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UNIGENITUS (BULLE). PROP 59-63


quentation des sacrements, sans conversion et sans amendement. »

Cette proposition est erronée ; sans doute, la charité est la reine des vertus et elle seule honore parfaitement Dieu ; mais il y a d’autres vertus qui honorent aussi Dieu et qui sont nécessaires pour conserver et augmenter le règne de la charité dans les âmes ; s’il en était autrement, il faudrait conclure que le chrétien, dès qu’il perd la charité, cesse d’avoir la moindre vertu, cesse d'être chrétien et d’avoir une religion.

59. Oratio impiorum est novuni peccatum ; et quod Deus illis concedit, est novum in eos judicium.

60. Si solus supplicii timor animât prenitentiam, quo lnec est magis violenta, eo magis ducit ad desperationem.

60. Si la seule crainte du supplice anime le repentir, plus ce repentir est violent, plus il conduit au désespoir. Matth., xxvir, 5, éd. 1693 et 1699.

Le texte complet de Quesnel est le suivant : « tout manque à un pécheur quand l’espérance lui manque, et il n’y a point d’espérance en Dieu, où il n’y a point d’amour de Dieu… Si la seule crainte du supplice anime le repentir, plus ce repentir est violent, plus il conduit au désespoir. » Cette théorie est tirée de Chemnitz, disciple de Luther, qui enseigne que la contrition, inspirée par le motif de la colère de Dieu et de ses jugements n’est point salutaire et qu’elle conduit au désespoir, comme Judas. Or, cela est en opposition avec la doctrine du concile de Trente, sess. vi, c. iv. Dans les c. vi et viii, le concile déclare que la peur du supplice ne rend pas le pécheur pire et l’amène, au contraire, à penser à la miséricorde de Dieu et à l’espérance.

La crainte des jugements de Dieu ne conduit au désespoir, que lorsqu’on a perdu toute espérance. Le texte de Quesnel attache le désespoir au repentir, qui n’est inspiré que par la crainte, et ce désespoir serait d’autant plus violent que le repentir serait plus inspiré par la crainte de l’enfer. Or, cela est entièrement faux, si le sujet est soutenu par l’espoir du pardon. Il faut regarder Dieu comme bon et miséricordieux dans ses récompenses, mais aussi comme juste dans ses châtiments. Il est exagéré de dire avec l’auteur de Lu constitution… : « il n’y a que l’amour de Dieu qui puisse détruire l’affection au péché et en détacher le cœur. La crainte peut bien en suspendre les actes, mais non pas l’affection, arrêter la main, mais point changer et convertir le cœur. » Sans doute, certains prétendent que l’affection au péché subsiste toujours, tant que la seule crainte du supplice anime

59. La prière des impies est un nouveau péché ; et ce que Dieu leur accorde, un nouveau jugement sur eux. Joa., x, 25, éd. 1693 et 1699.

Proposition fausse et pernicieuse, car elle détourne les pécheurs de la prière, puisque la prière serait pour eux un nouveau péché et leur vaudrait un nouveau jugement de condamnation ; proposition hérétique, car elle est formellement opposée à l'Écriture, où il est dit que la prière du pécheur est louée par Dieu et bien reçue de lui, pourvu qu’elle soit bien faite ; proposition blasphématoire, car elle condamne le pécheur, qui, par sa prière, recourt à la bonté de Dieu. D’autre part, la prière est la meilleure disposition pour retrouver l'état de grâce, car au pécheur qui prie avec confiance, Dieu accorde des grâces actuelles, qui le préparent à la justification. Cette proposition est la conséquence logique du principe faux et dangereux : tout ce qui ne vient pas de la charité vient de la cupidité vicieuse, laquelle ne peut produire que le péché. En fait, la prière de l’impie n’est un nouveau péché, que lorsqu’il prie mal, hypocritement et par orgueil.

le repentir, mais tous sont concile de Trente, que le la seule crainte, n’est pas dispose au repentir parfait

61. Timor nonnisi manum cohibet ; cor autem tamdiu peccato addicitur, quamdiu ab amore justifia" non dticitur.

d’accord pour dire, avec le repentir, ainsi animé par un nouveau péché et qu’il et à la conversion.

