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TURIN (CONCILE DE)

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autrement et le concile prendrait, pour l’histoire de la papauté, un intérêt beaucoup plus considérable, si l’on pouvait établir qu’il est une réponse directe de l’épiscopat de la Gaule cis-et transalpine aux « prétentions » du pape Zosime. Ce sont les vues qui ont été émises par E.-Ch. Babut, Le concile de Turin. Essai sur l’histoire des Églises provençales au Ve siècle et sur les origines de la monarchie ecclésiastique romaine (417450), Paris, 1904, et qui, aussitôt que produites, ont suscité les plus vives contradictions.

La question semble dominée par celle de la date du concile. Rassemblant les divers indices relatifs à un synode de Turin, Ch. Babut en relève dans plusieurs lettres du pape Zosime : dans la lettre Postquam a nobis, Jaffé, n. 330, P. L., t. xx, col. 656, où le pape fait le procès de Lazare d’Aix ; dans la lettre Cum adversus, Jaffé, n. 331 ; col. 662, qui renouvelle les mêmes griefs ; dans la lettre Mulla contra veterem, Jaffé, n. 334 ; col. 665, où il est parlé des agissements de Proculus de Marseille au concile de Turin, agissements qui ont vivement ému le pape. Ajouter aussi la lettre Quid de Proculi, Jaffé, n. 333 ; col. 668, où il est question du même synode, bien que le nom de Turin ne soit pas prononcé. Mais, à en croire Ch. Babut, il ne s’agirait pas. dans ces deux dernières lettres, de la même assemblée qui est visée dans les deux premières. Celle-ci, où Lazare — ce que lui reproche amèrement Zosime — mit en cause le saint évêque Brice, successeur de saint Martin à Tours, s’est tenue, pense Babut, en 405. L’autre est postérieure d’une douzaine d’années et c’est à elle que remontent la synodale et les huit canons cités plus haut.

Voici comment s’explique la genèse de cette assemblée de 417. Presque au lendemain de son élection, le 22 mars 417, le pape Zosime, circonvenu par l’évêque d’Arles, Patrocle, adresse aux évêques des Gaules la décrétale Placuit, Jaffé, n. 328 ; col. 642, qui constitue Patrocle métropolitain des provinces de Viennoise et des deux Narbonaiscs. Lésé dans ses prétendus droits ; l’évêque de Marseille, Proculus, trouve le moyen de dresser contre la décision pontificale l’épiscopat de la Gaule méridionale ; la cause de Proculus est portée devant un concile réuni à Turin, qui, sans la nommer, répond à la décrétale Placuit, en maintenant Proculus, sa vie durant, dans la jouissance des droits acquis (can. 1), et en favorisant Vienne dans sa lutte contre Ar’.cs (can. 2). C’est contre cette attitude, gravement attentatoire à la dignité du Saint-S’ège, que Zosime s’élève dans les lettres Quid de Proculi damnalione, Jaffé, n. 333 ; col. 668, où sont confirmés à rencontre des prétentions de Proculus, les droits de Patrocle ; Mulla contra veterem, Jaffé, n. 334 ; col. 665, où le pape dénonce aux évêques de la Viennoise et de la II » Narbonaise. les méfaits de Proculus ; Mirati admodum sumus, Jaffé, n. 332 ; col. 666, où il interdit à l’évêque Hilalrc de. Narbonne d’empiéter, dans la province de I r » Narbonaise, sur les droits qui ont été donnés à Patrocle d’Arles. Au même, sujet se rapporteraient les lettres Licet proximæ, Jaffé, n. 337 (pas dans P. L.), Cum et in prsesenti, Jaffé, n. 340 ; col. 673, Non miror Proculum, Jaffé, n. 341 ; col. 674, qui. toutes, insistent sur le respect dû aux décisions pontificales, censées mises en échec par la manifestation du concile de Turin. Si cette présentation des événements est exacte, on comprend que Ch. Babut ait pu voir dans le synode de Turin la première manifestation du gallicanisme ecclésiastique. « Si nos cano ! 8 du xvii » et du xvin » siècle, écrit-il, avaient reconnu la date et la signification de la Lettre synodale, ils auraient rendu le concile de Turin célèbre. Tous les défenseurs des libertés gallicanes auraient autorisé leur résistance aux prétentions ultramontnitu s de M précédent antique et décisif. L’assemblée de 1682 se fût placée sous le patronage de l’assemblée de 417. » Op. cit., p. 211.

