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    1. TROIS-CHAPITRES##


TROIS-CHAPITRES. LES SCHISMES CONSÉCUTIFS

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quelque temps le rôle de remplaçant du pape à Rome et avait, de ce chef, comme le dit son épitaphe, mérité l’honneur pontifical : Qui fuerat méritas pontificale decus. En tout état de cause le début du pontificat de Pelage Ier est à rapporter à la mi-avril 556. Cf. L. Duchesne, Le Liber pontificalis, t. i, p. cclxi et p. 302. Mais l’opinion du clergé et du peuple demeurait à son endroit extrêmement défiante ; l’affirmation du Liber pontificalis suivant laquelle il lui fut difficile de trouver un consécrateur n’a donc rien d’invraisemblable. Finalement il fut ordonné par deux évêques. celui de Pérouse et celui de Ferentino et un prêtre de l’évêché d’Ostie, ce qui était contraire à toutes les traditions romaines ; une grande animation ne laissait pas de régner contre lui dans la ville : Multitudo religiosorum, sapientium et nobilium subduxerant se a conununione ejus, dit le Liber pontificalis. La raison toutefois que donne la notice : Quia in morte Vigilii papæ se miscuisset, ne saurait être la seule explication de cette attitude. Ce que l’on reprochait à Pelage, au moins dans les milieux ecclésiastiques, c’était sa récente palinodie. Du camp des défenseurs des Trois-Chapitres et de Chalcédoine il était passé dans le camp adverse ; c’est l’impression qui est restée à Victor de Tunnunum : Pelagius trium prmfatorum capitulorum defensor, Justiniani principis persuasione de exilio redit et condemnans ea quæ dudum constantissime defendebat, romanse Ecclesiæ episcopus a prxvaricatoribus ordinatur. Chron., an. 558 (date certainement inexacte). P. L., t. lxviii, col. 961 A.

Pour rallier l’opinion défiante, Pelage organisa, de concert avec le patricc Narsès, une grande cérémonie liturgique. De Saint-Pancrace à Saint-Pierre une procession se déroula que présidait le pape ; quand elle fut arrivée à la basilique, Pelage monta à l’ambon et, tenant au-dessus de sa tête l’évangile et la croix, il jura qu’il était innocent de tout ce qui avait pu arriver à Vigile. Ceci pour le populaire. En même temps, à l’usage du monde ecclésiastique, il publiait une profession très habilement rédigée. Il déclarait recevoir les quatre conciles — du Ve il n’était pas question — comme aussi la série des décrets portés par les papes ses prédécesseurs de Célestin à Jean II et Agapet — de Vigile il ne soufflait mot — ; il condamnait les personnes qu’ils avaient condamnées, recevait celles qu’ils avaient reçues et vénérait tout spécialement comme orthodoxes les honorables évêques Théodoret et Ibas. Pour le reste, des réminiscences bibliques couvraient le blâme discret adressé aux gens trop zélés qui s’obstinaient à défendre les Trois-Chapitres. Jafîé, Reg., n. 938. L’agitation peu à peu se calma dans Rome ; mais cette misérable affaire n’avait pas encore fini de produire ses fruits empoisonnés.


VII. Les schismes consécutifs a l’affaire des Trois-Chapitres.

Aussi bien la question des Trois-Chapitres avait amené dans tout l’Occident une extraordinaire effervescence. Depuis longtemps aucune controverse théologique n’avait autant fait courir de plumes, en Afrique surtout. Nous ne pouvons donner ici qu’un aperçu de cette histoire littéraire, renvoyant pour chaque auteur à la notice qui lui a été ou lui sera consacrée.

L’effervescence littéraire.

