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    1. TYRANNIE##


TYRANNIE. LE TYRAN DE GOUVERNEMENT

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du passé, nous disons que la résistance active est licite sous les quatre conditions précitées, quand le tyran machine la ruine de l’État. » Instil. philosophiez moralis et socialis, 1899, p. 487. Même doctrine dans son Droit naturel, Bruxelles, 1912, p. 791.

Dans sa Théologie morale, Paris, 1941, p. 242, n. 462, Vittrant, S. J., s’exprime en ces termes : « Si un gouvernement, par l’ensemble de ses agissements, devenait nuisible au bien commun, c’est encore le désir de sauvegarder, autant que possible, la paix, et de rétablir au plus vite la concorde, qui devrait inspirer le choix des moyens à employer pour venir au secours de la cité. Dès lors, même si une réaction vigoureuse était jugée nécessaire, on devrait d’abord s’efforcer d’avoir recours aux moyens légaux. On ne serait en droit de prendre l’initiative de la force et de la violence, que si les conditions suivantes se trouvaient réalisées simultanément : a) le danger public devrait être, au jugement de la partie saine de la population, grave et évident ; b) le bien commun et l’ordre public devraient être certainement compromis, sans laisser d’espoir pour les rétablir dans le recours aux moyens légaux ; c) de l’avis des hommes prudents, l’entreprise devrait être pratiquement assurée du succès, sans risquer de provoquer un état plus nuisible encore au bien commun que le désordre régnant. Alors, conclut l’auteur, « la rébellion à main armée pourrait ne pas être une sédition, mais une réaction morale et honnête ». Ibid., n. 462.

3. Les documents du magistère. —

Citons d’abord Léon XIII : « Il n’existe qu’une seule raison valable de refuser l’obéissance ; c’est le cas d’un précepte manifestement contraire au droit naturel ou divin, car là où il s’agirait d’enfreindre soit la loi naturelle, soit la volonté de Dieu, le commandement et l’exécution seraient également criminels. Si donc on se trouvait réduit à cette alternative de violer ou les ordres de Dieu ou ceux des gouvernants, il faudrait suivre le précepte de Jésus-Christ, qui veut qu’on rende à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ; et, à l’exemple des Apôtres, on devrait répondre : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Et il ne serait pas juste d’accuser ceux qui agissent ainsi, de méconnaître le devoir de la soumission ; car les princes dont la volonté est en opposition avec la volonté et les lois de Dieu, dépassent en cela les limites de leur pouvoir et renversent l’ordre de la justice ; dès lors leur autorité perd sa force, car où il n’y a plus de justice, il n’y a plus d’autorité. » Diuturnum, 29 juin 1881, op. cit., t. i, p. 149.

Dans une encyclique plus récente, Pie XI traçait à la hiérarchie mexicaine les devoirs des chrétiens à l’égard des pouvoirs établis. Après avoir rappelé que l’Église, « même s’il doit lui en coûter beaucoup, soutient la cause de la paix et de l’ordre et condamne la rébellion injuste et la violence contre les pouvoirs constitués », le pontife affirme en revanche que, « si ces pouvoirs attaquent ouvertement la justice et la vérité, de telle sorte qu’ils ébranlent les fondements mêmes de l’autorité, on ne voit pas de motif à blâmer les citoyens qui se groupent pour leur défense et la sauvegarde de la nation, n’employant que des moyens licites et adaptés contre ceux qui abusent de l’autorité pour faire tort à la chose publique… Il va de soi, poursuit le pape, que la solution pratique de cette question dépend nécessairement des circonstances particulières ; cependant, il est indispensable de mettre en lumière un certain nombre de principes :
a) Ces sortes de revendications n’ont qu’un caractère de moyen, tout au plot de fin relative, et non de fin dernière et absolue. —
b) En tant que moyens, elles doivent être des actions licites et non intrinsèquement mauvaises. —
c) Comme elles doivent être adaptées et proportionnées à l’obtention de la fin, il ne faut y recourir qu’autant qu’elles conduisent totalement ou partiellement à cette fin, de telle manière qu’elles ne causent pas à la communauté et à la justice un dommage plus grand que les maux auxquels on entend porter remède. —
d) L’emploi de ces moyens ainsi que l’exercice des droits civils et politiques, en tant qu’ils ne concernent que des affaires d’ordre purement temporel et technique ou des questions de défense à main armée, n’affectent pas directement le rôle de l’action catholique. Celle-ci cependant a le devoir d’instruire les fidèles de l’exercice correct de leurs droits, comme aussi des revendications à faire selon les règles de la justice, lorsque le bien commun l’exige. —
e) Le clergé et l’action catholique, dont la mission de paix et de charité doit rassembler tous les hommes in vinculo pacis, ont le devoir de contribuer de toutes leurs forces à la prospérité de la nation, tant en favorisant le plus possible l’union des citoyens et des classes, qu’en secondant toutes les entreprises sociales qui ne sont pas en désaccord avec la doctrine chrétienne et la loi morale. » Encycl. Firmissimam constantiam, Acta Aposl. Sedis, t. xxxix, 1937, p. 196 sq.

Citons encore un article du concile provincial de Malines (1937) au sujet de la soumission aux pouvoirs établis : « …Il n’y a qu’une seule raison qui dispense les citoyens et même leur défende d’obéir à la loi ou au précepte du gouvernement : c’est quand l’ordre porte sur une chose moralement mauvaise, ou la défense sur une chose obligatoire ou un droit certain. .. C’est à la lumière de cette doctrine qu’il faut résoudre la question soulevée de nos jours par certains : est-il permis de faire valoir « l’objection de conscience » contre la loi civile ? — Si une loi vient à imposer une action intrinsèquement et manifestement mauvaise ou à violer sans aucun doute possible les droits de l’Église, on peut et on doit refuser obéissance et proclamer le droit de préserver sa conscience du péché : telle est « l’objection de conscience » légitime, qui ne s’appuie pas sur une opinion personnelle, mais sur l’enseignement du magistère ecclésiastique. En dehors de ces cas, dans lesquels le souverain pontife et les évêques donnent d’ordinaire des normes sûres de conduite, il faut obéir aux lois civiles, à chacune selon sa nature… » Actes et décrets, Louvain, 1938, p. 17-18.

Et pour terminer, voici un document qui, sans être officiel, a reçu l’approbation de l’assemblée des cardinaux et archevêques de France en 1935, et peut être considéré, à ce titre, comme l’enseignement ordinaire du magistère en notre pays. À la question posée : « Est-il licite de renverser par la force un gouvernement qui compromet gravement le bien commun ? » La réponse est la suivante : « Il n’est pas permis aux simples particuliers de se faire justiciers pour défendre le bien commun contre l’autorité établie qui en a la charge. Outre qu’il leur manque, pour cela, autorité de justice, ce serait dangereux pour le peuple si des hommes, de leur propre initiative, entreprenaient de s’attaquer par la force à la personne des gouvernants… Dans les cas de graves excès du pouvoir contre la vie ou les biens des citoyens, la résistance défensive par la force est légitime, si toutefois elle est utile et n’entraîne pas de graves sévices. C’est le droit de légitime défense. « Quand se vérifient simultanément les conditions suivantes :
a) Lorsque l’ensemble des autorités sociales et des hommes prudents, qui constitue le peuple dans son organisation naturelle et dans ses éléments les meilleurs, reconnatt un danger public ; —
b) lorsqu’il s’agit, en effet, de l’existence même du bien commun gravement compromis ; —
c) si les mêmes hommes