Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/277

Cette page n’a pas encore été corrigée
2083
208
UNIGENITUS (BULLE). l’HOP. 7-10

’saires pour l’accomplir. Le Juif, en vertu de la Loi, restait dans l’impuissance, mais par la foi au Messie à venir et par la grâce qu’il pouvait demander à Dieu et recevoir de Lui, il pouvait sortir de cette impuissance. Or, le texte condamné exclut toute grâce, même celle de Jésus-Christ.

Il est donc faux d’aflirmer que Dieu laissait les Juifs dans leur impuissance et il est également faux de dire que Dieu cependant exigeait d’eux l’accomplissement de la Loi, comme si Dieu demandait l’impossible. Saint Thomas (Ia-IIæ, q. xcviii, a. 2, ad 4um), écrit à ce sujet : Dicendum quod Lex vêtus non sufficiebat ad salvandos homines, Utmen adend aliud auxilium… per quod salvari poterant et sie Deux non deficiebal hominibus, quin daret eis auxilium. Les affirmations jansénistes sont donc erronées, à savoir que, pour le Juif, la Loi était plutôt un obstacle, à cause de son impuissance à l’accomplir ; la grâce nécessaire pour sortir de cette impuissance naturelle n’a été accordée qu’à un petit nombre de privilégiés. La plupart ont été abandonnés à leur propre impuissance, sans aucune grâce intérieure. En conséquence, les Juifs, laissés sans grâce, étaient forcés de violer la Loi, dont cependant Dieu exigeait l’accomplissement.

De même, les deux affirmations relatives à la Nouvelle Alliance sont fausses et hérétiques. Il est faux que Dieu ne donne aux chrétiens le pouvoir d’accomplir la Loi qu’en tant qu’il leur accorde la grâce efficace, par laquelle il donne ce qu’il commande, en purifiant par sa grâce. La proposition condamnée suppose évidemment que Dieu n’accorde la grâce efficace que dans la Nouvelle Alliance. Les Juifs, avant l’incarnation, n’auraient eu aucune grâce qui leur permît d’accomplir la Loi qui leur était imposée. Il faut seulement dire, avec les Pères, que, sous l’Ancienne Loi, la grâce était moins abondante et beaucoup moins répandue que sous la Nouvelle Alliance. La foi au Rédempteur est nécessaire au salut. La fin principale de l’Ancienne Alliance était de préparer les hommes à la venue de ce Rédempteur. De là, la supériorité des Juifs sur les Gentils ; mais le chrétien est tout à fait au-dessus du Juif, car celui-ci était dans l’attente du Rédempteur, tandis que celui-là est dans la possession du Christ.

7. Quse utilitas pro homine 7. Quel avantage y a-t-il

in veteri fœdere, in quo pour l’homme dans une

Deus illum relinquit ejus alliance où Dieu le laisse à

proprise infnmitati, impo-sa propre faiblesse en lui

nendo illi suam legem ? Quse imposant une loi ? Mais quel

vero félicitas non est, ad-bonheur n’y a-t-il point

mitti ad foedus, in quo Deus d’entrer dans une alliance,

nobis donat, quod petit a où Dieu nous donne ce qu’il

nobis. demande de nous. Heb.,

vin, 7, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition soulève les mêmes critiques que la précédente, et elle ajoute que, pour les Juifs, le fait d’avoir une loi, n’est point un privilège, mais une occasion constante et universelle de pécher. Dans l’Ancienne Loi, les Juifs ne recevaient aucune grâce du futur Rédempteur, et ainsi sans grâce, et soumis à une loi qu’ils ne pouvaient accomplir, ils étaient inférieurs aux Gentils, car ils étaient tenus dans leur impuissance et leur faiblesse. Mais Dieu, en vertu des mérites de Jésus-Christ, le futur Rédempteur, pouvait leur accorder des grâces pour observer la Loi. Lex data est ut gratia quæreretur.

