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ULFILA. DOCTRINE


science profonde était pour eux superflue. Ce que leur a donné Ulfila et qu’il pouvait lui-même emprunter à d’autres, correspondait à leurs besoins, et leurs besoins théologiques étaient minces : la transcription des Écritures dans leur langue, quelques commentaires inspirés d’auteurs réputés, cela suffisait à peu près. » J. Zeiller, op. cit., p. 511.

III. Doctrine.

La doctrine professée par Ulfila nous est connue par deux documents que nous reproduirons en entier. Le premier est une appréciation fournie par Auxence de Durostorum sur l’enseignement de son maître :

Secundum traditionem et auctoritatem divinarum scribturarum hune (le Christ) secundum Deum et auctorem omnium a Pâtre et post Patrem et ad gloriam Patris esse nunquam celavit ; majorem habentem Deum et Patrem suuin secundum sanctum Evangelium semper manifestavit. .. et ipse de divinis scripturis caute instructus et in multis conciliis sanctorum episcoporum diligenter conflrmatus et per sermones et tractatus suos ostendit, differentiam esse divinitatis Patris et Fili, Dei ingeniti et Dei unigeniti, et Patrem quidem esse creatorem creatoris, Filium vero creatorem totius creationis ; et Patrem esse Deum Domini, Filium autem Deum esse universæ creaturae… sed et Spiritum Sanctum non esse nec Patrem nec Filium, sed a Pâtre per Filium ante omnia factum ; non esse primum nec secundum, sed a primo per secundum in tertio gradu substitutum ; non esse ingenitum nec genitum sed ab ingenito per unigenitum in tertio gradu creatum secundum evangelicam prsedicationem et apostolicam traditionem, sancto Joanne dicente : « Omnia per ipsum facta sunt et sine ipso factum est nec unum » ; et beato Paulo adserente : « unus Deus Pater ex quo omnia et unus Dominus Iesus Christus per quem omnia adprovabat. » Dissert. Maximini, p. 73-74.

La doctrine exprimée dans ce texte est l’arianisme le plus net. Le Fils et l’Esprit-Saint sont appelés les créatures du Père. Seul le Père est proprement Dieu ; Dieu en premier. Le Fils occupe le deuxième rang après lui ; l’Esprit-Saint ne vient qu’à la troisième place. Il est vrai que le Fils est aussi engendré et même que ce dernier mot lui est applicable d’une manière exclusive. À côté du Dieu inengendré, il est, lui, le Dieu engendré. L’Esprit-Saint, lui, n’est pas autre chose qu’une créature ; il n’est ni inengendré, ni engendré ; il n’est même pas dit procédant, selon l’expression si heureuse que les docteurs cappadociens introduiront d’une manière définitive dans la langue de la théologie et dont ils feront le caractère propre du Saint-Esprit. C’est donc à peine s’il prend encore place dans l’ordre des réalités divines. Il n’est pas impossible qu’Auxence ait interprété à sa manière les enseignements d’Ulfila et qu’il leur ait donné une tonalité plus accentuée que celle à laquelle Ulfila lui-même était attaché. Cependant, il ne faudrait pas se hâter de l’accuser d’infidélité, car le second document, la profession de foi rédigée par Ulfila lui-même peu de temps avant sa mort, rend au fond le même son : « Ego Ulfila episcopus et conf essor semper sic credidi et in hac fide sola et vera transitum facio ad dominum meum.

Credo unum esse Deum Patrem, solum ingenitum et invisibilem ; et in unigenitum Filium ejus Dominum et Deum nostrum, opificem et factorem universæ creaturæ non habentem similem su uni ; ideo unus est omnium Deus Pater, qui et Dei nostri est Deus. Et unum Spiritum Sanctum, virtutem intuminantem et sanctifleantem, ut ait Christus post resurrectionem ad apostolos suos : « ecce ego mitto promissum Patris mei in vobis, vos autem sedete in civitatem Hierusalem, quoadusque induamini virtute(m)ab alto » ; item « et accipietis virtutem superveniente(m) in vos sancti Spiritus », nec Deum nec Dominum, sed ministrum Christi (fidelem) nec (equalem) sed subditum et oboedientem in omnibus Filio. Et Filium subditum et oboedientem (suo) omnibus Deo Patri, eique similem secundum scripturas qui per Christum ejus a Spiritu sancto… » Dissert. Maximini p. 76.