61. La crainte n’arrête que la main, et le cœur est livré au péché, tant que l’amour de la justice ne le conduit pas. Luc, xx, 19, éd. 1693 et 1699.

Jansénius avait déjà dit que la crainte n’empêche que l’acte extérieur et qu’elle laisse le cœur attaché intérieurement au mal : Timor continet manum, non animum, qui, eodem modo ac si non timeret, peccato alicui afjixus manet. T. iii, t. V, c. iv. Proposition fausse dans sa généralité. Sans doute, la crainte des hommes n’arrête ordinairement que la main, parce que les hommes ne peuvent voir que les actes extérieurs, mais il n’en est pas de même de la crainte de Dieu, car celui-ci voit les mouvements du cœur et les intentions, aussi bien que les actes extérieurs. La crainte de l’enfer peut arrêter tout ce qui peut attirer les châtiments éternels, donc les mouvements du cœur aussi bien que les actes extérieurs. La crainte des châtiments, si elle est vraie, doit vouloir échapper aux châtiments, donc combattre l’affection au péché, qui entraînerait des châtiments. Ainsi, la crainte, en arrêtant les actes extérieurs, peut aussi arrêter la mauvaise volonté, qu’elle empêche de donner un nouveau consentement au péché et, par là, elle dispose à l’amour de la justice. Il est donc faux de dire que la crainte laisse le cœur livré au péché, puisqu’elle arrête la volonté actuelle de le commettre. Sans doute, la crainte seule ne suffît pas pour changer le cœur, mais elle arrête pourtant la volonté, et c’est par le commandement de la volonté qu’elle arrête la main ; elle exclut la volonté actuelle de commettre le péché. L’homme qui évite le mal par la seule crainte du châtiment et de l’enfer ne pèche point ; cette crainte salutaire non seulement fait éviter le péché, mais elle détourne la volonté de pécher.

62. Qui a malo non abs- 62. Qui ne s’abstient du tinet nisi timoré pœnse, illud mal que par la crainte du committit in corde suo, châtiment, le commet dans et jam est reus coram Deo. son cœur, et est déjà coupable devant Dieu. Matth., xxi, 46, éd. 1693 et 1699.

Quelques amis de Quesnel ont prétendu qu’il ne s’agit ici que de la crainte des hommes, mais cette interprétation est fausse, et la proposition, prise en elle-même, - est tout à fait conforme à la doctrine janséniste : « la crainte des peines éternelles rend semblable aux bêtes ; elle est un effet de la cupidité et n’est point une grâce de Jésus-Christ… Celui-là pèche qui agit par le motif de cette crainte, soit en s’abstenant d’un crime, soit en faisant une œuvre pieuse. Celui qui s’abstient d’un crime par le motif seul de la crainte, commet ce crime dans son cœur ; cette crainte ne peut ôter la volonté actuelle de pécher. La crainte surnaturelle et inspirée de Dieu est inséparable de la charité théologale. »

Ainsi entendue, la proposition est hérétique, car elle est en opposition formelle avec le concile de Trente, qui déclare que ce n’est point un mal de se repentir de ses fautes ou de s’abstenir du péché par la seule crainte de l’enfer, mais que cette crainte peut être une disposition à la justification.

63. Baptizatus adhuc est 63. Un baptisé est encore sub Lege sicut Judoeus, si sous la Loi, comme un Juif,

Legem non adimpleat, aut adimpleat ex solo timoré.

s’il n’accomplit pas la Loi, ou s’il l’accomplit par la seule crainte. Rom., vi, 14, éd. 1693 et 1699.