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    1. TROIS-CHAPITRES##


TROIS-CHAPITRES. LE PAPE PELAGE 1 « 

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la lettre à Maris, comme il ressort de déclarations mêmes d’Ibas, n’est pas, ne peut pas être de celui-ci, que ce n’est pas après lecture de cette lettre que les légats romains et le concile se sont prononcés en faveur de l’orthodoxie de l’évêque d’Édesse, mais bien après lecture de la lettre des clercs de cette ville. Ce paradoxe, ou plutôt ce mensonge, est démontré à grand renfort d’arguments dialectiques, textuels, historiques, auprès desquels l’argumentation de la définition conciliaire est de toute clarté. Ci-dessus, col. 1905. L’exégèse des mots : Relecta ejus epistola eum orthodoxum judicaverunt, qui sont limpides, ne demande pas moins d’une longue page pour aboutir à cette conclusion : la lettre des clercs d’Édesse peut être dite la lettre d’Ibas (ejus epistola), puisqu’elle est écrite en faveur de celui-ci 1 Voici un échantillon de l’argumentation et de sa… simplicité.

Quod autem ejus > id est Hibse episcopi eam significasse videntur (legati) epistolam, signanter magis fin ne (la lettre des clercs) ipsius appellando quam pro se relegi petiit, illam potius ad Marim Persam quæ contra eum prolata est ostendunt ipsius nou fuisse, illo loquendi modo quo indubi tanter omnes hommes et de aliis et de se uti soient, ut eorum churlse epistolte dicantur, qui eis pro se utuntur et quorum ostenduntur prodesse negotiis. A. C. G., loc. cit., p. 161-162 ; P. L., col. 170 A.

Plus triste encore que ce lamentable plaidoyer est la condamnation de ceux qui n’admettent pas cette explication sophistiquée : « Arrière l’impudence de ces pervers qui, dans leur fausseté hérétique, veulent persuader qu’un seul des Pères siégeant à Chalcédoine a pu dire ou penser, au sujet de cette lettre à Maris, pleine de toute impiété, qu’il y avait là quelque chose d’orthodoxe 1° Et ces prolixes considérants aboutissaient à cette sentence : « Nous anathématisons et condamnons la susdite lettre à Maris, faussement attribuée à Ibas (epistolam quam ad Marim Persam hæreticum scripsisse Hibas confingitur), et quiconque croirait qu’il la faut recevoir ou défendre, ou prétendrait énerver notre présente condamnation. Anathème identique contre ceux qui, après avoir pris connaissance de notre constitution, prétendraient que la lettre à Maris a été reçue par le concile de Chalcédoine ou a été déclarée orthodoxe par quelqu’un des Pères, car c’est être injurieux pour la mémoire de cette assemblée, c’est vouloir renouveler un scandale déjà apaisé. » Ibid., p. 165 ; col. 174 B.

L’affaire de Théodore était bien plus vite réglée. La cause de tout le mal, c’étaient les nestoriens qui, par les livres de l’évêque de Mopsuestc, avaient tenté de remettre leur doctrine en circulation. Le zèle de l’empereur y avait mis bon ordre, et ce serait de la part de Vigile connivence avec l’hérésie, de ne point s’y associer. L’hérésie ne peut se prévaloir de ce que Théodore est nommé avec éloge dans la lettre à Maris, puisque celle-ci a été condamnée (sic) à Chalcédoine. Et d’ailleurs un examen attentif des écrits de Théodore avait clairement établi son hérésie. Ces propositions montraient que l’on n’avait pas le droit de dire que l’évêque de Mopsucste n’avait pas été condamné avant sa mort ; au fait elles tombaient sous le coup des anathèmes portés par le pape Damasc. Et, par une audacieuse confusion des doctrines et de la personne, Vigile de conclure que, dès 382, Théodore était un hérétique ; il n’héritait donc pas à le ranger à côté des hérétiques antérieurs, condamnés par les quatre conciles et par l’Église catholique, et à réprouver ses éoritv.

