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UNIGENITUS (BULLE) PROP. 40-44


consiste non point dans l’impuissance de surmonter les tentations et de faire des actions bonnes ; mais dans une tendance plus forte vers le mal. Cette tendance est la conséquence de mauvaises habitudes qui inclinent vers de nouveaux péchés. Cependant il reste encore au pécheur un vrai pouvoir de choisir. Bien qu’inclinée au mal, la volonté peut résister, au moins quelque temps, et choisir le parti vers lequel elle est le moins inclinée. Cela est vrai surtout lorsque le pécheur est secouru par la grâce suffisante que les jansénistes n’admettent pas.

40. Sine gratia nihil 40. Sans la grâce nous ne amare possumus, nisi ad pouvons rien aimer qu'à nostram condemnationem. notre condamnation. II Th., m, 18, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition est la suite logique de la précédente : sans la grâce, nous ne pouvons aimer que d’un amour mauvais, qui mérite une condamnation (proposition 36 de Baius) ; donc, sans la grâce, nous ne pouvons faire aucune action qui soit exempte de péché mortel, puisqu’il s’agit de notre condamnation. L’auteur de La constitution avec des remarques, p. 88, écrit : « Il est de foi que l’homme ne peut faire aucun usage de sa liberté que par la grâce de Jésus-Christ. Son libre arbitre, affaibli par le péché d’Adam, n’a plus assez de force pour faire le bien, s’il n’est délivré de sa faiblesse. » Il est vrai que, sans la grâce prévenante, le pécheur ne peut faire aucun acte qui le justifie et lui fasse éviter la condamnation, car, pour arriver au salut, il faut la grâce sanctifiante, à laquelle on ne peut parvenir sans le secours de Dieu. Par un décret du 27 juin 1560, la Sorbonne avait condamné, comme hérétique, la proposition suivante : tiberum arbitrium ex se non potest nisi peccare, et omne opus liberi arbitrii sibi dirnissi est peccatum nwrtate mil veniale.

42. Sola gratia reddit hominem aptum ad sacri 42. Il n’y a que la grâce de Jésus-Christ qui rende

nisi impuritas, indignitas.

41. Omnis cognitio Dei, etiam naturalis, etiam in philosophis ethnicis, non potest venire nisi a Deo, et sine gratia non producit nisi pncsumptionem, vanitatem et oppositionem ad ipsum Deuni, loco affectuuni adorationis, gratitudinis et amoris.

41. Toute connaissance de Dieu, même naturelle, me rue dans les philosophes païens ne peut venir que de Dieu. Sans la grâce, elle ne produit qu’orgueil, que vanité, qu’opposition à » Dieu môme ; au lieu des sentimenls d’adoration, de reconnaissance et d’amour. Rom., i, 19, éd. 169.3 et 1699

l.a première proposition peut être vraie en ellemême, mais elle n’est donnée que pour préparer la seconde, qui est certainement fausse, à savoir que, sans la grâce, il n’y a qu’opposition et volonté dépravée. Cette connaissance naturelle qui vient de Dieu ne saurait être mauvaise en elle-même et conduire au mal, sans la grâce. Par elle-même, cette connaissance ne produit pas nécessairement l’orgueil, la vanité, puisqu’elle est un don de Dieu. C’est l’abus de cette connaissance, l’amour-propre, l’orgueil, qui parfois accompagnent cette connaissance, qui sont les causes du péché. Lorsqu’un homme arrive à connaître Dieu par sa raison, s’il se laisse, en fait, aller à l’orgueil et a la vanité, ce n’est pas à cause de la connaissance elle-même, mais c’est qu’il abuse de Cette connaissance par un mauvais usage de sa liberté.

Il peut y avoir une connaissance naturelle et un amour naturel de Dieu. Par les lumières de la raison. nous pouvons arriver à quelque connaissance de Dieu, et, sans la grâce, nous pouvons avoir pour Dieu quelque sentiment d’un amour purement naturel. Ces sentiments, sans doute, en eux-mêmes, sont inutiles pour le salut et ils ne peinent pas même disposer a la foi. mais pourtant ils ne sont point des péchés,

ei ils peuvent être l’occasion de grâces qui conduiront

à la foi et à la justification.

ficium fidei ; sine hoc, nihil l’homme propre au sacrinihil nisi fice de la foi : sans cela, rien qu’impureté, rien qu’indignité. Act., xi, 9, éd. 1693 et 1699.

