II faut remarquer que cet exemple est tiré de la crainte des hommes, qui ne voient que l’extérieur.

65. Moyses, prophète,

sacerdotes et doctores legis

mortui sunt, absque eo quod

ullimi Deo dederint filium,

cum non effecerint nisi

mancipia per timorem.

65. Moïse et les prophètes,

les prêtres et les docteurs de

la loi sont morts sans donner

d’enfants à Dieu, n’ayant

fait que des esclaves par la

crainte. Marc, xii, 19, éd.

1693 et 1699.

L’auteur de La constitution avec des remarques, p. 134, a repris et complété cette proposition de Quesnel : la Loi de Moïse était une loi de crainte et d’esclavage, qui ne donnait point la grâce, et ne justifiait personne ; cet avantage n’appartient qu’à la Loi nouvelle, qui est une loi d’amour. Ceux qui étaient justes, en réalité, étaient des chrétiens par anticipaion, justifiés par la grâce de Jésus-Christ, qui leur fut accordée en vue de la mort de Jésus-Christ. » Ainsi on affirme que l’Ancienne Alliance, par elle-même, ne pouvait faire que des pécheurs et des esclaves, l’rop. (i, 7, 8.

Ainsi comprise, cette proposition est malsonnante et équivoque, car il est de fol que Moïse et les prophètes enseignaient aux Juifs à aimer Dieu de tout leur cœur : c’est le premier commandement de la Loi de Moïse. Les préceptes moraux (le la Loi ancienne portaient les Juifs â aimer Dieu par dessus tout. La crainte que la Loi inspirait n’était point une crainte sei vile, qui ne détruit que les désirs mauvais et fait agir en esclave. Parmi les Juifs, il y a eu des jusles.

i a i ol de Moïse était impuissante par elle même, mais il y avail des remèdes au péché, par exemple

nents qui pouvaient donner des enfants a

Dieu ; les paroles des prophètes pouvaient provoquer

Mules surnaturels, en suggérant des motifs

surnaturels. Il est donc faux de dire, d’une manière absolue, qu’ils sont morts sans donner des enfants à Dieu et qu’ils n’ont fait que des esclaves par la crainte qu’ils ont inspirée.

66. Qui vult Deo appro- 66. Qui veut s’approcher pinquare, nec débet ad ip-de Dieu ne doit ni venir à sum venire cum brutalibus lui avec des passions brupassionibus, neque adduci taies, ni se conduire par un per instinctum naturalem, instinct naturel, ou par aut per timorem, sicuti bes-crainte, comme les bêtes ; tiæ sed per fidem et per mais par la foi et par l’amour amorem, sicuti filii. comme les enfants. Hebr.,

xii, 20, éd. 1694 et 1699.

D’après le livre de La constitution avec des remarques, p. 135, la condamnation de cette proposition « découvre à toute la terre la turpitude de la morale des jésuites et de leur conduite dans l’administration des sacrements qu’ils profanent indignement, en les accordant aux pécheurs d’habitude, qui sont livrés aux passions les plus infâmes et qui vivent sans foi et sans religion ». Mais cependant la proposition est justement condamnée comme erronée. Craindre les jugements de Dieu, est-ce agir en bête ? La crainte est raisonnable ; l’Évangile et les Pères la recommandent souvent comme une préparation à la justification.

67. Timor servilis non 67. La crainte servile ne se sibi reprsesentat Deum, nisi représente Dieu que comme ut dominum durum, impe-un maître impérieux, inriosum, injustum, intracta-juste, intraitable. Luc, xix, bilem. 21, éd. 1693.

Cette proposition a été retranchée dans l’édition de 1699. La crainte servile a pour objet le châtiment dont Dieu punit le péché ; elle est bonne en elle-même : inspirée par la foi, elle représente Dieu comme un juste vengeur du péché, prêt à pardonner le pécheur repentant. La crainte servilement servile regarde le châtiment comme le souverain mal, en sorte qu’elle fait plus craindre d’être puni que d’offenser Dieu, et elle ferait le mal qu’elle aime, si elle pouvait le faire impunément. Enfin la crainte raisonnable regarde Dieu comme un souverain puissant et juste, qui punit ceux qui ont abusé de ses grâces et fait le mal, en lui désobéissant. Seule, la crainte vicieuse fait regarder Dieu comme un maître dur, impitoyable, injuste et intraitable. La vraie crainte vient de la foi et est inspirée par la grâce ; elle est un acte d’intelligence qui considère les peines de l’enfer et cette considération fait qu’on veut éviter ces peines et qu’on est stimulé à pratiquer les vertus qui font éviter ces peines.

Conclusion. - Les propositions de Quesnel sur la crainte sont la conséquence logique de quelques thèses jansénistes, à savoir qu’on n’écarte le pèche que par la charité et qu’il n’y a aucune action bonne sans l’amour de Dieu. Or, la crainte ne vient point de la charité ; elle est une forme de l’amour de soi. de la cupidité, qui est le principe du péché.

Les thèses de Quesnel sunt en opposition absolue avec la doctrine chrétienne exposée par le concile de Trente (sess. vi, c. vi et can. 8 ; sess. xiv, can. ! ">) qu’on peut ramener aux propositions suivantes : 1. La crainte de l’enfer est une douleur vraie et salutaire.’2. Elle est un don de Dieu et une impulsion qui nous excite à la pénitence. 3. Elle porte l’homme a recourir à la miséricorde de Dieu et à l’espérance cl non point au désespoir et au blasphème contre Dieu. I. I Ile (liasse le péché et exclut la volonté de pécher. 5, Elle n’est donc pas un péché et elle ne rend pas le pécheur qui prie hypocrite et plus criminel devant Dieu. 11. Elle prépare le pécheur à l.i justification, 7. Loin de représenter Dieu comme un maître dur et impitoyable, elle amène l’homme à penser a la mise ricorde de Dieu et aux mérites de Jésus, moi I pour