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TR0IS-CHAP1TRES. THEODORE DE MOPSUESTE

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tion de Nestorius, exciperont du fait que la doctrine de l’archevêque de Constantinople n’était pas autre que celle de Théodore, laquelle faisait loi pour tout 1’t Orient ». Ainsi fit, par exemple, le successeur de Théodore à Mopsueste, Mélèce, qui, sommé de se rallier à l’Acte d’union, déclara net au fonctionnaire impérial qu’il ne suivrait pas Jean d’Antioche et ne condamnerait pas, à sa suite, Nestorius ; ce serait renier la foi transmise par les bienheureux Pères et qu’a fait resplendir le grand Théodore : Fidem a beatis Patribus traditam quam a magno Theodoro, qui ea quæ Mi tradidere tradens, claru.it accepimus. Synodicon Casin., n. 263 (174), A. C. O., t. i, vol. iv, p. 195 ; P. G., t. lxxxiv, col. 792.

Jusqu’à ce moment il ne semble pas qu’Alexandrie se soit doutée que les deux enseignements de Théodore et de Nestorius fussent identiques. C’est par un détour que Cyrille acquit la conviction de cette parenté, ou plutôt de la part de responsabilité de Diodore et de Théodore dans l’éclosion du nestorianisme. À la frontière arménienne l’attention de deux cyrilliens intransigeants, Rabboula évêque d’Édesse et Acace de Mélitène, fut attirée par ce qui se passait chez leurs voisins. On se préoccupait beaucoup, en Arménie, de doter le pays d’une littérature ecclésiastique et l’on y traduisait toutes sortes d’ouvrages grecs ; divers traités de Diodore et de Théodore furent ainsi mis en circulation. Sans doute excitèrent-ils quelque étonnement, sinon quelque scandale. Des questions furent posées aux évêques grecs du voisinage ; Rabboula et Acace en profitèrent pour mettre en garde les Arméniens contre les doctrines antiochiennes. Alarmés, ces derniers interrogèrent l’archevêque de Constantinople, Proclus, en lui communiquant des traités de Théodore et en lui demandant ce qu’il en fallait penser. Texte de cette lettre dans A. C. O., t. iv, vol. ii, p. xxvii (mais la lettre des Arméniens à Proclus qui figure au Ve concile, act. v, Fuit aliquis pestifer homo, Mansi, Concil., t. rx, col. 240, et P. C, t. lxv, col. 851 est un faux). Sur cette action des Arméniens, voir Libératus, Breviarium, c. x, P. L., t. lxviii, col. 989. L’archevêque de la capitale accueillit avec faveur la légation arménienne et répondit par sa fameuse lettre dogmatique, connue sous le nom de Tome de Proclus, texte critique dans A. C. O., t. iv, vol. ii, p. 187. Il y réfutait les thèses des Antiochiens pour autant qu’elles lui semblaient exprimer une doctrine des deux fils, incompatible avec l’unité de personne dans le Christ. En même temps il prétendit imposer à Jean d’Antioche et à son synode la répudiation des thèses spécifiques de Théodore. Il s’ensuivit entre Constantinople et Antioche un chassé-croisé de lettres, dans le détail duquel il est inutile d’entrer. Du moins faut-il signaler la pièce dans laquelle Proclus, qui avait eu vent de certaines manifestations d’Ibas d’Édesse, demandait à l’archevêque d’Antioche d’imposer à celui-ci la signature du Tome aux Arméniens. Proclus, Epist., iii, transmise par le Ve concile ; cf. P. G., t. lxv, col. 873. Les exigences de Constantinople exaspérèrent vite Jean, qui n’avait pas obtenu sans peine le ralliement de son monde à l’Acte d’union et qui constatait à présent que l’on dépassait de beaucoup les alignements théologiques déterminés par cette pièce. Il s’en plaignit à la cour, cf. Synod., n. 286(196), A.C. O., p.208 ; P. G., t. lxxxiv, col.809, et à Proclus lui-même : * Pourquoi toute cette agitation autour des noms de Théodore et de Diodore ? Le premier surtout avait été pendant les quarante-cinq ans de sa carrière scientifique un maître admiré ; personne, dans le peuple même, ne comprendrait qu’on le condamnât. Au fait sa doctrine concordait avec celle des anciens Pères ; Ignace, Eustathe, Athanase, Basile, les deux Grégoire, Flavien (d’Antioche), Diodore, Jean (Chrysostome), Ambroise en Occident, Amphiloque d’Iconium, Atticus avaient des enseignements communs avec les capitula que Proclus entendait faire condamner ; le faire, c’était englober tous ces Pères dans la même réprobation. Il fallait d’ailleurs se rappeler que l’on ne juge pas les morts : non nostrum est judicare eos qui honorate defuncti sunt sed solius judicis oivorum et morluorum. » Inler epist. ProclL, vi, P. G., t. lxv, col. 877. Entre temps Proclus était allé aux renseignements à Alexandrie ; finalement sur les instances de Cyrille il battit en retraite : « Je n’ai jamais demandé, écrivait-il à Jean, que l’on anathématisât Théodore ou d’autres, j’ai simplement dit que, pour fermer la bouche à la calomnie, il fallait rejeter les capitula, quelle qu’en fût l’origine, que j’ai signalés dans mon tome. Proclus, Epist, x, ibid., col. 879, transmise par Facundus, Pro defens. trium capit., t. III, 2, P. L., t. lxvii, col. 713. En même temps il écrivait à Maxime, son représentant dans le monde intégriste d’Antioche, de cesser la campagne contre le nom de Théodore ; il suffisait que l’on souscrivît à son tome et aux condamnations anonymes qu’il contenait. Epist. xi, transmise par la même voie.

