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UNIGENITUS (BULLE). A L’ASSEMBLÉE DU CLERGÉ
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reconnaître la doctrine de l’Église et de la constitution de Clément XI ; elle doit accepter avec soumission et respect cette constitution qui condamne le livre de Quesnel et condamne, en même temps, les cent une propositions qui en sont extraites. Avant de se séparer, l’assemblée doit arrêter un modèle de l’instruction pastorale qui serait publiée dans tous les diocèses avec la constitution, traduite en français, afin de montrer l’unanimité de l’épiscopat, étouffer les erreurs condamnées et prémunir contre les mauvaises interprétations de personnes malintentionnées. On enverrait cette instruction et la constitution aux archevêques et évêques absents et on les engagerait à s’y conformer ; on écrirait au pape pour le remercier de la condamnation du livre de Quesnel. Après avoir remercié Sa Majesté de la protection qu’elle avait accordée à l’Église, on supplierait le roi de donner des lettres patentes pour l’enregistrement et la publication de la bulle. Rohan expliqua les motifs des diverses décisions prises par la commission pour sauvegarder les droits de l’épiscopat : « Nous ne nous sommes point regardés comme de simples exécuteurs des bulles apostoliques, mais nous avons reçu la constitution en connaissance de cause et avec une discussion plus exacte que n’ont jamais fait nos prédécesseurs. Les expressions par lesquelles vous marquez votre jugement sont les mêmes dont se sont servis les quarante-trois évêques des Gaules, en écrivant à saint Léon et elles ont été employées par nos prédécesseurs dans l’assemblée de 1656… Ainsi nous conservons les droits de notre dignité et nous rendons au Saint-Siège ce qui lui est dû. »

Lorsque Rohan eut achevé d’exposer l’avis de la commission, Noailles fit une longue harangue. Il souligna les nombreux points de doctrine soulevés par la bulle ; il ne s’agit pas, dit-il, de condamner un livre que tous les évêques pouvaient condamner ; il ne s’agit pas de condamner le jansénisme. Mais, dans la bulle, il y avait bien d’autres questions sur la morale, sur la discipline, sur la juridiction, sur les vertus théologales ; il s’agissait de cent une propositions, dont l’erreur, du moins pour quelques-unes, n’était pas bien sensible et dont la condamnation avait alarmé le public. Pour résoudre tant de questions, il faudrait un concile général. « Si cinq propositions justement condamnées avaient troublé si longtemps l’Église, que ne devait-on pas craindre de la condamnation des cent une propositions, faite avec des qualifications vagues et indéterminées, dont chacun pourrait, selon son caprice, faire des explications abusives (sic). »

Il y avait trois partis au sein de l’assemblée : les uns ne voulaient accepter la constitution qu’après avoir expliqué le mauvais sens des propositions : c’était le parti de Noailles. Les autres voulaient une acceptation pure et simple* sans aucune explication ; enfin la plupart des évêques voulaient une acceptation pure et simple, mais avec une lettre pastorale annexée, afin d’instruire les esprits ignorants ou prévenus. Rohan groupa ces deux derniers partis. Le mardi 23 janvier, quarante évêques acceptèrent la constitution contre neuf qui ne la rejetaient point, mais qui suspendaient leur acceptation jusqu’à ce qu’ils eussent vu l’instruction pastorale : ils ne refusaient pas, mais ils différaient leur acceptation.

La commission se mit aussitôt à l’œuvre pour rédiger l’Instruction pastorale. Le 1 er février, l’instruction était prête ri clic fut lue devant l’assemblée. Noailles et ses amis ne VOUlurent pas souscrire et, au nom de tous, l’archevêque déclara qu’il s’adresserait au pour lui exposer leurs difficultés et le supplier de donner les moyens de câliner les consciences alarmées, de soutenir la libellé des écoles catholiques

et de conserver la paix dans nos Églises ». Ils écrivirent au roi qu’ils auraient cru abandonner la vérité, les droits de l’épiscopat, les maximes du royaume et ne donner à l’Église qu’une paix fausse et dangereuse ; il était plus convenable et plus respectueux pour le Saint-Siège de s’adresser au pape et de le supplier de déterminer le sens des propositions que de contester entre évêques. Ils proscrivaient le livre de Quesnel et, pour le surplus, ils priaient le pape de déclarer ses intentions. Cinq jours après, en fait, ils écrivirent au pape pour lui exposer leurs sentiments et lui demander de censurer, avec des qualifications distinctes et particulières, chacune des propositions colidamnées… pour ôter toute ressource à l’erreur et prévenir les maux dont ils étaient menacés. Les évêques acceptants furent fort mécontents de ces deux lettres et le roi défendit aux opposants d’écrire en nom collectif. Le 7 février, une lettre de cachet leur ordonnait de se retirer dans leurs diocèses. Mais, avant de se quitter, les membres de la minorité donnèrent à Noailles une procuration pour « faire opposition, réquisition, protestation, appel tant simple que d’abus et tels autres actes qu’il jugerait nécessaires ». Ils rédigèrent aussi un exposé doctrinal, intitulé : Précis des erreurs que nous croyons que le pape a voulu condamner par la constitution, et des vérités auxquelles nous ne croyons pas qu’il ail voulu donner atteinte.

De leur côté, les évêques acceptants déclarèrent que l’Instruction pastorale dressée par eux serait « comme une espèce de rempart et de digue opposée aux interprétations fausses et contraires au véritable sens de la constitution ». Ils envoyèrent une lettre circulaire aux prélats absents pour leur expliquer leur conduite et les prier de publier, chacun, dans son diocèse, l’Instruction pastorale dont ils joignent un exemplaire. Le 6 février, Rohan et les cinq commissaires se rendirent à Versailles, pour faire connaître au roi la fin de l’assemblée.

Dès le 9 février, le roi avait convoqué à Versailles le président de Mcsmes et les gens du roi ; il y eut des entrevues orageuses et, d’après le Mémoire inédit de Joly de P’ieury, Louis XIV se montra particulièrement violent contre le procureur général Daguesseau, qu’il savait opposé à l’enregistrement des lettres patentes. Le même jour, Louis XIV reçut le procureur général et les avocats généraux qui lui présentèrent de respectueuses remontrances sur le libellé des lettres patentes. Ils critiquaient le terme Enjoignons appliqué à l’épiscopat, comme contraire à l’usage constant de l’Église et demandaient qu’on employât l’expression Admonestons ou Exliortons, parce que le roi ne peut ordonner à des évêques de recevoir une bulle, lorsqu’elle a été acceptée dans une assemblée du clergé. Le roi refusa de faire les modifications demandées et, le 13 février, il congédia les magistrats en termes vifs. Le 14, il ordonna de dresser un projet de lettres patentes, pour qu’il fût communiqué à Messieurs du Parquet,

La bulle fut enregistrée le 15 février 1714, au milieu d’un profond silence qu’interrompit seulement la harangue de l’abbé Pucelle. La Cour enregistra sans approuver « les décrets non reçus dans le royaume énoncés dans ladite Constitution, comme aussi sans préjudice des libertés de l’Église gallicane, droits et prééminences de la couronne, pouvoir et jurisdict ion des évêques du royaume et sans que la condamnation des propositions qui regardent la matière de l’excommunication puisse donner atteinte aux maximes du royaume ». Cette dernière restriction concerne la proposition 91, relative à la crainte d’une excommunication injuste qui ne saurait empêcher les sujets du

roi d’observer les lois de l’État et autres devoirs réels et véritables.