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    1. TRINITE##


TRINITE. HABITATION DANS LES AMES

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proprement représentatif du Saint-Esprit. » Galtier. p. 240 ; cf. S. Thomas, Cont. Gent., t. IV, c. xxi.

c) Cette présence nous confère une véritable possession de Dieu. —

C’est ici que cette troisième explication rejoint les deux précédentes dans ce qu’elles ont d’exact. Du seul fait de sa justification, l’âme possède Dieu substantiellement présent en elle ; mais elle possède aussi, par la grâce créée, le moyen de l’atteindre et de jouir de lui dans la mesure où la chose est possible ici-bas. Il dépend d’elle de poser les actes des vertus infuses qui lui permettent de connaître et d’aimer Dieu sicut oportet ; et, comme nous l’avons entendu déclarer par Jean de Saint-Thomas et d’éminents mystiques, elle pourra, dès ici-bas, atteindre en lui-même le Dieu qui est le principe des dons déposés en elle et jouir de lui d’une manière pour ainsi dire expérimentale. Le plus pauvre dans le domaine de la sanctification surnaturelle possède en germe toutes ces richesses ; il lui suffira de développer le germe qu’il a reçu pour atteindre bientôt aux sommets de la possession divine. Cette dernière explication est celle du P. Galtier, op. cit., p. 209-256. Nous en avons résumé les grandes lignes ; pour les détails, voir l’ouvrage lui-même.

3° Solutions établissant une présence particulière du Saint-Esprit. —

Les explications précédentes n’envisagent qu’une habitation commune des personnes de la Trinité ; elles paraissent à certains théologiens ne pas rendre suffisamment compte de toutes les données scripturaires et traditionnelles. Celles-ci, en effet, insistent tellement sur l’action du Saint-Esprit dans l’âme juste, sur la présence du Saint-Esprit comme principe de sanctification, la liturgie elle-même semble attribuer d’une façon si personnelle au Saint-Esprit la sainteté de l’Église et de ses membres, qu’il a semblé nécessaire à ces théologiens d’expliquer ces insistances par une théorie dépassant la portée de la simple appropriation.

1. Denys Pelau.

L’exposé de la solution de Petau a été fait à Petau, t.xii, col. 1334-1336. Nous la résumons ici en quelques mots : 1. C’est un fait constant que la Sainte Écriture et les Pères attribuent la sanctification de l’âme au Saint-Esprit, spécialement envoyé à cet effet ; 2. On y affirme que les autres personnes ne nous sont données qu’en raison du Saint-Esprit, parce qu’elles en sont inséparables ; 3. Le Saint-Esprit est dit la vertu sanctificatrice du Père et du Fils (Siiva^iç àyiac’n.x’/)), de telle sorte que c’est par lui-même qu’il apporte toute sanctification (aÙTOUpyeîv), le Père et le Fils ne l’apportant que par lui et en lui ; 4. Bien plus, cette sainteté ou vertu sanctificatrice lui est attribuée comme une propriété, telle la paternité pour le Père, la filiation pour le Fils, De Trinitate, t. VIII, c. vi, n. 5-9 ; cf. Thomassin, De incarnatione, t. VI, c. x-xi. Conclusion : le Saint-Esprit est uni aux justes à un titre et selon un mode spécial. Au titre spécial de sanctificateur propre : il est uni par lui-même à l’âme, le Père et le Fils ne lui étant unis qu’en raison de leur inséparabilité. Selon un mode spécial : l’union de l’âme à la divinité se terminant à sa personne. Ce n’est pas une union hypostatique, comme dans l’incarnation, mais une union dont le terme est sa personne, aussi proprement que la personne du Verbe est le terme propre de l’union hypostatique. Voir le développement de ces idées dans P. Galtier, L’habitation…, p. 23-97, avec la discussion des arguments de Petau. Nous avons montré plus haut quelle est la portée exacte des textes patristiques, surtout en ce qui concerne la vertu sanctificatrice attribuée d’une manière apparemment exclusive au Saint-Esprit.

