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l’NTGENITUS (BULLE) PROP. 24, 25

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négation pure et simple de la liberté, car le néant ne peut coopérer à la création, ni un mort à sa résurrection. Quesnel indique que Dieu agit sur notre cœur par la grâce efficace, de la même manière qu’il agit par sa seule volonté dans la création et sur les morts pour les ressusciter. L’idée de la grâce est très distincte de l’idée de création et de résurrection, dans lesquelles Dieu seul agit et ne demande aucune coopération. Dans la justification, l’homme peut résister. « La voix du Sauveur traverse les parois du tombeau et ressuscite Lazare, mais la voix de Dieu peut ne pas pénétrer la dureté du cœur », écrit saint Augustin.

24. Justa idea, quam cen- 24. L’idée juste qu’a le turio habet de omnipotentia centenier de la toute-puisDei et Jesu Christi, in sauce de Dieu et de Jésussanandis corporibus solo Christ sur les corps, pour motu suæ voluntatis, est les guérir par le seul mouimago ideæ quæ haberi vement de sa volonté, est débet de omnipotentia su* l’image de celle qu’on doit gratiie in sanandis animabus avoir de la toute-puissance a cupiditate. de sa grâce à guérir les âmes

de la cupidité. Luc, vii, 7, éd. 1693 et 1699.

Dans cette proposition, Quesnel insinue nettement que la grâce est invincible. Dieu guérit les âmes comme il guérit les corps, sans la coopération de l'âme. C’est toujours l’identification de la grâce avec la toutepuissance divine et la passivité totale de l'âme dans sa guérison. Dieu guérit les corps sans eux ; mais ne guérit pas les âmes sans elles. Dans les deux cas, l’opération de Dieu est gratuite, mais dans la guérison de l'âme, il faut sa coopération. Dans les Entretiens d’un ecclésiastique et d’un laïc, p. xiv-xvi, on lit : « La bulle attaque le souverain pouvoir de Dieu sur nos âmes, car Dieu exerce la même puissance sur les âmes et sur les corps. Il n’est pas plus difficile à Dieu de guérir les âmes que de guérir les corps ; Dieu n’a qu'à commander. » Sans doute, mais Dieu peut guérir n’importe quel malade, car cette guérison ne dépend que de lui, tandis qu’il ne guérit pas une âme malgré elle, car pour sa guérison, l'âme doit apporter sa coopération.

25. Deus illuminât ani- 25. Dieu éclaire l'âme et mam et eam sanat aeque la guérit, aussi bien que le ac corpus sola sua volun-corps, par sa seule volonté ; tate ; jubet et ipsi obtem-il commande et il est obéi. peratur. Luc, xviii, 42, éd. 1693

et 1699.

L’est encore la même erreur. Quesnel exclul la coopération de la volonté humaine dans la guérison de l'âme.

Dans toutes ces propositions, Quesnel abuse de comparaisons que l’on trouve chez quelques l'ères, pour insinuer quc, sous l’influence de la grâce efficace, notre volonté reste passive, que notre volonté ne peut résister et ne peut refuser son consentement. Or, la doctrine catholique, exposée par le concile de Trente, csi lies nette : après la chute d’Adam, la liberté humaine est affaiblie, mais n’est point détruite, et la volonté humaine doit coopérer à l’action de la grâce.

Il ne sert de rien de dire avec l’auteur de La constitution Unigenitus une des remarques, p. 65 : Dans les propositions précédentes, on compare l’opération

toute-puissante de Dieu sur les corps avec son opération toute-puissante sur les âmes. Le ne sont pas les corps que l’on compare aux âmes, mais c’est une opération de Dieu que l’on compare à une autre Opération… Il opère, dans chaque être, conformément a la nature de cet être. Ainsi il guérit l'âme, en produisant en elle de bonnes volontés. Elle agit donc, puisqu’elle veut, mais c’est Dieu qui la rail vouloir, et vouloir librement, parce que sa nature est d'être libre. »

