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UNIGENITUS (BULLE). ACCEPTATION


la tentative ne réussit pas et on songea, dit-on, à enlever Noailles pour le transporter à Rome, où il serait jugé. Le prétendu complot échoua. Noailles usa de subterfuges, demanda des sursis et fit traîner de semaine en semaine la remise du mandement que le roi lui avait imposé. Il reçut ordre de le déposer avant le 18 octobre entre les mains du cardinal de Polignac. Il dut obéir et il obéit de mauvaise grâce, omettant de faire les corrections qu’on lui avait demandées. C’est alors qu’il fut question du concile national.

Acceptation de la bulle.

1. L’épiscopat. — Au

sein de l’assemblée, huit évêques seulement n’avaient pas accepté la constitution et l’instruction pastorale. Le tout fut envoyé aux évêques qui n’avaient pas assisté à cette réunion. La plupart en accusèrent réception aux agents généraux du clergé « avec des témoignages de joie ». Au 1 er octobre 1714, cent onze évêques avaient accepté la constitution, d’après le Recueil des mandements et ordonnances. Cependant quelques-uns sont plutôt hostiles à l’acceptation : l’évêque de Pamiers, M. de Verthamon, l’évêque de Mirepoix, M. de La Broue, l’évêque d’Arras, Guy de Sèves de Rochechouart, l’évêque de Tréguier, Kervilis, l’évêque d’Angoulême, et surtout l’évêque de Montpellier, M. Colbert de Croissy. D’autres sont plus timides : ils acceptent avec des restrictions plus ou moins formelles sur le sens et la canonicité de la bulle. Parmi eux, certains inclinent à combattre : l’évêque de Sisteron, Thomassin, l’évêque de Tournay, Caillebot de la Salles, l’évêque de Màcon, de Tilladet et l’évêque de Metz, de Cambout de Coislin, tandis que d’autres usent de ménagements : l’évêque de Lectoure, de Polastron, l’évêque de Condom, Milon, l’évêque de Dax, d’Arbocave, l’évêque de Castres, Quiqueron de Beaujeu et l’évêque d’Agen, Hébert. Seuls, les évêques d’Angoulême et de Montpellier se joignent ouvertement aux huit évêques de l’assemblée et les autres acceptent relativement aux explications. Bref, la très grosse majorité des évêques de France, cent douze contre treize, et à peu près tous les évêques étrangers, qui ont eu l’occasion de donner leur avis, acceptent la bulle Unigenitus. Les affirmations de Le Roy, p. 593, sont notoirement erronées : « La majorité des prêtres et des moines, la masse des laïques soutiennent les prélats opposants. Les femmes elles-mêmes interviennent (Mlle de Joncoux). » Il ajoute « que les évêques étrangers, peu intéressés à la question du jansénisme, ne publient pas, en général, la constitution, qui avait été faite pour la France et les Pays-Bas. Les historiens jansénistes sont donc autorisés ( ?) à compter les évêques acceptants : vingt-deux ou vingt-trois prélats sur les quatre cents soixante-six archevêchés ou évêchés des diverses Églises ; six en Italie sur près de trois cents sièges, huit ou neuf en Espagne et en Portugal pour soixante-six, sept ou huit en Allemagne, en Hongrie et en Pologne pour soixante-sept ». Le Roy emprunte tous ces chiffres à l’Histoire du livre des Réflexions morales dont les tendances jansénistes ne sont pas dissimulées.

