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UBERTIN DE CASALE


69 v°. Pour ce qui est de la pénitence, l’auteur de VArbor réfute les hérétiques de son temps qui déclaraient nulle et invalide l’absolution donnée par un prêtre en état de péché mortel et les patarins qui prétendaient que tout laïc pouvait validement absoudre. L. IX, c. xxxvi, fol. 188 v°, 189 v°. Administrée, avec, pour matière, de l’huile, du baume et de l’eau et, pour forme, des paroles hébraïques prononcées sur la tête du patient, l’extrême-onction, telle que la donnent les hérétiques, n’est pas un sacrement, mais un simulacre sacrilège et inutile, fol. 188 v°. Malgré ses doctrines erronées sur la constitution de l’Église, Ubertin reconnaît la légitimité du sacrement de l’ordre et de la hiérarchie. Il insiste sur la nécessité de la vocation sacerdotale et sur la dignité de vie pour quiconque veut recevoir avec fruit ce sacrement. L. IV, c. xxvi, fol. 188 v° ; t. V, c. viii, fol. 234 r°. L’auteur a inséré dans son Arbor un traité complet concernant l’eucharistie, t. IV, c. v, Jésus partis sacratus, fol. 141 r°-151 r°, auquel il renvoie lui-même, t. IV, c. xxxvi, fol. 188 r°. À signaler par ailleurs une méthode d’assistance à la messe qui consiste essentiellement à se servir des gestes rituels du prêtre pour méditer sur la passion, la mort, l’ensevelissement du Sauveur. L. V, c. vii, fol. 149 r°150 r ».

d) Sur le chapitre De novissimis, l’auteur est tributaire de la théorie des trois époques et des sept états, t. V, c. i, fol. 204 r° sq., qu’il a apprise d’Olieu. Cf. ici t. viii, col. 1450, 1452 ; t. xi, col. 987. Comme pour son maître, le règne du Saint-Esprit, à son avis tout proche, doit se terminer par le suprême avènement du Christ et par le jugement général. Ubertin établit contre certains hérétiques l’existence du jugement dernier et il termine Y Arbor en nous montrant le Christ régnant dans la gloire avec ses élus pendant que les damnés brûlent en enfer pour l’éternité. L. V, c. xiv, fol. 244 r°-245 r° ; c. xv, fol. 245 v°.

e) Théologie fondamentale. De Ecclesia. — Dès le début de 1 Arbor vilas, Ubertin professe pleno corde et aperto ore la soumission la plus complète envers la « sainte Église romaine », au jugement de laquelle il entend soumettre pleinement et sa personne et son ouvrage ». Prologus sec, fol. 4 r°. Dans un autre passage, l’auteur traite de la puissance suprême dont jouit le vicaire du Christ et de la plénitude de la juridiction qu’il possède. L. IV, c. xxxvi, fol. 189 v°. Étant donné les attaques qui abondent dans VArbor contre l’Église et les papes Boniface VIII, Benoît XI et même Clément V, on pourrait taxer Ubertin d’hypocrisie. Ce serait une erreur. La notion d’Église est obscurcie chez lui par le joachimisme et ses invectives contre les papes lui ont été suggérées par l’interprétation qu’il donne aux événements, mais in abstracto le spirituel admet la potestas regendi de l’Église et du pape. Pour Ubertin la véritable Église ce n’est pas cette Église charnelle, adonnée aux trois concupiscences, telle que l’a décrite son maître Olieu, cf. ici t. xi, col. 987, mais l’Église renouvelée que saint François et saint Dominique ressuscites, aidés des vrais pauvres évangéliques, t. V, c. viii, fol. 230 r°234 v°, allaient bientôt faire revivre lors de l’avènement du règne du Saint-Esprit. Quant à lui, Ubertin, en bon catholique qu’il s’estimait, son devoir était de frayer les voies à cette Église spirituelle en dénonçant les crimes de l’Église charnelle, la t grande prostituée de Babylone ». L. V, c. i, fol. 208 r°.