Le cas de Théodorct — au moins dans l’état présent du texte — était liquidé en quelques lignes. Était condamné ce qu’il avait écrit contre la foi orthodoxe, (t les xii anathématismes cyrillii >ns, pour Théodore ou Nntorlns. Au^i bien était-il constant que l’évêque de Cyr, à Chalcédoine, avait équivalemnic ut condamné tout cela, en recevant la définition du concile. Cette définition en effet énonce la même doctrine qu’avait fait prévaloir à Éphèse l’autorité de saint Cyrille : in qua beati Cyrilli in Ephesena prima expositam manijestum est prsedicari doclrinam.

Le tout se terminait par une rétractation en forme des mesures que Vigile avait pu prendre antérieurement en sens contraire : Quæcumque vero sive meo nomine sive quorumlibet pro defensione trium capitulorum prolata fuerint vel ubicumque reperta prsesentis noslri plenissimi constituti auctoritate vacuamus.

On remarquera que, s’il répète à peu près textuellement les anathématismes 12, 13 et 14 du Ve concile, le Judicatum de la IIe indiction ne dit mot des autres. Il ne saurait donc constituer une approbation complète des décisions de cette assemblée. Quant à la valeur même du document pontifical pour ce qui est des Trois-Chapitres, nous aurons loisir d’y revenir plus loin.

Épilogue. Mort de Vigile. Accession du pape Pelage Ier.

Le Judicatum de la IIe indiction est du 23 février 554. Il semble qu’ayant donné toute satisfaction au basileus, Vigile aurait dû, aussitôt que possible, reprendre le chemin de Rome. En fait, c’est seulement un an plus tard qu’il se décida au départ. Peut-être n’était-il pas fort pressé de se retrouver en contact avec les Occidentaux en général et les Romains en particulier. Il utilisait d’ailleurs son séjour dans la capitale à obtenir de la chancellerie impériale le règlement de toutes les questions que posait en Italie la reconquête byzantine. Le 13 août 554, Justinien signait une Pragmatique qui accédait à un certain nombre des demandes du pape : Pro petitione Vigilii… quædam disponenda esse censuimus, disait le basileus. La date exacte du départ de Vigile n’est pas connue ; ce doit être à la fin du printemps de 555 ; le voyage dut s’interrompre à Syracuse, où le pape mourut le 7 juin. Son corps fut rapporté à Rome où il serait enterré, non à Saint-Pierre, mais dans la petite église de Saint-Silvestre sur la Via Salaria.

Qu’advenait-il pendant ce temps du diacre Pelage ? Il avait été le principal inspirateur du Conslitutum de mai 553 (Judicatum de la I re indiction) ; aussi, après la palinodie de Vigile, en décembre de cette même année, s’était-il séparé avec éclat de son maître, en même temps que le diacre Sarpatus. Menacé de ce chef d’excommunication par Vigile il avait répliqué par un Retutatorium — cette pièce n’est pas conservée — qu’il réussit à faire passer sous les yeux du basileus. Sur quoi il fut arrêté et interné dans divers couvents successifs. C’est en cette demi-captivité qu’il composa son long mémoire In defensione trium capitulorum, publié récemment par R. Devreessc, 1932, dans la collection Studie testi, n. 57. C’était à la vérité un travail de seconde main, surtout inspiré par le volumineux ouvrage de même titre composé dix ans plus tôt par Facundus d’Hcrmiane : ce qui est personnel à Pelage, c’est le ton passionné sur lequel il parle de Vigile et de ses variations. C’est aussi la véhémence de ses propos contre les inspirateurs du pape, ses dictatores, les diacres Tullianus et Pierre. Voir l’art. Pelage I er, t.xii, col. 663.

Or, c’est précisément à Pelage que pensait, depuis quelque temps sans doute, le basileus, pour occuper le Siège pontifical au décès de Vigile. Au fait, si Pelage avait traité rudement Vigile en son dernier écrit, il avait trouvé le moyen de ne pas découvrir l’intangible majesté du bastteua. Quand et comment arriva-t-on à lui faire comprendre qu’il était le seul candidat possible à la chaire apostolique et qu’il deviendrait pape à de certaines conditions, c’est ce qu’il est difficile de dite. Ce fut peut-être après la mort, en octobre 553, d’un prêtre romain nommé Maréaa, qui avait joué