Cette volte-face de Proclus était le résultat d’une intervention de Cyrille. Cyrille, Epist., lxxii, P. G., t. lxxvii, col. 344. Dans cette lettre le t pape » d’Alexandrie rappelait à l’archevêque de la capitale ce que Jean d’Antioche venait de lui écrire : la campagne de zelanli contre Théodore, leurs démarches à la cour pour faire condamner les œuvres de celui-ci et sa personne même. Tout cela avait vivement ému l’Orient. Cyrille était bien d’avis qu’il y avait dans les écrits de Théodore queedam nefarie dicta et nimise plena blasphemiie. Le symbole de foi composé, disait-on, par lui avait été réprouvé par le concile d’Éphèse ; mais l’assemblée, tout en en condamnant la doctrine, n’avait pas voulu anathématiser nommément Théodore I En ces sortes de question l’opportunisme (otxovofjda) avait du bon. Ne troublons pas les morts dans leur tombe, ils ont trouvé leur juge ; il suffit que soient rejetées par les gens qui veulent être orthodoxes les absurdités qui ont pu être écrites. Ici même il convient de ne pas trop urger. Jean d’Antioche déclare qu’il y a dans son ressort des gens qui préféreraient se laisser brûler que de rien signer. À quoi bon ranimer des discussions à peine éteintes. Voir à ce sujet une lettre inédite de Jean à Cyrille, en faveur de Théodore, dans A. C. O., 1. 1, vol. v, p. 310 sq., et une réponse de Cyrille à Jean, ibid., p. 314 sq., traduction parallèle à celle des Actes du Ve concile, Mansi, Concil, t. ix, col. 263 ; Cyrille parle de Théodore comme d’un vir admirabilis et maximam gloriam merens apud dos, il reconnaît que les critiques que l’on a faites de lui sont incertaines, etc.

Cette modération du t pape » d’Alexandrie est à coup sûr louable, mais il n’y était pas arrivé immédiament et une huitaine de pièces conservées parle Synodicon permettent de suivre les réactions de Cyrille. Il avait été alerté par Rabboula d’Édesse, Synod., n. 290 (200), p. 212 ; col. 814, qui représentait Théodore comme ayant eu un double enseignement, exotérique et ésotérique, et il lui avait répondu aussitôt en louant son zèle. Cyrille, Epist., lxxiv, P. G., t. lxxvii, col. 347. Renseigné par Acace de Mélitène sur le contenu de la sommation adressée par Proclus à Jean d’Antioche, il répondait à son correspondant qu’en effet Théodore était bien plus dangereux que Nestorius, son disciple ; aux observations de Jean d’Antioche suivant qui s’attaquer à Théodore c’était s’en prendre à Athanase et à Théophile, à Basile et aux deux Grégoire, il avait assez vertement répondu que Théodore avait blasphémé, tandis que les Pères en question étaient les maîtres de l’orthodoxie ; il s’était procuré les livres de Diodore et de Théodore sur ou