Au moment où la question a été posée à Rome pour la première fois, le diacre carthaginois, Fulgence Ferrand a été appelé à donner son avis et s’est énergiquement prononcé contre la condamnation. Cf. ci-dessus, col. 1890. Ferrand n’a pas dû survivre longtemps à cette consultation et n’a pas connu, sans doute, les palinodies successives des titulaires du Siège apostolique. — Pontien, un évêque africain dont le siège est inconnu a laissé une Epistola ad Justinianum imperatorem, P. L., t. lxvii, col. 995-998, qui pourrait remonter au début de la querelle. — Vérécundus, évêque de Junca, a fait partie du groupe de prélats convoqués à Constantinople et qui comprenait aussi Réparatus, Firmus, Primasius. Réfugié à Chalcédoine avec le pape Vigile, il y mourut avant la réunion du Ve concile. Les Excerptiones de gestis Chalcedonensis concilii, publiées par Pitra, Spicilegium Solesmense, t. iv, p. 166-191, témoignent de sa préoccupation de retrouver, dans les actes de Chalcédoine, la teneur exacte des jugements rendus sur le compte de Théodoret et d’Ibas. — Beaucoup plus importante est l’œuvre de Facundus d’Hermiane : Pro defensione Trium Capitulorum, en douze livres, commencé à Constantinople avant l’arrivée de Vigile (25 janvier 547), et certainement terminé avant le Judicatum du samedi saint 548 ; Responsio adressée à Justinien, qui ne s’est pas conservée, mais est mentionnée dans la préface de l’ouvrage précédent ; Contra Mocianum scholasticum, où Facundus qui, d’accord avec la majorité des Africains, s’est séparé de Vigile et des Orientaux, justifie cette attitude du reproche de schisme ; Epistola fidei catholicee in defensione Trium Capitulorum, adressée aux catholiques d’Afrique et qui, en termes très vifs, prend position contre les évêques qui abandonnent les Trois-Chapitres, contre Vigile et Pelage, les romani prsevaricatores. — Moins volumineuse, mais tout aussi caractéristique, l’œuvre de l’évêque Victor de Tunnunum, qui, exilé à l’étranger, ballotté de résidence en résidence, rédige une Chronique, allant jusqu’à la première année de Justin II (566), où il fait passer toutes ses préoccupations et toutes ses rancœurs. — De même ordre le Breviarium causas nestorianorum et eutychianorum du diacre de Carthage Libératus, composé après la mort du pape Vigile et qui, pour démontrer l’erreur de Justinien dans l’affaire des Trois-Chapitres, reprend de très haut l’histoire de l’agitation monophysite à laquelle, en fin de compte, avait cédé le basileus. — Primasius d’Hadrumète a composé, lui aussi, un livre sur les hérésies, qui n’est pas venu jusqu’à nous, mais qui était vraisemblablement orienté dans le même sens. — Des préoccupations historiques analogues ont inspiré le neveu de Vigile, le diacre romain Rusticus. Exilé en Thébaïde pour avoir publié, après la sentence du concile de 553, un libellus contre les décisions conciliaires, il compose, soit durant son exil, soit après son retour, une Disputatio contra acephalos, où il fait le procès des monophysites ; mais surtout, rentré à Constantinople, il se livre, sur les actes d’Éphèse et de Chalcédoine à un travail minutieux de traduction et de comparaison, ajoutant enfin aux actes officiels un nombre considérable de pièces qui éclairent l’histoire de ces années troublées. Ainsi naquit l’ouvrage qu’il a appelé lui-même le Synodicum ; la première partie, A. C. O., t. i, vol. iii, donne l’histoire du concile d’Éphèse, formée en juxtaposant des pièces relatives à cette assemblée ; la seconde, ibid., vol. iv, fournit les documents relatifs à l’Acte d’union de 433 et aux événements qui suivirent. Cf. ici, art. Nestorius, t. xi, col. 87-88. À la vérité le point de vue de Rusticus est faux ; préoccupé de désolidariser Théodoret d’avec Nestorius, il a fait sur la pensée de l’évêque de Cyr des contresens évidents, du moins a-t-il transmis sur les tragiques démêlés des années 430 et suivantes des pièces de tout premier ordre qui, à des gens moins prévenus que l’étaient ses contemporains, auraient pu révéler le sens exact des premières luttes christologiques. — Nous avons signalé plus haut l’ouvrage du diacre Pelage, le futur pape In defensione Trium Capitulorum.

Toute cette activité littéraire témoigne de l’agitation des esprits. Il y faudrait joindre les correspondances qui de Constantinople venaient renseigner l’Occident, telles les lettres des clercs milanais ou des