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1947

TYPE DE CONSTANT II

TYRANNIE

1948

des discussions relatives aux opérations et aux volontés dans le Christ. Après avoir établi son droit de regard dans les matières religieuses et constaté les divergences qui se manifestaient, le basileus interdisait à tous les chrétiens « de disputer d’une façon quelconque au sujet d’une volonté ou d’une opération, de deux opérations ou de deux volontés ». Pour enlever tout prétexte à des discussions interminables, il ordonnait d’ôter des portes de Sainte-Sophie, le texte de l’Ecthèse qui y avait été affiché. Des pénalités diverses étaient prévues à l’endroit des contrevenants : déposition pour les évêques et les clercs, excommunication pour les moines, confiscation des biens pour les sénateurs, dégradation pour les soldats, châtiments corporels et exil pour les gens du commun. Texte dans les actes du concile du Latran de 649, Mansi, Concil., t. x, col. 1029-1032. De toute évidence le Type marquait un recul par rapport à l’Ecthèse ; de celle-ci les papes avaient demandé la suppression ; cette suppression était accordée et l’acte d’Héraclius disparaissait des portes de Sainte-Sophie. Mais le Type maintenait d’autre part le droit de l’empereur de juger seul et en dernier ressort d’une question religieuse. Enfin et surtout il paraissait mettre sur le même pied deux doctrines dont l’une était considérée par le Siège apostolique et l’ensemble de l’Église comme une hérésie, dont l’autre était regardée comme l’expression de la vérité.

Tout ceci explique comment le Siège apostolique, au lieu de voir dans le Type une démarche du basileus en vue de l’apaisement, mit sensiblement cet édit sur le même pied que l’Ecthèse. On ne saurait dire si le pape Théodore I er en eut connaissance. Mais, dès le début de son pontificat, Martin I er, qui remplaça Théodore, prit nettement position à l’endroit du Type. Voir son article. Le concile important réuni par lui au Latran dès 649, condamna en termes énergiques non seulement l’Ecthèse très impie, mais le Type scélérat, Typus scelerosus. On sait de quelle conséquence fut pour Martin I er cette attitude intransigeante. Sans doute, lors du procès qui lui fut fait à Constantinople à l’automne de 654, on évita soigneusement de mettre en cause l’action du pape contre l’édit impérial ; les griefs qui lui furent faits étaient exclusivement d’ordre politique et, s’il fut condamné, ce fut à cause de son soi-disant manque de loyalisme, lors de la révolte d’Olympius. Mais nul ne fut dupe de cette accusation Le « martyre » du pape Martin I er fut, dès l’abord, mis en rapport avec la condamnation du Type. A Rome toutefois les deux successeurs de Martin évitèrent de prendre à l’endroit de l’édit impérial une attitude trop accusée ; Eugène I er (655-657) aurait même eu la pensée de trouver dans la question des deux volontés une formule de conciliation. Extrêmement susceptible, l’opinion romaine lui fit comprendre qu’elle n’admettrait point de capitulation. Eugène reprit donc une plus fière attitude à l’endroit de Constantinople ; la cour préparait une action contre lui quand il mourut (2 juin 657). On finit d’ailleurs par comprendre sur les rives du Bosphore que nul ne profitait de cette lutte interminable. Le successeur d’Eugène, Vitalien (657-672) ayant fait montre de dispositions iréniques à l’endroit du patriarche et s’étant abstenu de condamner le Type, Constant II répondit par des démarches courtoises à son endroit. Quand, en 663, le basileus, qui songeait à transporter en Orient le siège de l’empire, se présenta à Rome, il y fut reçu par le pape comme un souverain orthodoxe. Jamais, pourtant, du vivant de Constant II, le Type ne fut retiré. C’est au fi ! s et successeur de celui-ci, Constantin IV Pogonat, que reviendrait l’honneur de mettre définitivement un terme à la politique monothélite ou monothélisante du Sacré Palais. Les négociations commencées par Pogonat avec le pape Donus (août 678) et continuées avec le pape Agathon supposaient implicitement l’abandon du Type. Le concile de 680 allait discuter en toute liberté de la doctrine des deux volontés et des deux énergies et la faire prévaloir contre l’étrange compromis que représentaient le monénergisme et le monothélisme. Bien que l’on ait évité, au VI » concile de mettre en cause les actes du pouvoir civil qui avaient favorisé la naissance et le maintien de la nouvelle hérésie, il n’en reste pas moins que l’intime union rétablie entre l’Église et l’État amenait l’abandon de formulaires qu’avait imposés l’intrusion violente de l’État dans un domaine strictement religieux.

