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    1. TROIS-CHAPITRES##


TROIS-CHAPITRES. LE CONSTITUTUM DE 553

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dans ces conditions, Vigile ait montré peu d’empressement à collaborer avec le concile. Il allait s’isoler, étudier la question pour son compte, rendre sur elle un jugement qu’il déclarerait définitif, pendant que le concile rendrait de son côté, et sans s’occuper du pape, des sentences qui, sur des points capitaux, seraient diamétralement opposées à celles de Vigile.

Le Constitutum de Vigile (Judicalum de la I n indiction) (14 mai 553).

Depuis que le diacre Pelage avait repris sa place aux côtés de Vigile, on se livrait, dans l’entourage pontifical, à une sérieuse étude du problème soulevé et l’on commençait à se rendre compte de la complexité de celui-ci et du temps qu’il faudrait pour le résoudre. Le basileus au rebours était fort pressé d’en finir. Peu avant Pâques (20 avril), il faisait transmettre au pape un premier dossier, puis après les fêtes un second. Coll. Avell., p. 235. Selon toute vraisemblance ces dossiers contenaient les textes de Théodore et de Théodoret motivant une condamnation et les considérants qui justifiaient la sentence contre la lettre d’Ibas. Pour ce qui est de Théodore on avait pris comme guide, au Sacré-Palais le florilège qu’avait déjà constitué Léonce de Byzance, cf. art. Théodore, col. 243 ; mais des coupures avaient été pratiquées dans les citations un peu longues ; d’autres textes aussi avaient été ajoutés. Depuis le temps qu’ils fréquentaient les œuvres de l’Interprète, Askidas et ses amis n’étaient pas en peine de corser le dossier de l’accusation. En définitive c’était sur un nombre considérable de propositions que Justinien demandait au pape une réponse immédiate. Vigile promit d’obéir, demandant seulement, eu égard à son état de santé, un délai de vingt jours. Les évêques grecs cependant étaient rassemblés et impatients de commencer leurs travaux. [Peut-être est-ce pour occuper le tapis qu’on leut fit alors traiter la question origéniste ; voir l’art. Origénisme, t. xi, col. 1580 sq.]

Vigile finalement députa à l’assemblée son diacre Pelage : la sentence du pape ne saurait plus tarder, les membres du concile devraient éviter, avant la promulgation de ce jugement du Siège apostolique, de rien f lire de définitif : Quicquam prof erre lemptarent. C’était leur dire que, r.’ils le voulaient, ils pouvaient délibérer, mais sans rien arrêter, et que le pape, de son côté, sans prendre langue avec eux, ferait connaître sa décision.

C’est dans ces conditions que fut préparée la sentence pontificale que l’on appelle le Constitutum du pape Vigile (le diacre Pelage, dans son ouvrage In defensione trium Capilulorum la nomme Judicatum de la première indiction). Publié d’abord par Barouius, Annales, an. 553, n. 50 sq., le texte est passé de là dans les collections conciliai/es, ainsi dans Mansi, Concil., t. ix, col. 61-106, puis dans P. L., t. lxix, col. 67-114 ; bien supérieur est le texte fourni par la Collectio Avellana, pièce 83, dans Corpus de Vienne, t. xxxv a, p. 230-320. On sait que, pour ce qui est de Théodore, le Constitutum reproduit les mêmes textes qui sont également donnés par le V* concile, à quelques différences près. Cf. art. Théodore, col. 243. Toutefois le document pontifical ne donne aucune référence aux œuvres de Théodore d’où les propositions sont tirées et il fait suivre chaqu" sentence d’une brève appréciation. Il faut aller jusqu’au bout des soixante textes condamnés pour apprendre que ceuxci, dans le dossier transmis par la chancellerie impériale, figuraient sous le nom de Théodore : sub Theodori Mopsuesteni episcopi perhibentur nomine prænotata. Coll. Avell., p. 286. Tout se passe donc comme si les propositions visées étaient des textes impersonnels sur lesquels on a sollicité le jugement du pape. Ceci certainement voulu. Les propositions sont quali>rout sonant et abstraction faite de leur contexte. Peu importe donc qu’elles reproduisent plus ou moins exactement la pensée de leur auteur — en fait il y a parfois des coupures hâtives et des suppressions tendancieuses — c’est sur le texte reproduit par lui que le pape entend se prononcer.

