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TRINITÉ. MISSIONS VISIBLES

à l’exclusion du Père et du Fils. S’il est indiqué ici comme l’intermédiaire entre les deux premières personnes et nous, on peut conjecturer que c’est en raison de l’ordre de son origine : procédant du Père et du Fils, ou du Père par le Fils, il achève et couronne, par sa mission invisible dans les âmes, l’œuvre de la Trinité tout entière. Cette solution semble implicitement contenue dans les textes où se trouve affirmée, en la mission de l’Esprit, l’union intime des trois personnes. Ainsi, après avoir promis à ceux qui gardent ses commandements l’habitation permanente du Saint-Esprit, Joa., xiv, 16-17, le Christ ajoute, quelques lignes plus loin : « Si quelqu’un m’aime, il gardera mes commandements et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui et ferons notre séjour en lui. » Ibid., 23. L’expression « temple de Dieu », ICor., iii, 16-17 ; II Cor., vi, 16, est l’équivalent de « temple du Saint-Esprit », I Cor., vi, 19. Pareillement les formules èv Xpiaftp’iffjaoû et èv ITveôfxaTi sont, chez saint Paul, la plupart du temps, interchangeables. Cf. F. Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, 6° édit., note M, p. 476-480.

2. L’affirmation de la Tradition.
Toute la Tradition reprend les deux idées maîtresses des textes scripturaires : mission invisible du Fils et surtout du Saint-Esprit, à l’occasion de la sanctification des âmes, et habitation dans les âmes ainsi visitées des personnes de la Trinité.

a) Déjà à l’époque subapostolique, saint Ignace d’Antioche exhorte les fidèles à garder leurs corps, temple de Dieu, Ad Phil., ix, 2 ; à agir en tout comme si Dieu habitait en nous, de telle sorte que nous soyons ses temples et que notre Dieu soit avec nous, Ad Eph., xv, 3. Aussi sommes-nous 0eo<popot et XpiOTO<p6pot. Ibid., ix, 2.

b) Saint Irénée rappelle fréquemment que le Fils, envoyé par le Père, nous révèle celui-ci en nous. Cont. hier., IV, vi, 3-7, P. G., t. vii, col. 987 C-990 C. « L’Esprit se mêle à l’âme… Sont parfaits ceux qui possèdent en eux habituellement l’Esprit de Dieu » ; V, vi, 1 et 2 ; vm, 1-2, col. 1137 A-1139 B ; 1141 C-1142 B. Voir aussi Demonstratio, 7, 47, P. O., t.xii, p. 760, 779. Cf. A. d’Alès. La doctrine de l’Esprit dans saint Irénée, dans Rech. de science rel., 1924, p. 521, 525-530. Bien plus, le Père, le Fils et l’Esprit-Saint sont doublement unis dans l’oeuvre de la sanctification des hommes, tout d’abord en ce que le don de Dieu descend du Père au Fils et du Fils au Saint-Esprit pour parvenir aux hommes ; ensuite, en ce que l’hommage de l’homme monte par l’Esprit-Saint au Fils et par le Fils au Père avant que soit consommé son salut. Cette économie divine, conforme à l’ordre des processions trinitaires, se prolonge dans l’effusion du Saint-Esprit dans les âmes : « Descendu sur le Fils de Dieu devenu Fils de l’homme, le Saint-Esprit se repose dans les hommes et habite dans les créatures de Dieu, y opérant la volonté du Père par une transformation de l’homme ancien au nouveau. » Cette action de l’Esprit-Saint s’achève dans la prédication de l’Évangile et la vie de l’Église. Ibid., III, xvii, 1, 2, col. 929 B-930 A ;

IV, xx, 5, col. 1035 AB ; cf. xxxiii, 7, col. 1077 A ; xxxvi, 1, 5, col. 1090-1094 ; xxxviii, 3, col. 1108 B ;

V, xxxvi, 2, col. 1223 B.

c) Terlullien enseigne que l’Esprit-Saint, reçu dans la régénération baptismale, est perdu par le péché et recouvré par la pénitence. De pœnitentia, n ; De pudicitia, ix, P. L. (1844), t. i, col. 1229 B ; t. ii, col. 997 CD. Cf. Galtier, De pœnitentia, n. 148-151.

