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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. CONDAMNATIONS ECCLÉSIASTIQUES

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2. Günther est expressément indiqué dans le bref Eximiam de Pie IX comme ayant construit une explication erronée de la Trinité. Denz.-Bannw., n. 1655. Voici cette explication, toute a priori comme celle de Hegel :

Dieu n’a pas conscience de lui même par son essence, car ce serait admettre en lui une seule conscience de soi, donc une seule personne. Si Dieu se connaît, ce ne peut être que par les trois personnes qui sont en lui ; c’est en s’opposant lui-même comme sujet à lui même comme objet et en affirmant en même temps l’égalité de ce sujet et de cet objet. Le sujet ayant conscience de lui-même est la première personne ; l’objet ayant conscience de lui-même est la seconde personne ; la conscience de l’égalité de ce sujet et de cet objet constitue la troisième personne. La substance divine se trouve ainsi « triplée ».

Et voici comment cette Trinité nécessaire se relie à une création nécessaire. En se distinguant des deux autres, chaque personne nie qu’elle soit une autre personne et c’est précisément cette négation d’une chose infinie et absolue qui fait naître en Dieu la conception du fini et du relatif. Cette connaissance des êtres finis une fois posée, la bonté de Dieu exige qu’il donne l’existence à ces êtres non divins. Ainsi la création, suite de la Trinité nécessaire, est elle-même nécessaire. Nécessité qui se répercute sur la création de l’homme, son élévation à l’état de justice originelle, et, ensuite de la faute d’Adam, sur la rédemption. Sur la théorie trinitaire de Gùnther, voir Franzelin, op. cit., p. 285. Cf. Gùnther, Vorschule zur speculativen Théologie des posiliven Christenlhums, 1828-1829, 1. 1, p. 104 sq. ; 119 sq., 352 ; t. ii, p. 291 sq., 535 539, 553 sq. Voir aussi Peregrins Gastmahl, 1830, p. 149, 565 ; Thomas a scrupulis, 1835, p. 177-181, 188, 193-197 ; Janus Kôpfe fur Philosophie und Théologie, 1833, part. II, p. 272-279, 334-340 ; Eurysleus und Héraclès, p. 449 sq., 508 sq., 512 sq., et les Annales Ludia, 1849, p. 245 sq… 331-333 ; 1851, p. 166 sq., 310 sq. ; 1852, p. 260, etc. Voir aussi Kleutgen, De ipso Deo, n. 939 ; Théologie der Vorzeit (2e édit.), t. i, p. 339 ; Piccirelli, De Deo uno et trino, n. 1130 sq.

Les théologiens catholiques font observer qu’en Dieu la triple conscience triplant les personnes (ce que Günther appelle le processus théogonique) aboutit à un véritable trithéisme. En effet « entre les personnes envisagées de cette manière, il n’y aurait pas unité numérique de nature et de substance, mais seulement égalité de nature et concours de chaque personne à la formation des deux autres ? Les trois personnes ainsi comprises seraient donc trois dieux : ce qui est absolument contraire à la conception catholique de la Trinité ». Vacant, op. cit., p. 131 ; cf. Katschthaler, Zwei Thesen fur das allgemeine Konzil : die numerische Wesenseinhcit der drei gôltlichen Personen, Ratisbonne, 1868.

3. Plus près de nous, H. Schell, s’inspirant sans doute du même point de vue que Frohschammer, estime qu’après la révélation du mystère il est possible d’en fournir une explication convaincante, positive et scientifique. Ce fut là sa première préoccupation dans l’enseignement théologique, sa thèse doctorale à Tubingue étant Das XVirken des Dreieinigen Gottes. Voir ici, t. xiv, col. 1276. Cette activité essentielle de Dieu, où se retrouve le dynamisme platonicien mêlé aux conceptions intellectualistes de saint Thomas, se retrouve dans son enseignement : Katholische Dogmatik, Paderborn, 1890, t. ii, p. 21 sq. Cf. Chr. Pesch, Ende der Schell-Frage, dans Slimmen aus Maria Laach, t. lxxiii, p. 550 sq. ; De Deo uno et trino, n. 495, note 1. Voir un exposé détaillé de la doctrine trinitaire de Schell dans L. Janssens, op. cit., p. 417429.

