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TRINITÉ. HABITATION DANS LES ÂMES

Esprit comme le Fils est envoyé par le Père, est envoyé par le Père et par le Fils ». Denz.-Bannw., n. 277. Dans le décret Pro Armenis, Eugène IV dit que, dans le sacrement de confirmation, « le Saint Esprit est donné pour la force (de l’âme), comme il fut donné aux apôtres le jour de la Pentecôte ». Ibid., n. 497. A la session vi, c. ii, le concile de Trente enseigne que le Fils « fut envoyé » par le Père pour notre rédemption et, sess. xxiii, can. 4, il anathématise quiconque affirme « que le Saint-Esprit n’est pas donné par l’ordination sacrée ». Ibid., ii. 794, 964.

II. Habitation des personnes de la Trinité dans l’ame juste.

La présence divine dans l’âme juste est une vérité de foi ; son explication est des plus mystérieuses. Elle est en rapport étroit avec les missions invisibles. Mais la foi ne détermine pas ce rapport ; elle affirme le fait, laissant aux théologiens le soin de l’expliquer. L’habitation des personnes de la Trinité dans l’âme juste ajoute quelque chose à la présence naturelle de Dieu dans les créatures ; mais qu’ajoute-t-elle ?

Les opinions sont diverses et nombreuses. On peut les ramener à trois classes :
1. Les explications inadéquates, qui laissent de côté quelque élément du problème ;
2. les solutions s’attachant à démontrer une présence substantielle des personnes ;
3. les solutions qui veulent, en outre, expliquer une présence plus spéciale de l’Esprit-Saint.

Solutions inadéquates.

Les éléments du problème général sont de deux espèces : d’une part, la grâce créée, inhérente à l’âme et cause formelle de la justification ; d’autre part, la présence des personnes divines. Une solution qui ne tient pas compte de l’un ou de l’autre de ces éléments est inadéquate.

1. Première opinion : l’habitation des personnes est réalisée sans une grâce créée.

On ne retient ici que l’opinion de Pierre Lombard, Sent., t. I, dist. XVII, déclarant que, dans l’âme juste, il n’y a pas d’autre cause formelle de la justification que l’habitation même des personnes de la Trinité. C’est le Saint-Esprit lui-même qui constitue la grâce et la charité habituelle. Telle est du moins la conclusion générale qui semble se dégager des textes.

De ce qui précède, on doit conclure, au contraire, que la présence divine dans l’âme exige un don créé. Depuis que le concile de Trente a déclaré la grâce inhérente à l’âme, sess. vi, c. vii, Denz.-Bannw., n. 779, l’opinion du Lombard, sans avoir été formellement condamnée, n’est plus soutenable.

Mais déjà saint Thomas enseigne que « la mission invisible des personnes divines ne peut se concevoir sans le don de la grâce sanctifiante ». I », q. xliii, a. 3. Les Pères sont d’ailleurs unanimes à enseigner que la présence des personnes divines dans l’âme y fait paraître une réelle image de Dieu, une participation de la vie divine. Cf. S. Cyrille d’Alexandrie, In Joan., t. XI, c. xi, P. G., t. lxxiv, col. 553 D ; De recta fide ad Theod., xxxvi, t. lxxvi, col. 1188 B ; In Is., t. IV, ur. ii, t. lxx, col. 936 B. Voir ici Grace, t. vi, col. 1606.

On a voulu rapprocher de Pierre Lombard Lessius et Petau, mais c’est à tort. Lessius n’exclut pas l’habitus créé de la grâce ; il l’admet même explicitement. De perfect. dio., t. XII, c. xi, n. 76. Toutefois, cet habitus, considéré dans sa réalité physique, ne nous ferait pas formellement « enfants de Dieu » ; il nous fait posséder Dieu, ii. 74 ; cf. Append., n. 9 et 12. De telle sorte que, de puissance absolue, Dieu pourrait, sans la présence de la grâce sanctifiante dans l’âme, conférer à celle ci la filiation adoptive. Append., n. 6 ; cf. De tummo bono, t. II, c. i, n. 4.

