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UNIGENITUS (BULLE) ANALYSE


teur de Sorbonne, comme secrétaire. Amelot apportait des Instructions (A/J. clr., Corr. Ruine, t. dxl). Sa correspondance et celle de Targny se trouvent aux Aff. étr., t. dxl à dlv.

Quatre moyens étaient proposés : 1. Le pape citerait à Rome le cardinal de Noailles et ses adhérents ; ils y seraient entendus et jugés et le roi leur enjoindrait de répondre à cette citation. — 2. Le pape nommerait des commissaires pour juger l’affaire de ces évêques. — 3. Le pape enverrait au nonce ou à quelques évêques du royaume une commission pour ordonner aux évêques séparés de recevoir la bulle comme l’assemblée l’a reçue, sous peine d’interdiction de leurs fonctions et de l’entrée de leur église. — 4. Il serait tenu un concile national.

Amelot devait montrer que, seul, ce dernier projet était réalisable et capable de terminer les divisions. Aussitôt les intrigues commencèrent. D’un côté, l’abbé Fhilopald, prêtre de la Mission et correspondant de Noailles tenait celui-ci au courant de tout ce qui se passait ; de l’autre, l’abbé de Targny, le P. Timothée et le P. Daubenton travaillaient à l’insu d’Amelot et de La Trémoille. Le P. Timothée fut éloigné, car il fut nommé évêque de Béryte et coadjuteur de l’évêque de Babylone.

Dès son arrivée à Rome, Amelot constata que le pape ne consentirait pas à la convocation d’un concile national, surtout parce qu’il estimait ce moyen dangereux et sujet à trop de lenteur. Jugeant que l’autorité du roi et la sienne devaient suffire à ramener l’unité, Clément XI projeta d’envoyer deux brefs au cardinal de Noailles, par l’intermédiaire du roi. Le premier exhortait Noailles à la soumission ; le second ordonnait et menaçait Noailles de le dégrader du cardinalat et de le traiter ensuite suivant la rigueur des canons. Si le cardinal se soumettait, on lui remettrait seulement le premier bref ; s’il résistait, on lui remettrait le second. Le projet, communiqué par Fabroni à Amelot, fut agréé et signé par lui. Dans le premier bref, le bref de douceur, le pape avait inséré quelques explications de la bulle, à condition que ce bref ne serait remis à Noailles que lorsqu’on aurait des assurances certaines de sa soumission.

Amelot confia le secret à l’abbé Philopald, qui se hâta d’apprendre la nouvelle à Noailles et lui conseilla de profiter des explications contenues dans le premier bref pour publier en France qu’il avait réduit le pape à expliquer la bulle. Il engageait le cardinal a recevoir le bref de douceur, à publier ce bref en tête de son mandement, à expliquer la bulle en donnant ces explications comme implicitement contenues dans le bref de Sa Sainteté et à accepter ensuite la constitution.

Le pape Ignorait toute cette intrigue et. lorsqu’il l’apprit, il ordonna à Fhilopald de sort ir de Rome dans les vingt-quatre heures et sans délai de tout l’Étal ecclésiastique.

Le cardinal de Rohan craignait qu’on B’opposât au bref de rigueur et il demanda quc ce bref ne fut pas présenté par le nonce. Il aurait voulu que le bref de douceur fût d’abord remis à Noailles ; mais convaincu que le pape ne consentirait pas, il insista de nouveau sur la nécessité de convoquer un concile national en France. Le pape rejeta le projet dont on lui avait fait connaître les conditions : le concile ne serait convoqué que si les deux brefs de Sa Sainteté restaient sans résultai ; le pape désignerait ses légats et on laisserait au roi la liberté de convoquer le concile.

Mais Amelot, en maintes circonstances, avait constaté que le pape et les cardinaux de Rome ne vou laient â tucun prix d’un concile national. Cependant, excédé par les instances et inquiété par un bruit qui circulait, Clément XI se décida, le 1 août 1715, à accepter cette solution, pourvu que tout fût prévu en détail, « pourvu que préalablement l’on concertât, l’on établît et l’on assurât les formes qu’il faudra observer et les mesures qui sont à prendre, afin que tout se commence, se poursuive et se conclue, de manière qu’en mettant à couvert l’autorité du Siège apostolique et l’obéissance due à la constitution dont il s’agit, on fasse cesser tout danger de confusion et de rupture, qui sont si abhorrées du cœur paternel de Sa Sainteté ».

De son côté, Louis XIV semblait décidé à réunir un concile national et à le convoquer lui-même, si le pape refusait de le faire. Une lettre de Voysin (24 juillet 1715) réunissait les magistrats à Marly ; on parla d’un lit de justice et les magistrats firent une très vive opposition, durant la première quinzaine d’août. Mais bientôt la maladie et la mort du roi, le 1 er septembre 1715, changèrent complètement la face des événements. On ne parla plus d’un concile national.


II. Analyse de la constitution Unigenitus.

La constitution Unigenitus condamne cent une propositions, extraites d’un livre imprimé en français et divisé en plusieurs tomes, intitulé : Le Nouveau Testament en français, avec des réflexions morales sur chaque verset, etc., à Paris, 1699, et autrement, Abrégé de la morale de l’Evangile, des Épîtres de saint Paul des Épîtres canoniques et de l’Apocalypse, ou Pensées chrétiennes sur le texte de ces Livres sacrés, etc., à Paris, 1693 et 1694. Le livre avait déjà été condamné ; cependant le pape a cru nécessaire de le condamner à nouveau et en détail, à cause de la propagande qu’en faisaient les novateurs et à cause du caractère hypocrite de ce livre, « dont le venin est très caché sous les apparences de la piété et du respect pour l’Écriture sainte. Ce ne sont pas seulement les évêques, mais c’est encore le roi très chrétien, qui, par des instances réitérées, a demandé la condamnation de ce livre, pour l’intérêt de la foi catholique et le repos des consciences… Nous avons fait examiner par plusieurs docteurs en théologie, en présence de deux cardinaux, un grand nombre de propositions extraites avec fidélité des différentes éditions du livre, tant françaises que latines. Nous avons ensuite été présent à cet examen. Nous y avons appelé plusieurs autres cardinaux pour avoir leur axis, et après avoir confronté chacune des propositions avec le texte du livre. Nous avons ordonné qu’elles fussent examinées et discutées soigneusement dans plusieurs congrégations qui se sont tenues à cet effet. » Ces paroles suffisent pour montrer la fausseté des affirmations qu’on trouve couramment chez les historiens jansénistes, d’après lesquels les propositions auraient été condamnées sur l’ordre du roi et sans aucun examen.

Les propositions condamnées sont très diverses : elles résument la plupart des thèses jansénistes sur la grâce, sur les vertus théologales et surtout sur la foi et la charité, sur le sacrement de pénitence et la crainte des peines, sur l’Église, les censures et l’excommunication.

Le quesnellisme peut se ramener à trois thèses fondamentales :

1. Dans l’état présent de la nature déchue, il faut reconnaître deux délectations Indélibérées : l’une céleste qui mène au bien et l’autre terrestre qui conduit au mal ; ces deux délectations meuvent la volonté, suivant leur degré de force et d’intensité, selon les formules de Jansénius et de Quesnel : quixl amplius nos détectât, secundum id operemur necesse est. C’est le résumé des quarante-li ois premières propositions condamnées.

2. Il n’y a pas de milieu entre la cupidité vicieuse et la charité surnaturelle, par laquelle on aime Dieu pour lui-même. Donc l’acte dans lequel la charité n’intervient pas est mauvais, non seulement parce qu’il n’est pas rapporté