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    1. UNIGENITUS (BILLK)##


UNIGENITUS (BILLK). L’ASSEMBLÉE JUGÉE A ROME 2074

nant, que le roi avait interdit aux évêques opposants d’écrire au pape, parce que, dans leur lettre, ils disaient franchement ce qui s’était passé dans l’assemblée et faisaient sentir le piège que les quarante tendaient au Saint-Père, dans leur acceptation. La Trémoille se contenta de dire que cette lettre était visiblement écrite par des esprits séditieux, émissaires des jansénistes, et qu’il fallait « couper la racine à tous ces écrits, en approuvant ce qui avait été fait dans l’assemblée, suivant les réflexions contenues dans la lettre de M. le cardinal de Rohan ».

Le pape dressa un bref et l’envoya à Rohan et aux archevêques et évêques assemblés à Paris. Le bref fut traduit en français, imprimé et envoyé à tous les évêques de France. Le pape louait les ménagements, la patience, la longanimité que le désir de conserver la paix avait inspirés aux prélats de l’assemblée et il espérait que ceux qui avaient refusé d’accepter rentreraient en eux-mêmes. Des écrits anonymes attaquèrent ce bref comme contraire au droit des évêques de juger et comme susceptible de persuader que l’acceptation de la constitution avait été pure et simple ; on aurait voulu une approbation explicite de l’instruction pastorale. Le cardinal de La Trémoille trouvait cette instruction « très judicieuse, très solide, très bien tournée, pleine d’une érudition exquise, mais surtout très capable de justifier la bulle, et de faire revenir ceux qui se sont laissés prévenir contre les censures de quelques propositions, innocentes en apparence, mais très ambiguës en effet ». Dans l’audience du 17 avril, le pape déclara à l’ambassadeur « que l’approbation que le Saint-Siège a coutume de donner à ces sortes de pièces était de ne les point désapprouver, et que non seulement il n’avait pas désapprouvé l’instruction pastorale, mais qu’il avait loué la conduite des évêques ». Cependant les disciples de Quesnel n’ont pas manque d’écrire que le pape se montra indigné et qu’il fit condamner l’instruction par la Congrégation de l’Index comme contraire au véritable sens de la bulle.

D’autre part, Rohan recevait de Rome une lettre du."> juin : l’instruction, y disait-on, est fort applaudie (à Rome) ; on s’empresse pour l’avoir et chacun en parle comme d’un chef-d’œuvre. On la regarde comme la plus belle et la plus forte apologie qu’on pouvait faire de la bulle et dont Rome doit envier la gloire à la France,

Par contre, la conduite de Noailles était très sévèrement jugée. Non content de ne pas signer l’acceptation, il avait publié, le 25 février, une instruction pastorale, par laquelle il défendait aux piètres de son diocèse de recevoir la bulle Indépendamment de son autorité, sous peine de suspense, et. en même temps. il réitérait la condamnation du livre de Quesnel. Il déclarait qu’il s’était séparé des autres archevêques et évêques de France, mais cette diversité ne touchait point la substance de la foi et ne rompait point les nœuds sacrés de la charité… Les évêques avaient seulement choisi des expédients différents pour terminer l’affaire, qui attire aujourd’hui l’attention de l’Église. » Pour justifier sa manière d’agir, il s’appuyait principalement sur l’obscurité et l’ambiguïté de certaines propositions condamnées. Cette instruction singulière était du 25 février ; le lendemain, Noailles écrivait au cardinal PaulUCCi, pour lui demander sa protection auprès du pape. dans la crainte qu’il ne soit prévenu par ses adversaires, qui s’appliquent,

tous les jouis, à exciter de nouveaux orages contre

lui ». Le 5 mars, il envoyait au même cardinal son instruction pastorale. Paulucci lui répondit le 28 mars, pour lui faire part de la surprise que son mandement a ut causée au Saint Père, au Sacre Collège ci i tonte cette Cour, dont les tribunaux ont juyé ne pouvoir