Quant aux papes Boniface VIII, la mala bestia, Benoît XI, l’altéra bestia de l’Apocalypse, Clément V, « troisième successeur de la mala bestia et oppresseur du Siège apostolique », t. V, c. viii, fol. 228 v°, 229 r°, 230 r°, 232 r » et v°, 233 r°, 234 r°, si le spirituel les tient pour hérétiques, intrus et même Boniface VIII pour

1’ « Antéchrist mystique », t. V, c. viii, fol. 230 v°, c’est qu’il estime, se séparant sur ce point d’Olieu, que depuis l’abdication de Célestin V, invalide parce qu’elle était illicite et de droit divin et de droit naturel, t. IV, c. xxvi, fol. 188 v », 189 r » ; t. V, c. viii, fol, 231 v », 234 v°, il n’y a plus de pape légitime dans l’Église. L. V, c. viii, fol. 229 r°. Pour lui, il attend « que siège ce pape qui doit tout réformer » et c’est à ce chef futur de l’Église régénérée qu’il soumet, par avance, sa personne et sa doctrine. L. V, c. vii, fol. 234 r°. Plus tard, il obéira à Clément V et à Jean XXII, mais ce ne sera pas parce qu’il les tiendra pour légitimes, mais pour ne point s’exposer à ce châtiment qu’il entrevoyait déjà avec terreur dans son Arbor si son ouvrage et sa personne venaient à tomber entre les mains de ceux qui regunt populum. L. V, c. iv, fol. 218 r°.

g) Théologie mystique. — Ubertin traite dans son livre avant tout de la vie spirituelle, t. III, c. xiii, fol. 108 r°-117 r°, et particulièrement des moyens d’arriver à la contemplation. Trois choses, enseignet-il, sont essentielles à la contemplation : la pureté intérieure…, la garde exacte des sens, l’obéissance aux inspirations intérieures. La pureté intérieure est un fruit du don de sagesse, qui engendre dans l’âme une double humilité, l’une qui est fille de la vérité (on est humble lorsqu’on se connaît), l’autre qui est un effet de la charité (on s’humilie par amour pour Jésus souffrant et abaissé). L. II, c. viii, fol. 66 v°. Pour parvenir à cette forme d’humilité il faut, dans la méditation, s’assimiler la passion du Christ avec tant d’ardeur qu’on en arrive non seulement à y assister en esprit, mais bel et bien à la revivre en toute vérité. Sans doute les sujets d’oraison peuvent et doivent varier ; aussi Ubertin dresse-t-il un calendrier mystique de la semaine dans lequel chaque jour est consacré à la méditation d’un mystère de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Prol. prim., fol. 2 r° et v ». Enfin il conseille de méditer sur les exemples d’humilité et de détachement donnés par saint François, minimus minorum, l’ennemi de la vaine science. L. V, c. iii, fol. 209 r°, 2Il r°, 212 r° et v°. La garde des sens exige l’abstinence, le jeûne, la pénitence, la vie solitaire, t. III, c. iii, fol. 71 v°, 72 v°, 74 r", mais surtout l’amour surhumain et surnaturel de la sainte pauvreté, t. III, c. xiii, fol. 108 r°-117 v°, amour qu’Ubertin a exprimé dans la plus belle page mystique de l’Arbor : La prière à Madame ta Pauvreté. L. V, c. iii, fol. 2Il v°. La pratique de la pauvreté universelle se confond avec le renoncement à tout le créé, sans lequel il n’y a pas de perfection possible. Or, renoncer de la sorte aux réalités extérieures, c’est couvrir la première étape qui mène à la contemplation ; reste à parcourir la seconde : le renoncement à soi-même. On y arrive par l’obéissance, t. III, c. iii, fol. 75 r°, et particulièrement par l’obéissance aux inspirations intérieures, à l’exemple du Christ qui obéit à l’Esprit le poussant au désert. L. II, c. viii, fol. 66 v°. Parvenue à ce stade, l’âme entrera alors dans le domaine de la contemplation active ou passive, selon qu’il plaira à l’Esprit d’en disposer. Se dépouillant d’eux-mêmes, sous l’influence de la pauvreté et de la charité, grâce à 1’» amour de transformation », Prol. sec., fol. 3 r°, les vrais contemplatifs se transformeront en Jesunculi, en petits Jésus. L. V, c. viii, fol. 234 r°. Transportés alors d’ « amour extatique », Prol. sec, fol. 3 r°, état qui suppose la défaite totale de la nature et l’abstraction des sens, plus la mort du moi et la vue de Dieu en toutes choses, les hommes spirituels jouiront alors de la contemplatio exstalica, t. I, c. ix, fol. 26 r°, 30 r° ; t. III, c. iii, fol. 74 r°, qui apparaît à Ubertin comme le terme ultime de la connaissance.