Se reporter à l’art. Monothélisme et à la bibliographie qui y est donnée ; ajouter L. Brénier dans Fliche-Martin, Histoire de l’Église, t. v, p. 150-185, qui débrouille bien les circonstances politiques.

É. Amann.


TYRAN ET TYRANNIE. —

La notion de tyrannie intéresse, à plusieurs points de vue, la théologie morale. Elle pose, en effet, la question de l’origine du pouvoir dans l’État, la considération du pouvoir illégitime du tyran faisant mieux ressortir les droits de l’autorité légitime. Cf. art. État, t. v, surtout col. 887 sq. On étudiera successivement : I. La notion de tyrannie. II. La résistance au pouvoir tyrannique (col. 1965).

I. Notion de la tyrannie.

I. LE NOM ET LA CHOSE.

Chez les Grecs.

Dans la Grèce antique, le mot turannos désignait tout citoyen qui s’était emparé du souverain pouvoir, lors même qu’il gouvernait avec équité. Tel était en effet chez les peuples de l’Hellade le goût de la liberté, qu’ils se défiaient d’instinct du gouvernement d’un seul, fût-ce d’un homme soucieux du bien public. L’appellation de tyran n’avait donc pas, à l’origine, la signification péjorative qu’elle a retenue dans la suite. Aux vir* et vie siècles avant J.-C, on peut dire que la tyrannie, entendue en ce sens, fut la forme de gouvernement commune à toutes les cités grecques. Elles y arrivèrent par une sorte de révolution pacifique qui substitua le pouvoir d’un seul, s’appuyant généralement sur les classes populaires, aux excès provoqués par la rivalité des classes. Pisistrate à Athènes, Polycrate à Samos, Gélon à Syracuse, pour n’en citer que quelques-uns, furent des despotes, mais bienfaisants. A cette époque, on ne distingue pas le roi du tyran.

Tout autre paraît avoir été le caractère des tyrannies du ive siècle, tant dans la Grèce propre que dans certaines régions de la Sicile ou de l’Italie méridionale. De sinistres souvenirs restent attachés aux noms de Jason de Phères ou de Denys de Syracuse. Ces despotes gouvernèrent contre toutes les classes de la société, pour leur avantage personnel, souvent avec l’appui de mercenaires étrangers. C’est alors que dans l’appréciation commune s’établit une nette distinction entre la royauté et la tyrannie : « Le tyran est un mauvais roi, disait Aristote… La tyrannie est le contraire de la royauté, car le tyran ne poursuit que son propre intérêt. Eth. Nie, t. VIII, c. x. Avant lui, Platon avait dénoncé le tyran, t cet homme plein de lui-même, enflé par sa nature ou par les institutions, ou par ces deux causes à la fois, qui devient incapable d’amour et comme un furieux. Républiq., 1. IX.

A Rome.

La tyrannie ne fut pas plus populaire chez les Romains. L’épisode de Brutus l’Ancien, expulsant les Tarquins de l’antique Rome, est resté aussi célèbre que le geste de son descendant lors du meurtre de César (an 44 avant J.-C). À vrai dire, les Latins se préoccupaient moins de la légitimité de l’accession au pouvoir que de la manière dont celui-ci était exercé. C’était sur ses actes que l’on jugeait