pas différer d’en donner des témoignages certains. En elTet, un décret du Saint-Office du 28 mars condamna cette instruction de Noailles « comme captieuse, scandaleuse, téméraire, injurieuse au Saint-Siège, sentant le schisme et y conduisant ». Dans sa dépêche au nonce, Paulucci expliquait l’émotion causée par ce mandement de Noailles. « On ne trouvera aucun archevêque catholique et cardinal qui ait osé, non seulement désobéir à une bulle dogmatique, mais empêcher qu’on ne s’y soumette par des censures encourues ipso facto. Cet acte public est plus d’un rebelle et d’un schismatique déclaré que d’un cardinal qui fait profession de grande piété. » Le même décret du Saint-Office condamnait un mandement de l’archevêque de Tours, daté du 9 février, avec les mêmes notes. L’archevêque y déclarait que la bulle n’était pas acceptée dans le diocèse de Tours, mais qu’on devait cependant la regarder avec le respect dû, en tout temps et en toutes circonstances, au souverain pontife ; il condamnait le livre de Quesnel, dont il défendait la lecture, et enfin il se disait toujours opposé à l’hérésie du jansénisme.

Le Parlement eût voulu appeler comme d’abus de ce décret du Saint-Office, mais le roi refusa, et « pour éviter tout incident capable de former de nouveaux embarras », il préféra ignorer le décret. Les évêques de Roulogne, de Rayonne et de Chàlons-sur-Mame firent des mandements pour suspendre leur acceptation jusqu’à ce que le pape se fût expliqué ; un nouveau décret, le 28 avril, condamna ces trois mandements avec les mêmes qualifications.

Sa Sainteté écrivit au roi lui-même un bref (8 mai 1714), pour signaler l’opiniâtreté des huit prélats et demander le secours du bras séculier pour réduire au silence les amateurs de contestations et de nouveautés et ramener la paix et l’unité. Le roi répondit le 8 juin : il promit d’employer au bien et à la paix de l’Église l’autorité qu’il avait reçue de Dieu pour soutenir la vérité, combattre et détruire l’erreur et ramener au centre de l’unité et de la véritable doctrine ceux qui ont le malheur de s’en écarter..Mais Rome eût désiré davantage. Le nonce avait déjà demandé qu’on envoyât le cardinal de Noailles à Rome pour l’éloigner de Paris. A Paris, on se contenta de rédiger un mémoire pour demander un arrêt du Conseil contre le mandement de Noailles et contre les lettres de ses amis. Le mémoire, d’ailleurs, resta sans effet, car on espérait ramener Noailles à l’unité : en réalité, celui-ci continuait de faire des promesses. jamais réalisées.

L’instruction pastorale, qui devait accompagner la publication de la bulle commença à paraître le 20 mars. La bulle et les lettres patentes furent envoyées de la part du roi, le 25 mars. Aussitôt les disciples de Jansénius et de Quesnel la firent imprimer avec des Observations et des Considérations, pour en signaler la mauvaise foi, les erreurs grossières et pour défendre les propositions censurées. Les Réflexions sur V instruction pastorale et l’Examen théologique sur l’instruction pastorale attaquent la foi des prélats qui l’ont souscrite.

La bataille s’engage autour de Noailles que ses amis sentent prél à entrer dans des accommodements pour accepter la bulle. Son frère, l’évcque de Châlons sur Marne, les amis de Quesnel, les évêques de Mont pellier et de Senez lui écrivent pour lui prêcher la fermeté contre cette bulle i radicalement irréforma-Me ; des conférences eurent lieu à Paris, de in ; ii à juillet 1714, pour dresser une instruction pastorale

relative à des explications, i.es termes en étaient si mesurés que No.iilles i croirait corriger son accep talion par la relation, tandis qu’à Rome, on montrerait que l’acceptation annulerait la relation. Mais