Dans Plainte et protestation, p. 56 et dans Exposé plus ample, p. 226-227, Quesnel convient qu’il y a eu des justes et des élus dans l’Ancienne Loi, qu’ils ont accomplie par la grâce de Jésus-Christ, mais, alors, dit-il, ils appartiennent à la Loi nouvelle et ils sont membres de Jésus-Christ. Et il ajoute : les Juifs,

qui, en très grand nombre, n’ont pas accompli la Loi étaient dans l’impuissance de l’accomplir, parce qu’ils appartenaient à la Loi ancienne. Si quelques-uns étaient tirés de cette impuissance, ce n’était point par la vertu de la Loi, mais par la grâce qui n’a été accordée qu’à un tout petit nombre (paucis exceplis, avait dit Jansénius, De gratia Salvatoris, t. III, c. v). " Cette grâce, dit Jansénius c. viii, était plutôt une grâce empêchante, qui éclairait l’intelligence, en excitant la concupiscence et en augmentant les mauvais désirs. »

8. Nos non pertinemus ad 8. Nous n’appartenons à la novum foedus, nisi in quan-Nouvelle Alliance qu’autant tum participes sumus ipsitis que nous avons part à cette novæ gratiæ quæ operatur nouvelle grâce, qui opère in nobis, id quod nobis en nous ce que Dieu nous Deus præcipit. commande. Heb., viii, 10,

éd. de 1693 et 1699.

D’après cette proposition, la grâce efficace est la seule qui convienne à la Nouvelle Alliance et elle est la seule grâce de Jésus-Christ. Il faut donc conclure que le chrétien, qui ne possède pas cette grâce, que le pécheur et le juste qui tombe dans le péché, n’appartiennent plus à la Nouvelle Alliance. Seuls, les justes, qui persévèrent dans l’état de grâce, appartiennent à cette Alliance. Sans doute, pour être de vrais et parfaits chrétiens, il faut, avec la grâce efficace, faire ce que Dieu commande, mais on appartient à la Nouvelle Alliance, par le fait qu’on professe la foi chrétienne, même si l’on n’en remplit pas tous les préceptes. La proposition est donc suspecte d’hérésie, car elle suppose que, dans l’Église de la Nouvelle Alliance, il n’y a que des justes et des saints en qui agit la grâce efficace.

9. Gratia Christi est gratia 9. La grâce de Dieu est suprema, sine qua conflteri une grâce souveraine sans Christum nunquam possu-laquelle on ne peut jamais mus et cum qua nunquam confesser Jésus-Christ et illum abnegamus. avec laquelle on ne le renie

jamais. I Cor., xii, 3, éd.

de 1693.

Cette proposition est indéfinie et universelle ; elle affirme que toute grâce est efficace et souveraine ; que, sans cette grâce, on n’a pas le pouvoir réel de confesser Jésus-Christ et qu’avec elle jamais on ne le renie. C’est la seconde proposition de Jansénius : « la grâce de Jésus-Christ est toujours efficace et on n’y résiste jamais », condamnée comme hérétique. Sans doute, la grâce est nécessaire pour faire le bien, pour confesser Jésus-Christ, mais cette grâce n’est pas toujours efficace. En fait, beaucoup de ceux qui reçoivent la grâce, en abusent et la rejettent ; c’est la grâce suffisante dont Quesnel nie l’existence. On peut avoir le pouvoir de confesser Jésus-Christ, comme Pierre avant sa chute ; mais pour le confesser effectivement, il faut la grâce efficace. Lorsque la grâce de Jésus-Christ est efficace — mais elle ne l’est pas toujours pour des raisons diverses — elle est souveraine et avec elle on confesse Jésus-Christ et on ne le renie point.

10. Gratia est operatio 10. La grâce est une opémanus omnipotentis Dei, ration de la main toute-puisquam nihil impedire potest, santé de Dieu, que rien ne ant retardare. peut ni empêcher, ni retarder. Matth., xx. 34, éd.

1693 et 1699.

Cette proposition va encore plus loin que la précédente : non seulement, on ne peut pas résister à la grâce, mais on ne peut empêcher ou retarder son cours. N’est-ce pas nier la liberté humaine, dont il ne reste que le nom ? La liberté ne consiste plus qu’à suivre volontairement l’opération de la grâce. Dès lors, si toute grâce a l’effet voulu de Dieu, c’est donc