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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. LE MODERNISME CATHOLIQUE

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« Il s’agit enfin de l’opération de Dieu ad extra. De même qu’il n’y a qu’une nature, par laquelle les personnes opèrent, ainsi il n’existe qu’une opération, bien qu’il y ait trois opérants. Dans le Christ, c’est le contraire : un seul opérant et deux opérations. Cette vérité est définie depuis longtemps ; il a paru opportun cependant de la proposer à nouveau parce qu’elle est niée de nos jours par les mêmes qui placent en Dieu trois essences. On la propose à peu près dans les mêmes termes que dans la confession de foi de saint Agathon et du synode romain, confession reçue par le VIe concile œcuménique : (Patris, Filii et Spiritus sancti) una est essentia sive substantia, vel natura, idest una deitas, una selernitas… una essenlialis ejusdem sanctm et inseparabilis Trinitatis voluntas et operatio, quæ omnia condidil, dispensât et coniinet. » (Mansi, Concil., t. xi, col. 290.)

Ce texte est intégralement conservé sauf un mot (mis entre parenthèses) dans la correction proposée, col. 1632 d-1633 a.

Quatre canons étaient préparés, qui condensaient cette doctrine :

Can. 1. Si quls dixerit, sicut très personas, ita très essentias seu substanlias in Deo esse, A. S.

Si quelqu’un dit qu’en et Dieu, il y a trois essences ou substances, comme il y a trois personnes ; qu’il soit anathème.

Can. 2. — S. q. d., divinam substantiam non numéro, sed specie seu qualitate trium personarum unam esse, A. S.

Si quelqu’un dit que la substance divine des trois personnes est une et la même, non pas numériqueeandemque ment, mais spécifiquement ou qualitativement ; qu’il soit anathème.

Can. 3. — S. q. d., Trinitatem uiium esse non propter unius substantia ; singularitatem, sed propter Dei trium substantiarum sequalitatem et personarum ad se relationem, A. S.

Si quelqu’un dit que la Trinité est un seul Dieu, non en raison de la singularité de sa substance unique, mais à cause de l’égalité des trois substances et du rapport que les personnes ont entre elles ; qu’il soit anathème.

Can. 4. — Si quis, créationem aut quamvis aliam operationem ad extra uni personæ divinse ita propriam esse dixerit, ut non sit omnibus commuais, una indivisa, A. S.

Coll. Lac., t.vn, col.565B.

Si quelqu’un dit que la création ou tout autre opération ad extra est tellement propre à une des personnes divines qu’elle n’est pas à toutes commune, une et indivise ; qu’il soit anathème.

A propos de l’incarnation, un projet de définition existait touchant la notion de personne et visant la notion qu’en avait donnée Gunther ; cf. ici Hypostatique ( Union), t. vii, col. 556-557. Voir Coll. Lac., t. vii, col. 559 b ; can. 4, col. 566 c ; ainsi que le projet révisé, col. 1634 b et 1637 c.

VI. LE MODERNISME CATHOLIQUE ET LA CONDAMNATION DE PIE X. —

Indications générales. —

Le modernisme chez les catholiques est une infiltration du modernisme qui, après Schleiermacher, envahit le protestantisme libéral. Voir Modernisme, t. x, col. 2014 sq. C’est en raison de sa conception évolutionniste de la vérité religieuse, conception héritée du postulat philosophique de Hegel, que le modernisme a bouleversé la notion catholique du dogme. Les dogmes ne sont plus « des vérités tombées du ciel, mais une certaine interprétation des faits religieux (de l’expérience religieuse), interprétation que l’esprit humain s’est acquise par un laborieux effort ». Décret Lamentabili, prop. 22, Denz.-Bannw., n. 2022. Le progrès religieux est donc essentiellement immanent, au sens le plus strict du mot, et doit s’opérer dans l’humanité sans intervention extérieure. C’est, on le voit, la condamnation d’une révélation objective.