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

Les Pères et les docteurs disent que le pécheur justifié reçoit un être nouveau, qu’il renaît enfant de Dieu, que la justification est une sorte de création, de résurrection, et ils comparent parfois la justification à l’opération par laquelle le Verbe divin s’est uni à la nature humaine par l’incarnation, pour nous apprendre que la grâce est toute gratuite et indépendante de nos mérites, comme l’opération de Dieu dans l’incarnation. Mais aucun d’eux n’a dit, comme Quesnel, que la grâce de Jésus-Christ, en général, est l’opération de la volonté toute-puissante de Dieu et qu’elle est invincible (prop. 21), comme si, dans l'économie du salut, la toute-puissance divine suffissait à tout expliquer. Aucun n’a dit. comme Quesnel (prop. 22), que l’accord de la volonté toute-puissante de Dieu dans le cœur de l’homme avec le libre consentement de sa volonté, nous est montré dans l’incarnation, comme si le consentement de la volonté humaine de Jésus-Christ, dans le mystère de l’incarnation, avait été libre, parce qu’il était volontaire (3e prop. de Jansénius). Aucun d’eux, en comparant l’opération de la grâce, en général, à celle qui tire les créatures du néant, qui redonne la vie aux morts, qui guérit les corps, n’a fait tomber la force de cette comparaison sur la toute-puissance de Dieu dans la création, dans la résurrection, dans la guérison miraculeuse des corps (prop. 23). Aucun d’eux, enfin, n’a dit que Dieu employait également sa toute-puissance, dans toutes les opérations de la grâce (prop. 21 et 25).

Conclusions sur les propositions relatives à la (/race. — Pour bien comprendre la valeur des condamnations portées contre les propositions de Quesnel, relatives à la grâce efficace, il importe de mettre en relief les thèses jansénistes sur la nature de cette grâce et de la liberté humaine et de montrer en quoi elles sont en opposition avec la doctrine catholique.

Sous l’influence de la grâce, la volonté est déterminée au bien, mais il lui reste encore le pouvoir de pécher, parce que, outre sa flexibilité naturelle pour le mal, la concupiscence demeure, qui l’attire au mal. Jansénius, De gratia Christi, t. VIII, c. x. De son côté, Quesnel écrit : « Sous la grâce efficace, le libre arbitre, qui est une faculté active, capable de se porter tantôt à un objet et tantôt à un autre, conserve toujours un vrai pouvoir. Lorsque Dieu, par la délectation dominante de la charité, porte la volonté au bien, il lui laisse toujours le pouvoir, qui est en elle, de se porter dans la suite et dans d’autres circonstances, à un acte mauvais. Au moment de la délectation dominante, la volonté ne peut pas choisir, puisqu’elle doit suivre cette délectation, mais le pouvoir, reste dans la volonté ; seul, l’exercice de ce pouvoir est lié dans le moment. L’acte est libre, parce qu’il est produit par une puissance libre de sa nature, quoiqu’elle soit déterminée maintenant à l’acte qu’elle produit, i

Les jansénistes rejettent la grâce nécessitante, c’est-à-dire, celle qui imposerait une nécessité naturelle, physique, absolue, d’une manière constante cl durable ; ils admettent une grâce efficace, qui établit une nécessité passagère, mais note point à la volonté le fond de son pouvoir, dont l’exercice n’est lié que pour un temps. L’acte produit par une faculté libre est déterminé par la délectation dominante du moment (charité ou concupiscence). Aussi lorsqu’ils parlent avec précision, les jansénistes disent non point que la volonté peut résister, mais qu’elle a le pouvoir de résister.

D’autres disent, avec une légère nuance : la volonté peut, si elle le veut, refuser son consent cinent à la grâce efficace, mais, comme c’est la délectation dominante qui fait agir la volonté, celle-ci ne peut vouloir autre chose que ce qu’elle veut et qu’elle fait par l’impression de la délectation ; autrement dit, la volonté

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