Les Pères grecs enseignent communément que les créatures raisonnables, hommes et anges, ne peuvent être justifiées, sanctifiées et déifiées que par leur participation aux personnes divines. Ils recourent fréquemment, pour prouver la divinité du Fils ou du Saint-Esprit à l’argument suivant : Notre sanctifica tion ou déification consiste dans la sainteté divine participée ; or, cette sanctification est réalisée par notre participation au Fils et au Saint-Esprit. Donc le Fils et le Saint-Esprit sont la sainteté substantielle, la substance divine. Ainsi,

d) Saint Athanase enseigne notre déification dans le Père par notre participation au Fils. De syn., 51, P. G., t. xxvi, col. 784 AB ; 53, col. 788 CD ; Ad Serap., n, 4, col. 613 C ; Cont. arianos, Or. i, 9, col. 29 A ; De décret. Nie, 24, t. xxv, col. 460 A. Même enseignement touchant le rôle du Saint-Esprit, onction et sceau dans lesquels le Verbe imprime son onction et sou sceau (à propos de I Joa., iv, 13), Ad Serap., i, 24, t. xxvi, col. 585 C-588 A ; cꝟ. 22-23, col. 584 AD ; 31, col. 600 AC. Il s’en faut toutefois que, dans cette œuvre de sanctification, Athanase sépare le Père du Fils et de l’Esprit-Saint ; cette œuvre est èx Ilarpoç Si’Yloû èv Ilveû(xaTi * Ayîw. Cf. Ad Serap., i, 20, col. 577 B-580 A. Et, de ce que, par l’Esprit-Saint, l’homme est rendu participant de la nature divine, cf. II Petr., i, 4, I Cor., iii, 16-17 ; I Joa., iv, 13, Athanase déduit que l’Esprit-Saint est Dieu. Ibid., 24-30, col. 588 B600.

e) Cette même idée fait le fond du tra’té de Didyme sur le Saint-Esprit. Voir surtout 4-7 et 51-53, P. G., t. xxxix, col. 1036 A-1039 A, 1076 C-1079 A. Mais le pouvoir sanctificateur est commun aux trois personnes : « Communier au Saint-Esprit, c’est communier au Père et au Fils ; avoir la charité du Père, c’est l’avoir du Fils, procurée par le Saint-Esprit ; participer à la grâce de Jésus-Christ, c’est avoir la même grâce donnée par le Père au moyen de l’Esprit. En tout cela se manifeste leur identité d’opération à tous trois. » Ibid., 17, col. 1049 CD. Voir aussi, en ce qui concerne la participation au Fils, 53, col. 1078 A.

f) Saint Basile enseigne pareillement que la sainteté s’acquiert par la présence du Saint-Esprit dans l’âme. In ps. xxxii, 4, P. G., t. xxix, col. 333 C ; cf. De Spiritu sancto, xxvi, 61, t. xxxii, col. 180 C-181 A. Les âmes qui « portent l’Esprit-Saint » (7rveufjL<xTo<p6poi) deviennent spirituelles elles-mêmes et répandent la grâce sur les autres. Mais, ici encore, aucune exclusivité : c’est Dieu qui habite en nous par l’Esprit-Saint. Adv. Eunom., t. III, 4-5, t. xxix, col. 661 C-665 B. Bien plus, toute l’économie de notre sanctification doit être comprise de sorte que le Père en est l’auteur, le Fils l’artisan et le Saint-Esprit le principe perfectif, tt)v 7rpoxaTapTix- ? ; v at-rlav… tov IlaTépa, tyjv STQfiioupyix^v -tov Yî6v, tt)v TeXeicùTix^v to IIveû(ia. Non certes qu’il manque à chacune des personnes quelque chose de la puissance opérative commune, mais parce que chaque personne apporte à cette puissance commune un reflet de sa propriété personnelle. De Spir. s., xvi, 37-38, t. xxxii, col. 136 D-137 A. Saint Basile va même jusqu’à interdire de séparer le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans l’œuvre commune : ’AyiâÇei xal Çwo7ro’.eï xal (pcùxlÇet xal 7rapaxaXeî, xat toxvtoc xà Toiaûra, ô^otwç ô IIaT7)p xal ô Tloç xal t6 IIveû[j.a t6 "Aytov. Epist., clxxxix, 7, t. xxxii, col. 693 A.

Dans quelques passages, saint Basile semble attribuer exclusivement au Saint-Esprit le rôle de sanctificateur. Cf. Epist., ccxiv, 4, col. 789 B ; ccxxxvi, 6, col. 884 B ; De Spir. s., xvi, 38 ; xviii, 46, col. 136 D, 152 B. Il multiplie les comparaisons pour faire comprendre comment l’Esprit-Saint est en nous. Ibid., xxvi, 61, col. 180 C-182 B. Ces passages doivent être interprétés conformément à la doctrine générale des écrits de Basile. Or, celui-ci rejette énergiquement l’erreur qui consisterait à faire, en Dieu, de la sainteté, la propriété exclusive de la troisième personne. Voir Epist., cxxv, 3, col. 549 B ; De Spir. s., xviii, 47 ; xix, 48, col. 153Bet 156 BC ; Adv. Eunom., t. III, 2-3,