Petau est si peu d’accord avec Pierre Lombard sur ce point, qu’il exclut positivement son opinion comme contraire à la foi. De Trinitate, t. VIII, c. vi, n. 3. Voir ici Petau, t. xii col. 1334. Dans la justification, affirme Petau, interviennent « et l’Esprit-Saint qui nous rend fils et l’habitus de la charité, c’est-à-dire la grâce qui est comme le lien ou le nœud qui attache à l’âme la substance même de l’Esprit-Saint ». Id., ibid. Ainsi peut-il distinguer « l’union substantielle » de l’Esprit-Saint de l’union accidentelle par la grâce, c. iv, n. 5 ; ou encore, avec Grégoire de Nazianze, une double communication du Saint-Esprit, l’une ἐνέργειᾳ, l’autre οὐσιωδῆ. Petau est tombé dans le même excès que Lessius, en affirmant que Dieu pourrait, sans infusion de la grâce créée, nous rendre enfants adoptifs uniquement par sa présence substantielle en nous. Id., c. vi, n. 3. Cf. Chr. Pesch, De Deo uno et trino, n. 669, 676 ; De gratia, n. 347-351.

Sur les attaques excessives dirigées contre Lessius par Oviedo, Ripalda et Viva, voir Pesch, De Deo uno et trino, n. 677-678 ; 680. En attaquant Lessius, Oviedo déforme complètement sa théorie ; il l’accuse de faire du Saint-Esprit un composé physique avec l’âme, une sorte d’union substantielle. In Iam —IIam, tract. VIII, controv. i, punct. 4, n. 34-38. Par ailleurs, Oviedo tient la doctrine communément reçue. Voir plus loin, col. 1845.

2. Deuxième opinion : l’habitation des personnes est réalisée uniquement par la grâce créée.

Cette opinion revêt deux formes.

a) Une première forme est celle de Ripalda, De ente supernaturali, disp. CXXXII, n. 95, et de Viva, 'De gratia, disp. IV, q. iii, n. 4.

Pour Ripalda, la présence des personnes divines dans l’âme s’explique par la grâce seule ; et cette présence est du même genre que la présence divine naturelle commune à tous les êtres créés. Elle est simplement d’une espèce particulière. C’est en attaquant la doctrine de Lessius que Ripalda formule ou plutôt esquisse cette opinion ; il y revient plus loin, en plaçant toute la participation de la nature divine dans la grâce elle-même, émanation, image et expression de la divinité elle-même, n. 95, 102. Pour être bien comprise, cette explication doit être encadrée dans la thèse générale sur l’être surnaturel. Voir Ripalda, t. xiii, col. 2717-2719.

Pour Viva, « la grâce n’est pas une participation de la nature divine dans son être réel ; elle n’attire pas dans l’âme la divinité identifiée avec le Saint-Esprit, de sorte que la présence divine serait un élément formel de la filiation adoptive ; elle n’est une participation de la nature divine que par ressemblance ; ainsi le Saint-Esprit agit simplement comme cause de la justification tout autant que la filiation adoptive ». Aussi bien chez Viva que chez Ripalda, une présence

« substantielle » de la Trinité se trouve complètement

éliminée ; le Saint-Esprit habite dans l’âme uniquement par son opération, ἐνέργειᾳ et non pas son essence et subsistence, οὐσίᾳ καὶ ἐνυπάρξει. Voir dans Petau, t. VIII, c. v, n. 13 sq., la doctrine traditionnelle contraire. Ajoutons que Ripalda tombe dans l’exagération en assimilant l’union à Dieu par la grâce à n’importe quelle union de la créature au Créateur. C’est une union ordonnée à la connaissance surnaturelle et à l’amour béatifiant ; ainsi qu’on l’a vu plus haut. Cf. S. Thomas, In Ium Sent, dist. XIV, q. ii, a. 2, ad 2um ; S. Bonaventure, In IIum Sent., dist. XXVI, a. 1, q. ii, ad 1um.

b) Une deuxième forme de cette opinion, plus nuancée, ne semble pas offrir le même degré d’opposition à la doctrine traditionnelle ; c’est la thèse proposée par Vasquez, In Iam part. Sum. S. Thomæ q. viii, a. 3, disp. XXX, c. iii, par Ruiz, disp. CIX, sect. iii, par Alarcon. disp. IX, c. ix ; cf. Coninck, De Trinitate, disp. XV, dub. ii, 2a diff. Comme l’opinion précédente, cette explication part du principe univer-