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1907

    1. TROIS-CHAPITRES##


TROIS-CHAPITRES. LE JUDICATUM DE 554

1908

pape qui va porter, non seulement dans l’affaire des Trois-Chapitres, mais dans des questions proprement théologiques les arrêts qui ^furent pris à la vin" et dernière séance (2 juin). Ils s’expriment en une définition positive et en de longs anathématismes d’une rédaction extrêmement laborieuse. En bref, par sa définition (horos), le concile anathématisait la personne et les écrits de Théodore de Mopsueste, les écrits de Théodoret « contre la foi orthodoxe, les douze capitula cyrilliens et le premier concile d’Éphèse, pour la défense de Théodore et de Nestorius ». Quant à la soidisant lettre d’Ibas qui n’avait jamais été, quoi qu’on prétendît, reçue par Chalcédoine dont elle contredisait la doctrine, elle était condamnée, elle aussi, comme niant que le Verbe se fût incarné de la sainte Théotocos, comme accusant Cyrille d’apollinarisme et le concile d’Éphèse de partialité, comme injuriant les douze capitula de Cyrille et comme défendant Théodore et Nestorius. Les quatorze anathématismes presque tous empruntés textuellement à l’édit impérial de 551, ci-dessus, col. 1897, se divisent en deux séries : Les dix premiers résument, sous la forme négative de ces sortes de décisions, la théologie telle que venait de la constituer Léonce de Byzance et canonisent la formule théopaschite : Unus de Trinitate crucifixus carne. Les quatre derniers visent, après les hérétiques du passé, y compris Origène, les Trois-Chapitres eux-mêmes : anathème à Théodore de Mopsueste ; en une longue période on essayait de caractériser sa subtile doctrine et l’on condamnait ses écrits aussi bien que sa personne, et en même temps ceux qui ne voulaient pas l’anathématiser ou, à plus forte raison, avaient écrit ou écrivaient pour le défendre ; anathème à certains ouvrages de Théodoret, aux gens qui pensaient comme lui, à ceux qui avaient écrit contre la vraie foi, contre Cyrille et ses capitula et qui étaient morts en cette impiété ; anathème enfin à la lettre prétendument écrite par Ibas à Maris (tîjç XeyojiivTjç wxpà "I6a Y£Ypâ<p60a Tîpiç Maprjv), pour les mêmes raisons exposées dans la définition, anathème à qui la défendrait même dans une de ses parties, à qui avait écrit ou écrirait en sa faveur, sous prétexte de respect pour le concile de Chalcédoine. Texte des dits anathématismes dans Denzinger-Bannwart, n. 213-228. Le tout se terminait par la menace des sanctions d’usage à l’endroit des contrevenants : déposition pour les ecclésiastiques, anathème pour les laïques.

La capitulation du pape Vigile.

Rien de plus diamétralement contradictoire que les deux sentences du 14 mai et du 2 juin ! Dans la première, le pape Vigile défendait de porter une condamnation contre la personne de Théodore, quoi qu’il en fût du caractère damnable de propositions qu’à tort ou à raison on lui attribuait ; il interdisait de rien dire ou rien faire qui fût injurieux à la mémoire de Théodoret, cet homme si estimé de Chalcédoine ; il reprenait à son compte la décision du grand concile sur l’orthodoxie d’Ibas et de sa fameuse lettre. Docile aux ordres du basileus, l’assemblée de Constantinople anathématisait la personne de Théodore, qualifiait durement Théodoret et faisait le procès en règle de la lettre d’Ibas, qu’elle essayait d’ailleurs d’arracher à son contexte naturel. Et le concile avait pris ces mesures en connaissance de cause, après avoir affirmé qu’il se séparait de Vigile. Comment réduire semblable antagonisme ? Qui céderait, le pape ou le concile, le pape ou Justinien ?