2. Les facultés de théologie.

Dès le 28 février 1714, le roi écrivit à la faculté de théologie de Paris, pour lui enjoindre « de tenir la main à ce que, dans les leçons de théologie et de philosophie, il ne soit avancé ou enseigné aucune proposition contraire aux décisions contenues dans la bulle et de faire insérer dans les registres ladite constitution ». Rohan convoqua le syndic, Le Rouge, pour le prier de se rendre avec six anciens à son hôtel, où il recevrait les ordres de Sa Majesté. La lettre du roi fut lue, à la séance du 1 er mars, tandis que, dit une chronique janséniste, « les docteurs parcouraient le mandement de Noailles

daté du 25 février, qui venait de leur être remis, et dans lequel le cardinal défendait de recevoir la bulle, indépendamment de son autorité, et d’une autre main que la sienne ». Le syndic requit la faculté de recevoir par un décret solennel la bulle Unigenitus, comme elle avait reçu la bulle Vineam. On pouvait craindre que le mandement de Noailles intimidât quelques docteurs. Aussi le roi écrivit-il une nouvelle lettre le 2 mars et Rohan rappela au syndic que la faculté était indépendante de l’archevêque de Paris et n’avait rien à redouter de lui, puisqu’elle relevait immédiatement du Saint-Siège.

Alors, un docteur, nommé Vitasse, exposa le presbytérianisme le plus pur et déclara qu’on ne devait accepter la bulle que si on la jugeait catholique et approuvée par toute l’Église. Or, disait-il, « l’Église n’est pas seulement composée d’évêques, mais encore de curés et de prêtres, qui, de droit divin, leur sont associés pour la gouverner, et des peuples qui leur sont soumis ». La discussion s’envenima et la séance fut renvoyée au lundi, 5 mars.

Les discussions recommencèrent, puis on vota. Mais les Relations sont ici en désaccord complet. La bulle fut enfin acceptée le 10 mars ; la conclusion ne souleva pas d’opposition et elle fut enregistrée. Il y eut cependant quelques protestations, à l’assemblée du 4 avril suivant, contre cette conclusion que quelques docteurs affirmèrent avoir été modifiée : elle était beaucoup plus longue que celle qui avait été lue et approuvée et on y avait fourré des articles sur lesquels on n’avait point délibéré, comme, par exemple, l’exclusion de ceux qui soutiendraient des propositions contraires aux décisions de la bulle et les peines contre ceux qui contreviendraient au décret. Une nouvelle lettre du roi, du 10 avril, imposa la soumission. Quelques protestataires furent exilés : de Bragelongne à Saint-Flour, Bidal à Noyon et Hulot à Saint-Brieuc.

La plupart des autres facultés du royaume acceptèrent la constitution à peu près sans résistance. Cependant la faculté de Reims, durant le mois de mai 1714, resta très divisée. Le 12 mai, il y eut de vives discussions, et le 23 mai, à la pluralité de dix-sept voix contre neuf, il fut conclu que la faculté recevrait la bulle de la même manière que l’assemblée des prélats « respectivement aux explications, contenues dans les actes de l’assemblée et dans l’arrêt du Parlement pour l’enregistrement de la bulle ». Le docteur Le Gros se distingua parmi les opposants.

3. Projet de concile national. —

Cependant l’entente était loin d’être parfaite. Aussi, après quelque hésitation, on décida de convoquer un concile national, pour procéder contre Noailles et contre les opposants. Ce projet semble avoir été conçu par l’archevêque de Cambrai, Fénelon, et il fut approuvé par le P. Le Tellier. Fénelon avait publié quelques écrits qui aboutissaient à cette conclusion : Mémoire sur la nécessité et les moyens de ramener le cardinal de Noailles et les autres prélats ré/raclaires à l’avis de l’assemblée du clergé ; — Mémoire sur l’affaire des huit prélats réfractaires et de leurs adhérents ; — Mémoire sur la voie de procéder contre les huit prélats ; — Mémoire sur les motifs qui doivent engager le Saint-Siège à envoyer la constitution Unigenitus à toutes les Églises catholiques, dans Œuvres, t. viii, p. 260-281.

Le projet fut adopté par le roi, qui, le 29 octobre, désigna Amelot pour régler cette affaire à Rome. Ce choix, écrit Saint-Simon, t. xxv, p. 134, était excellent, car Amelot n’était suspect à personne : « ami des jésuites, mais homme d’honneur et de grand talent, pour les négociations et les affaires ». Il partit pour Rome, le 14 décembre, avec l’abbé Targny, doc