Quelle est donc la valeur des dogmes que l’Église propose à notre croyance ? Ces dogmes doivent être acceptés, certes, répondent les modernistes, mais « seulement dans un sens pratique, c’est-à-dire comme une règle commandant l’agir et non comme la règle du croire ». Prop. 26, ibid., n. 2026. Cette proposition, si elle ne présentait pas un sens exclusif, pourrait être interprétée en bonne part ; car le dogme, sans contestation possible, doit avoir une portée pratique et diriger notre conduite : « La foi qui n’agit pas, est-ce une foi sincère ? » De grands théologiens, comme Scot et Bossuet, sans oublier le protestant Leibniz, ont pu enseigner que la théologie est une science plutôt pratique que spéculative. La notion catholique du dogme n’entend pas supprimer ce qu’il y a de vrai dans la doctrine de l’expérience religieuse. Voir ici Expérience religieuse, t. v, col. 1814 sq. Mais le sens exclusif de la proposition moderniste modifie du tout au tout la question. Ce qui, chez les catholiques, est valeur d’application devient, pour les modernistes, valeur ou mieux pur symbolisme d’action. Et, en dehors de cette interprétation purement pratique, les représentations spéculatives que nous pouvons nous faire des vérités dogmatiques sont purement libres. Le catholique « n’est astreint par eux (les dogmes) qu’à des règles de conduite, non pas à des conceptions particulières ». Ed. Le Roy, Dogme et critique, p. 32.

Aussi les dogmes (et les modernistes y ajoutent les sacrements et la hiérarchie) « soit quant à leur notion, soit quant à leur réalité, ne sont que des interprétations et des évolutions de la pensée chrétienne qui, par des apports venus du dehors, ont accru et perfectionné le petit germe caché dans l’Évangile ». Prop. 54, Denz.-Bannw. , n. 2054. « Venus du dehors » ne signifie pas ici une révélation extérieure, mais un apport philosophique ou social. Pour plus de détails sur la foi et le dogme d’après les modernistes, voir M. Chossat, art. Modernisme, Foi et dogme, dans le Dict. apol. de la foi cath., t. iii, col. 618 sq.

Application de ces principes au mystère de la Trinité.

Puisqu’il s’agit, dans la pensée moderniste, de tous les dogmes sans exception, le dogme trinitaire ne saurait échapper à la double loi d’un évolutionnisme dû à des expériences religieuses sans cesse renouvelées et d’une interprétation purement pragmatique.

1. Loisy a présenté la théorie moderniste appliquée à la formation du dogme de la Trinité dans L’Évangile et l’Église et dans Autour d’un petit livre. C’est l’adaptation de la métaphysique de Platon et de Philon qui est, dit-il, à l’origine de ce dogme : « Dieu ne cesse pas d’être un et Jésus reste Christ ; mais Dieu est triple sans se multiplier ; Jésus est Dieu sans cesser d’être homme, le Verbe devient homme sans se dédoubler… On peut soutenir, au point de vue de l’histoire, que la Trinité, l’Incarnation sont des dogmes grecs… Il n’est pas étonnant que le résultat d’un travail si particulier semble manquer de logique et de consistance rationnelle. Cependant il se trouve que ce défaut, qui serait mortel à un système philosophique, est, en théologie, un principe de durée et de stabilité… L’orthodoxie paraît suivre une sorte de ligne politique, moyenne et obstinément conciliante, entre les conclusions extrêmes que l’on peut tirer des données qu’elle a en dépôt. Quand elle cesse de percevoir l’accord logique des assertions qu’elle semble opposer l’une à l’autre, elle proclame le mystère et n’achète pas l’unité de sa théorie par le sacrifice d’un élément important de sa tradition. Ainsi a-t-elle fait pour la Trinité, quand la consubstantialité des trois personnes divines eut triomphé définitivement. » L’Évangile et l’Eglise, p. 140-143.

Dans Autour d’un petit livre, le même auteur expose comment l’expérience religieuse est au début de ces évolutions :

Chaque étape de la foi est comme une épreuve et mi obstacle qu’elle surmonte par la force divine de son principe intérieur. La première de ces épreuves fut la mort igno-