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TYPE. DANS LA BIBLE

plus tard, au jour des vraies réalisations, deviendrait le moyen normal de sanctification et de salut. À la vérité les témoins de ces faits, les usagers de ces institutions n’auraient guère l’idée d’en faire des sortes de prophéties ; ils apercevraient difficilement le caractère relatif de telles réalités et seraient tentés de n’y voir que ce qu’elles avaient d’absolu. Ce n’est pas à l’usage des bénéficiaires de l’économie ancienne que ces esquisses, que ces ébauches sont marquées ; c’est au bénéfice, comme dit Paul, « de nous autres, qui sommes venus à la fin des temps », I Cor., x, 11, qu’elles ont été crayonnées. Ayant sous les yeux la réalité, nous voyons comment celle-ci a été préparée, si l’on peut dire, par approximations successives et comment dans l’histoire de la révélation tout s’enchaîne. Pour le croyant — et cette constatation est bien faite pour confirmer sa foi — l’Ancien Testament, l’ancienne économie de salut contient en germe tout ce que fera apparaître au grand jour la révélation définitive : Novum Testamentum in Vetere latet, Vetus Testamentum in Novo patet.

Ainsi en raisonnait déjà Notre-Seigneur lui-même : « Vous scrutez les Écritures, disait-il aux Juifs, parce que vous pensez trouver en elles la vie éternelle ; or, ce sont elles qui rendent témoignage de moi. » Joa., v, 39. Il ne s’agit pas seulement des prophéties explicites, mais bien de toute cette préparation que forme l’ambiance générale des Livres saints. Ailleurs, faisant allusion à l’épisode du serpent d’airain, Num., xxi, 9, Jésus disait à Nicodème : « Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. » Joa., iii, 14, 15. Ou encore, aux scribes et aux pharisiens qui lui demandent « un signe » : « Cette race méchante et adultère, répond-il, demande un signe ; il ne lui en sera pas donné d’autre que celui du prophète Jonas : de même que celui-ci fut trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson, de même le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. » Matth., xii, 39, 40. Poursuivant, d’ailleurs, son discours, il déclare « qu’il y a ici (c’est-à-dire dans son cas personnel) plus que Jonas, « qu’il y a ici plus que Salomon ». Jésus voit donc en ces diverses personnes et dans leurs gestes ou leurs paroles comme des anticipations de son personnage à lui-même ; affirmant d’ailleurs, dans la pleine conscience de sa dignité et de son rôle, sa supériorité sur elles. De même, voit-il dans l’action de Moïse dressant comme gage de guérison le serpent d’airain l’anticipation d’une autre réalité. À se tourner vers lui, pendu au gibet, les âmes éprouveront le même effet salutaire qu’éprouvaient dans leur corps les contemporains de Moïse quand ils se tournaient vers l’emblème érigé dans le désert.

Nourrie d’une méditation continue des Écritures, la pensée de Jésus apercevait dans celles-ci nombre de circonstances, de faits, de détails qui illustraient à l’avance son histoire à lui-même. À un degré moindre, il en était de même pour les disciples du Sauveur, surtout quand une fréquentation prolongée avec le Maître et la vue de ses actions eurent amené chez eux une foi parfaite à sa divine mission. À plusieurs reprises saint Jean fait remarquer que tel fait de la vie de Jésus qui, au premier moment, n’avait point frappé les apôtres, leur revint ultérieurement en mémoire et qu’ils le rapprochèrent de telle prédiction, de tel fait signalé par les Écritures. Cf. Joa., iii, 17. Dans la circonstance qu’au soir de la passion les soldats ne font pas subir au Christ le crurifragium qu’ils venaient d’infliger aux deux larrons, Jean voit l’accomplissement d’une prescription légale relative à l’agneau pascal, à qui l’on ne devait point rompre les os. Joa., xix, 36 ; cf. Ex., xii, 46 ; Num., ix, 12. Pour sommaire qu’elle soit, l’indication de l’évangéliste est précieuse. Dans l’agneau pascal, qui, d’après son comput, était immolé à l’heure même où le Christ expirait sur la croix, il voit une anticipation du sacrifice du Calvaire. Le précurseur, d’ailleurs, n’avait-il pas salué à l’avance dans Jésus de Nazareth « l’agneau de Dieu, celui qui porte sur lui le péché du monde » ? Joa., i, 29. Bien d’autres traits de la vie du Christ auraient pu être rapprochés de circonstances narrées par l’Ancien Testament. Comme Isaac était monté vers le lieu du sacrifice portant lui-même le bois de l’holocauste, Gen., xxii, 6, de même Jésus était parti pour le Calvaire, se chargeant de la croix, βαστάζων ἑαυτῷ τὸν σταυρόν. Encore qu’il ne soit pas fait explicitement par l’évangéliste, le rapprochement, à coup sûr, était dans sa pensée. Il ne serait pas malaisé de multiplier ces exemples.