Le Constitutum se présente sous la forme d’un message adressé à l’empereur ; il commence par rappeler les événements de l’année précédente : la soumission de Menas, les propositions iréniques d’Eutychius, puis, en un bref résumé, les négociations ultérieures avec le basileus, jusques et y compris la communication faite par lui de textes sur lesquels a été sollicité le sentiment du pape. Ces dogmata sont déclarés, dès le début, exécrables et déjà condamnés par les saints Pères ; le pape à son tour les anathématise. Suivent soixante propositions, presque toutes relatives à la christologie, sur chacune desquelles Vigile exprime son sentiment, toujours fort sévère. Cet examen terminé, il déclare que la condamnation portée par lui ne doit être pour personne l’occasion de faire injure à des Pères ou des docteurs des âges passés, en d’autres termes qu’il ne faut point condamner des personnages qui, de bonne foi, auraient soutenu telle ou telle des assertions prohibées. Et, passant à l’application, le pape continue : Les susdits dogmata nous ont été transmis comme provenant de Théodore de Mopsueste. Nous avons donc recherché si, dans les Pères, il était parfois question de la personne même de cet évêque. Or, ni Cyrille d’Alexandrie, ni Proclus de Constantinople n’avaient entendu condamner Théodore lui-même, quoi qu’il en fût de leur réprobation pour certaines doctrines qu’on lui attribuait. Il y avait même dans Cyrille une phrase, très nette interdisant de s’attaquer aux morts : Grave est insultare defunctis, vel si laici sint, nedum illis qui in episcopatu vilam deposuerunt. Coll. Avell., p. 288. A Chalcédoine non plus, rien n’avait été fait contre Théodore et, dans son allocution à l’empereur Marcien, le concile comptait Jean d’Antioche (qui avait défendu la mémoire de l’évêque défunt) parmi les auteurs à approuver. Et, pour généraliser la question, il paraissait clair à Vigile que jamais l’on n’avait condamné après coup des personnages morts dans la paix de l’Eglise. Et de citer un certain nombre de cas, où, pour respecter la mémoire des morts, on avait pris les plus grandes précautions. L’Église, en définitive, n’avait pas juridiction sur l’au-delà. Pour ce qui est donc de Théodore de Mopsueste, continuait le pape, nous n’avons pas la présomption de le condamner et ne permettons à personne de le faire, tout ceci étant dit sans préjudice de la condamnation des capitula signalés : Eum nostra non audemus condemnare sententia sed nec ab alio quoquam condemnari concedimus. Ibid., p. 292.

Quant à ce qui est de Théodoret, on pouvait bien s’étonner des attaques dont il avait été l’objet, puisqu’il avait souscrit aux décisions de Chalcédoine et au Tome de Léon. L’anathème exprimé par lui contre Ncstorius équivalait à la condamnation de tout ce qui chez lui aurait pu être d’accord avec cet hérétique. Condamner aujourd’hui, sous le nom de Théodoret, des propositions nestoriennes, c’était dire qu’il y avait eu à Chalcédoine des simulateurs ou des menteurs. Si les Pères du concile avalent passé outre aux attaques de l’évêque de Cyr contre les douze anathématismes, c’est qu’ils avaient cru bien faire en imitant Cyrille, qui, après l’Acte d’union, avait oublié les injures des années précédentes. Nous n’avons pas, pour notre compte, continuait Vigile, à réparer les soi-disant omissions des Pères de Chalcédoine. Et donc nous interdisons d’injurier ou d’attaquer Théodoret, decernlmus nihil in inluriam vel obtrectalionem probalissiml in Chalcedonensi sunodo viri, hoc est Theodorett episcopi. .. a quoquam fieri vel proferri. Ibid., p. 295. Mais, toute révérence gardée pour sa personne, nous con-