Ce texte est malheureusement incomplet. Tel quel il n’en a pas moins une importance capitale. Il nous apparaît comme le testament spirituel de l’évêque goth, mais en même temps comme l’expression de la foi que celui-ci a toujours professée, qu’il a transmise à son peuple, pour laquelle il a mérité le titre glorieux de confesseur. Cette foi est bien arienne, et tous les efforts accomplis pour la tirer en d’autres sens apparaissent singulièrement vains. W. Luft, Die arianische Quellen ùber Wulfila, dans Zeitschrift fur deulsches Altertum, t. xlii, 1898, p. 291 sq., essaie de ranger Ulfila au nombre des homéousiens, sous prétexte qu’il insiste particulièrement sur la création du Saint-Esprit. Mais nous savons, d’après le témoignage d’Auxence, que les homéousiens figuraient parmi les hérétiques dont il combattait les doctrines. D’autres, comme F. Jostes, Das Todesjahr des Ulfilas und der Ueberlrilt der Golen zum Arianismus, dans Beitràge zur Geschichte der deutschen Sprache und Literatur, t. xxii, 1897, p. 158 sq., présentent à l’inverse le symbole d’Ulfila comme une formule d’union et estiment que, jusqu’en 383, Ulfila n’aurait pas eu une position théologique très nette, mais serait resté en communion avec les orthodoxes. Ce qui contredit de la façon la plus formelle tout ce que nous savons d’ailleurs sur l’évêque goth, sur ses disciples et sur la doctrine qu’il a léguée à son peuple. En réalité, il suffit de lire le symbole que nous venons de transcrire pour en connaître le véritable sens. Seul le Père, inengendré et invisible, mérite au sens propre le nom de Dieu. Après lui vient son Fils unique : celui-ci est notre Dieu, c’est-à-dire qu’il est l’intermédiaire entre le Père invisible et la création. Il est sans doute le créateur, le démiurge de tout ce qui existe et il ne saurait être comparé à aucune des créatures, mais il est lui-même soumis au Père qui est son Dieu comme il est le nôtre. S’il peut lui être dit semblable, c’est d’une manière large, qui exclut tout aussi bien l’homoousianisme des orthodoxes que l’homéousianisme enseigné naguère par Basile d’Ancyre et par ceux de son groupe. Quant à l’Esprit-Saint, son rôle est encore moindre que celui du Fils. Il n’est ni Dieu, ni Seigneur, car il n’y a qu’un seul Dieu, le Père ; et un seul Seigneur, Jésus-Christ. Il n’est pas égal au Fils ; mais il est son serviteur, obéissant en toutes choses à ses ordres. On peut comparer la place qu’il occupe par rapport au Fils à celle que le Fils lui-même occupe par rapport au Père ; mais elle est encore plus subordonnée, car le Fils, engendré, reste Fils, tandis que l’Esprit, créé, n’est qu’un ministre docile des volontés du Fils qui l’envoie sur la terre pour y accomplir l’œuvre de la sanctification des âmes. On ne saurait affirmer d’une manière plus claire l’infériorité de l’Esprit-Saint. Qu’après cela, l’Esprit-Saint soit, après le Fils lui-même, la plus noble et la plus excellente des créatures, on ne saurait le nier. Mais cela importe peu, car on ne voit guère comment il mérite encore le nom de Dieu. Peut-être la partie perdue du symbole était-elle plus explicite sur ce point, car l’Écriture ne permet pas, même aux ariens, de faire de l’Esprit-Saint une créature en tout semblable aux autres et elle lui assigne une place dans l’ordre des réalités divines ; il n’en est pas moins assuré qu’Ulfila est aussi éloigné que possible de la doctrine orthodoxe sur la troisième personne de la divinité ; et après la décision du concile de 381, son symbole n’avait aucune chance d’être agréé de l’empereur Théodose.

On a beaucoup écrit sur Ulfila et il n’est pas possible, ni utile de signaler tous les travaux publiés à son sujet. Parmi les plus importants, nous citerons seulement Waitz, Ueber das Leben und die Lehre des Ulfilas, Hanovre, 1840 ; Bessel, Ueber das Leben des Ulfilas, Gœttingue, 1860 ; F. Kauflmann, Aus der Schule des Wulfila, Strasbourg, 1899 ; W.