Bien que la thèse de Petau sur le point précis de l’union de l’âme à la personne du Saint-Esprit comme telle ait été discutée et rejetée par la très grande majorité des théologiens, elle fut cependant accueillie avec faveur par quelques auteurs dont l’autorité est incontestable. Nous avons déjà cité Thomassin, qui, dans le De incarnatione, a écrit des chapitres entiers pour démontrer que c’est le Saint-Esprit qui, par sa substance, vivifie, informe et sanctifie l’âme des justes. Cependant, quand cet auteur est amené à parler ex projesso et clairement de la sanctification de l’âme, il ne s’exprime pas autrement que saint Bonaventure ou saint Thomas. Voir, par exemple, t. VII, c. xix, n. 5 ; c. xx, n. 1, 4 ; c. xvii, titre. Cf. Terrien, La grâce et la gloire, t. i, p. 422, note 1. Mais, au xixe siècle et au début du xxe, trois auteurs principalement ont tenté de rajeunir, en la modifiant quelque peu, la thèse de Petau : Scheeben, Th. de Régnon et, plus près de nous, Mgr Wafîelært.

2. Les thèses connexes : Scheeben, de Régnon, Waffelært. —

a) Scheeben s’inspire de Petau, en adoucissant sa théorie. Voir ici Scheeben, t. xiv, col. 1273. Le Saint-Esprit nous serait donné d’une manière pour ainsi dire préliminaire et, de cette donation, résulte entre nous et lui une relation d’ordre moral, très réelle, se terminant uniquement à sa personne. La venue en nous des deux autres personnes ne serait que la conséquence nécessaire de ce premier contact. Les trois personnes seraient présentes à notre âme, mais à des titres divers : le Saint-Esprit comme donné par le Père et le Fils, ceux-ci comme inséparables de leur don. Aussi le Don par excellence, le Saint-Esprit, précéderait en nous le don créé de la grâce et c’est en lui et à cause de lui que la Trinité tout entière s’établirait en notre âme. Et c’est alors seulement que s’accomplirait la transformation de notre âme par la grâce sanctifiante créée par une action commune aux trois personnes. Ainsi serait sauvegardée la thèse traditionnelle de la communauté d’action ad extra et de l’appropriation au Saint-Esprit de notre sanctification. C’est bien là, semble-t-il, la position exacte de Scheeben ; voir spécialement Die Mysterien des Christentums, § 30, 3e édit., p. 146.

On sait que la thèse de Scheeben, lors de son apparition, fut vivement attaquée par Granderath. Voir ici, t. xiv, col. 1273. Son point le plus contestable est la comparaison établie avec l’incarnation. De la possession physique de la nature humaine par le Verbe, en raison de 1’ « assomption » de l’humanité à l’être personnel du Fils, on conclut à la possibilité d’une possession morale de l’âme juste par la personne même du Saint-Esprit. On fait remarquer que « pour être possible à une personne divine, la possession morale et à titre vraiment personnel d’un être créé exigerait de sa part une propriété ou une faculté d’ordre moral lui appartenant également en propre ». Galtier, L’habitation, p. 106. Où trouver, dans le Saint-Esprit, cette propriété lui appartenant à titre spécial ? Il resterait ensuite à prouver qu’une possession simplement morale puisse déterminer une union personnelle. Enfin, il est inexact que, dans l’incarnation, le Père et le Saint-Esprit participent à la possession physique de l’humanité du Fils : la possession personnelle de l’âme par le Saint-Esprit exclurait donc plutôt la présence spéciale des deux autres personnes.

b) Le P. de Régnon, dans ses Études…, t. iv, p. 551553, élargit, lui aussi, la pensée de Petau. Là où les Pères grecs ne songeaient qu’à faire ressortir la divinité du Saint-Esprit, il a cru discerner l’indication d’un trait strictement personnel : la sainteté, propriété du Saint-Esprit. Et, parce que chaque personne vient en nous avec son caractère spécial et personnel, il s’efforce de déduire que, « dans l’ordre surnaturel de notre sanctification », chacune joue un « rôle » et exerce une influence « distincte », d’où résulte entre nous et