Proposition évidemment fausse, qui affirme que, sans la grâce, il n’y a aucune action exempte de péché, donc aucune bonne œuvre possible. Il n’y a pas de foi sans la charité et, sans la charité, il n’y a qu’impureté et qu’indignité. Cette proposition est fausse dans sa généralité : le pécheur, en perdant la grâce, a perdu la charité, et dès lors en lui, comme dans l’infidèle, il n’y a qu’impureté et qu’indignité.

Les cinq propositions précédentes, 38-42, sont justement condamnées comme reproduisant des propositions déjà condamnées chez Baius. Sans la grâce, l’homme peut faire quelques bonnes œuvres dans l’ordre naturel ; il peut observer quelques préceptes de la loi naturelle et produire des œuvres conformes à la raison, pour un temps et dans les occasions aisées qui ne présentent pas trop de difficultés.

Mais, en fait, saint Augustin fait remarquer — et c’est cela que les jansénistes mettent en relief, en l’exagérant — les œuvres moralement bonnes sont rares chez les païens, à cause de la vanité et de l’orgueil qui se mêlent aisément à ces actes. « Tout, dans l’infidèle, dit Bossuet, est aveuglement ou péché, ou y aboutit, car l’infidèle ne peut mériter, par ses bonnes œuvres, la moindre grâce ; ses actions tout naturellement tournent au mal. » Peut-être pourrait-on dire que l’infidèle et surtout le pécheur qui a conservé la foi, reçoivent de Dieu une grâce actuelle, toutes les fois qu’ils font une œuvre moralement bonne. S. Thomas, IIa-IIæ, q. x, a. 4.

43. Primus effectus gra- 43. Le premier effet de tùe baptismalis est facere ut la grâce du baptême est moriamur peccato ; adeo ut de nous faire mourir au péspiritus, cor, sensus non ché ; en sorte que l’esprit, le habeant plus vitæ pro pec-cœur, les sens n’aient non cato quam homo mortuus plus de vie pour le péché que habeat pro rébus mundi.. ceux d’un mort pour les choses du monde. Rom., vi, 2, éd. 1699.

Le premier effet du baptême est d’effacer le péché, et non point de rendre le fidèle insensible au péché, comme le mort est insensible aux choses du monde, car la concupiscence demeure en ceux qui ont été baptisés. Paire mourir au péché, expression équivoque chez Quesnel, surtout après la comparaison entre le baptisé et le mort, et qui paraît reprendre la proposition 55 de Molinos. Un mort ne peut, sans miracle, revenir à la vie, tandis que le baptisé peut perdre la grâce par le mauvais usage de sa liberté. Sans doute, par le baptême, le cœur de l’homme est disposé à se tourner vers Dieu, mais il n’est point insensible au péché.

1 I. Non sunt nisi duo 44. Il n’y a que deux

amorcs, unde volitiones et amours d’où naissent toutes

actiones omnes nostne nas-nos volontés et toutes nos

cuntur : amor Dei, qui actions : l’amour de Dieu

omnia agit propter Dcum, qui fait tout pour Dieu et

quemque liens rémunérât ; que Dieu récompense ;

et amor, quo nos ipsos ne l’amour de nous-mêmes et

iiiundum diligimus, qul.quod du monde, qui ne rapporte

ad Deuni référendum est, pas à Dieu ce qui doit lui

non refert, et propter hoc être rapporté et qui, par

ipsum, fil malus. cette raison même, devient mauvais, .i<>a., v, 29, éd.

1093 et 1699.

(.cite proposition reprend les propositions 34, 35, 38 et |0 de Baius et la proposition 7 condamnée par Alexandre VIII le 7 décembre 1690 ; c’est la thèse de

.laiisénius : il n’y a cpie deux amours : l’amour de