Le malheur est que les fondements de cette thèse sont ruineux. Présentée comme on vient de le faire, la succession chronologique des documents relatifs aux affaires ecclésiastiques de la Gaule du sud-est ne tient pas, quand l’on y regarde d’un peu près. Ch. Babut est d’abord obligé de donner à la Lettre synodale du concile de Turin une date précise : aux mots X kalendas octobris du texte, il ajoute la date consulaire, Honorio XI et Constaniio II coss. (= a. 417) que ne fournit aucun manuscrit. Cette addition fût-elle admise, on se heurte à une nouvelle difficulté chronologique : le concile se serait donc ouvert le 22 septembre 417, et, dès les derniers jours de septembre, le pape aurait réagi : la lettre Quid de Proculi est expressément datée du 29 (/// kal. oct.), peut-être même du 26 septembre ; les autres lettres relatives à l’affaire se situent également dans les derniers jours du mois, à des dates où il était matériellement impossible d’avoir à Rome connaissance des décisions de Turin. Pour rendre vraisemblables ses arrangements, Ch. Babut est donc obligé de remanier complètement la chronologie des lettres de Zosime, sans aucun égard pour la tradition manuscrite. Admît-on tout ce maquillage, qu’il reste pour l’interprétation de cette littérature des difficultés considérables. La plus grave est celle du dédoublement du concile de Turin ; rien, absolument rien ne laisse entrevoir que l’assemblée visée par Zosime dans les lettres 330 et 331 soit différente de celle qui est expressément désignée dans la lettre 334, et dont les décisions — correspondant d’une manière très exacte aux deux premiers canons de Turin — sont rappelées dans la lettre 333 : Per indebita a synodo Proculus irrepserat. Quant à l’idée que les décisions prises à Turin seraient une réponse — et combien insolente — à la décrétale Placuit, elle est de la dernière invraisemblance. A coup sûr les mesures prises par Zosime en faveur de Patrocle d’Arles et contre Proculus ont causé quelque émoi dans le sud-est de la Gaule et l’on dira, à l’art. Zosime, quelles furent les réactions de l’évêque de Marseille. Mais de cette opposition qui se contentait d’ignorer les décisions prises par le pape, à la manifestation vraiment schismatique qu’est, dans le système de Ch. Babut, l’assemblée de Turin il y a loin. « Que le décret (du pape Zosime), dit excellemment L. Duchesne, ait soulevé des critiques en Provence, qu’il ait donné lieu à des protestations de la part des évêques lésés, c’est ce qui est vraisemblable et attesté. Que les évêques de la Haute-Italie se soient beaucoup émus de cette affaire, c’est ce qui n’est ni vraisemblable ni attesté. Que le métropolitain de Milan et ses collègues se soient ingérés à juger ce conflit après le pape ; qu’ils se soient réunis en concile pour casser un décret du Siège apostolique, c’est ce qui est monstrueux et sans exemple. Une pareille attitude eût été simplement schismatique. Et ce qui ajoute encore à l’invraisemblable, c’est que ce concile italien qui s’ingérait à réviser les décisions du Siège apostolique, aurait poussé l’insolente jusqu’à affecter de les ignorer. La prétérition serait vraiment trop forte. Ce concile de révoltés eût été une assemblée de gens mal élevés. » Le concile de Turin, dans Revue historique, t. lxxxvii, 1905, p. 291-292.

En résumé, la correspondance du pape Zosime relative aux affaires du sud-est de la Gaule suppose bien l’existence d’un concile tenu à Turin mais ce concile appartient déjà au passé. Le pape a cherché à se renseigner sur lui et il fournit, à son sujet, des précisions que ne Contiennent ni la Lettre synodale, ni les canons Onærvét, C’est en tenant pour non avenues les décisions de cette assemblée en matière d’organisation ecclésiastique, qu’il donne à Patrocle d’Arles une sl-