Il était à prévoir que ce serait le pape. Si, depuis l’affichage de l’édit de 551, il avait retrouvé quelque énergie, il le devait à la présence auprès de lui de ses conseillers et spécialement du diacre Pelage. Encore que l’on soit mal renseigné sur le détail des événements, on sait que ce dernier fut de nouveau emprisonné avec son collègue Sarpatus. Le neveu du pape Rusticus, qui était sans doute rentré en grâce auprès de son oncle, fut exilé en Thébaïde avec un abbé africain Félix. Partout le bras séculier s’abattait sur ceux qui refusaient de souscrire les décisions conciliaires envoyée ? en province par le gouvernement ; en Afrique Libératus et Victor de Tunnunum étaient exilés, Facundus d’Hermiane se cachait. Atterré de tant de violence, fatigué d’une lutte sans issue, travaillé par une douloureuse maladie — il souffrait de la pierre — le pauvre pape céda.

1. La lettre du 8 décembre 553.

Le 8 décembre, Vigile adressait au patriarche Eutychius une lettre assez brève où il se ralliait aux décisions du concile dans l’affaire des Trois-Chapitres. Texte grec et latin dans P. L., t. lxix, col. 122-128 ; Mansi, Concil., t. ix, col. 413-420. Seul, disait-il, le diable avait pu essayer de le séparer, lui si fidèle à la foi des quatre conciles, de ses frères dans l’épiscopat qui professaient le même respect. Mais le Christ avait finalement dissipé les ténèbres qui obscurcissaient son esprit et l’avait poussé à définir la vérité. Il commençait donc par déclarer sa foi dans la doctrine exprimée par les quatre conciles. Quant à la question des Trois-Chapitres, il l’avait soumise à un nouvel examen et si, par là, il était amené à se rétracter, il n’en avait point de honte ; Augustin n’avait-il pas écrit lui-même ses Rétractalations ? Il lui était apparu que les ouvrages de Théodore, voués partout à l’opprobre, contenaient de multiples propositions contraires à la foi orthodoxe ; il mettait donc l’évêque de Mopsueste au nombre des hérétiques déjà condamnés et anathématisait sa personne en même temps que ses écrits impies. De même condamnait-il ce qu’avait écrit Théodoret contre la vraie foi, les xii anathématismes, le concile d’Éphèse et pour la justification de Théodore et de Nestorius. Enfin il condamnait la lettre d’Ibas, elle aussi pleine de blasphèmes et ceux qui voudraient en prendre la défense. Il entrait de ce chef en communion avec les évêques ses frères qui, fidèles à la foi des quatre conciles, avaient condamné les Trois-Chapitres. Ce qu’il avait écrit lui-même, ce que d’autres avaient écrit pour la défense de ceux-ci, il le déclarait nul et non avenu : Quæ vero aul a me aut ab aliis ad defensionem prœdictorum trium capilulorum facta sunt prsesentis hujus scripti nostri deflnitione evacuamus.

Plus complète palinodie ne se peut imaginer. Et pourtant le malheureux pape n’avait pas encore toute honte bue. La lettre au patriarche ne fut pas jugée suffisante ; au Constitutum du Il mai il fallait que l’on pût opposer un texte officiel de même ampleur et de semblable autorité !

2. Le Judicatum de la IIe indiction (23 février 554).

C’est ainsi que Vigile fut amené à rédiger la pièce extrêmement verbeuse qui porte, dans l’histoire, le nom de Judicatum. Publiée pour la première fois par Baluze dans la Nova conciliorum collectio, t. i, p. 1551 sq., elle a passé dans Mansi, Concil., t. ix, col. 457 sq., de là dans P. L., t. lxix, col. 143-178 ; nouvelle édition bien préférable dans A. C. 0., t. iv, vol. ii, p. 138-168. Nous n’avons plus la pièce dans son intégrité, le copiste y ayant pratiqué des coupures et ayant supprimé en particulier tout le début en sorte que le document commence par la profession de foi de Chalcédoine. Sur la raison de ces coupures et sur les pièces qui, dans le Paris. 1682, encadrent celle-ci, voir Schwartz, ibid., p. xxii-xxvi.

Ce qui caractérise ce Judicatum, c’est la place considérable qu’y tient la discussion de la lettre à Maris. Vigile ou ses dictatores se sont bien rendu compte que c’était sur ce point que la condamnation des Trois-Chapitres atteignait le plus immédiatement Chalcédoine. Toute l’argumentation, qui fourmille des plus évidents paralogismes, tend donc à démontrer que