Entraîné à l’étude systématique de l’Écriture, n’ignorant rien des ressources que fournissait aux scribes la comparaison des textes, Paul était, de tous les apôtres, celui qui était le mieux préparé à faire ces rapprochements entre les institutions, les personnages, les faits de l’ancienne économie et les réalités de la nouvelle. Arrêtons-nous seulement à deux de ces « leçons » qu’il tire de la considération de l’Histoire sainte. Comparant à grands traits le rôle joué respectivement dans l’humanité par le premier père et par le Sauveur, il n’hésite pas à voir dans Adam le « type de celui qui devait venir ». Rom., v, 14. Et l’expression « type », qui avait sans doute déjà dans l’usage rabbinique son sens technique, ne signifie pas que le premier Adam est, sous tous les rapports, une figure du deuxième. Il l’est en ce sens qu’il est pour l’humanité entière l’auteur de la vie physique comme le Christ sera pour tous les hommes le point de départ de la vie surnaturelle. Mais à côté de ce rapport par ressemblance il y a un rapport par opposition. À la désobéissance du premier Adam s’oppose la parfaite obéissance du second : la prévarication primitive fait régner la mort sur ceux-là mêmes qui n’ont pas péché personnellement ; la soumission parfaite du Sauveur fait, au contraire, abonder la grâce dans toute l’humanité. Rom., v, 12-19. En trois insistances successives, Paul se plaît à accentuer cette opposition. Cet exemple est très propre à montrer ce que l’apôtre entend par un type.

Et semblablement, la comparaison qu’il institue entre la double histoire des fils d’Abraham, Ismaël et Isaac, et l’histoire des « deux testaments ». Gal., iv, 21-31. On voit s’impliquer dans un même passage plusieurs images diverses. Les deux testaments ne sont pas seulement représentés par Ismaël, le fils selon la chair, et Isaac, le fils de la promesse ; ils le sont encore par le Sinaï d’une part (expressément relié au mont Sion sur lequel est bâti la Jérusalem terrestre) et les hauteurs de la céleste Sion, Jérusalem idéale à qui se rapportent les grandes promesses du Livre des consolations. Pour être tout à fait dans le goût rabbinique, ces transpositions ne laissent pas de nous surprendre quelque peu.

L’étude de l’Épître aux Hébreux montre une manière bien plus large et, en un certain sens, plus cohérente d’utiliser, à des fins d’apologétique, l’argumentation à partir des types. Il s’agit de convaincre des convertis du judaïsme qu’ils n’ont point à regretter les somptueuses cérémonies de leur ancien culte. Le sacerdoce aaronique qui est chargé de leur exécution est de beaucoup inférieur au sacerdoce dont a été revêtu le Christ. Celui-ci est prêtre « selon l’ordre de Melchisédech », comme l’annonçait à l’avance le psaume cx. Tablant sur cette donnée, l’auteur s’efforce donc de montrer dans ce personnage mystérieux, qui parait un instant dans l’histoire d’Abraham, un prêtre