Dans cette « démonstration » fort obscure, Schell envisage l’essence divine comme une pensée active, produisant par nécessité logique une lumière spirituelle, qui est la parfaite intelligence de soi-même. En tant que Dieu pense et dit cette logique nécessité et la parfaite intelligence qui en résulte, il est le Père ; en tant qu’il exprime cette nécessité logique et l’intelligence qui en résulte, il procède du Père et en tire son origine ; c’est le Fils. Tout s’achève en une nécessité éthique, laquelle complète la nécessité logique : l’existence divine devient alors un effet de la volonté infiniment active en même temps que de la vérité essentielle à Dieu. Par cet acte de volonté éternelle, Dieu est principe de spiration et le Saint-Espiit s’origine nécessairement à ce principe.

On reconnaît ici une excellente intention de « catholiciser » Hegel et Gùnther. Il est difficile d’affirmer que l’auteur y ait réussi. On comprend cependant le succès obtenu en Allemagne par sa thèse. Au point de vue de l’orthodoxie, on doit cependant lui faire un reproche sérieux, celui d’avoir voulu introduire un élément de nécessité logique dans l’explication. Même révélé, le mystère ne saurait être expliqué. La théorie psychologique d’Augustin et de Thomas d’Aquin est une comparaison, non une explication scientifique du mystère. C’est ce qu’oublient les théologiens, rationalistes ou semirationalistes, qui, reprenant les erreurs signalées au Moyen Age, tombent dans le même défaut que leurs lointains devanciers.

Les condamnations de l’Église. —

Explicites s’il s’agit des tentatives de démonstration rationnelle des mystères en général, elles sont implicites à l’égard de la démonstration rationnelle du mystère de la Trinité. On se souviendra cependant que le concile du Vatican se préparait à promulguer, sur ce point, une doctrine officielle.

1. Réprobations explicites. —

Elles sont indiquées ici à Mystère, t. x, col. 2585, 2587. Cf. Notes au schéma de la constitution De doctrina christiana, n. 12 et 24, dans Collectio Lacensis, t. vii, col. 525, 537. Les principales sont : Grégoire XVI, Encycl. Mirari vos, Denz.-Bannw., n. 1616 ; Dum acerbissimas, ibid., n. 1619 ; Pie IX, Qui pluribus. ibid., n. 1639 ; Singulari quadam, ibid., n. 1642, 1645 ; Eximiam tuam, ibid., n. 1656 ; Gravissimas inter, ibid., n. 1669, 1671, 1672, 1673 ; Tuas libenter, ibid., n. 1682 ; Sgllabus, prop. 9, ibid., n. 1709 ; Concile du Vatican, sess. iii, c. iv, § 2, ibid., n. 1796 ; De fide et ratione, can. 1, ibid., n. 1816.

2. Réprobation des tentatives de démonstration du mystère de la Trinité. —

Dans le bref Eximiam, Pie IX déclare qu’ « on lit dans les ouvrages de Günther des doctrines qui s’éloignent considérablement (non minimum aberrant) de la véritable foi et explication catholique en ce qui concerne l’unité de la substance divine en trois personnes distinctes et éternelles ». Denz.-Bannw., n. 1655. Cette déclaration n’indique pas sur quel objet précis elle porte. Mais, à coup sûr, elle vise tout au moins la façon dont Günther entend démontrer l’existence de la Trinité, sinon également l’explication qu’il en donne, vraisemblablement les deux aspects du problème.

Au concile du Vatican, sans doute, la constitution Dei Filius se tait sur la question de savoir si la Trinité rentre dans les mystères inaccessibles à la raison, même après la révélation qui en peut être faite par Dieu. Toutefois, des indices non équivoques nous obligent à considérer comme atteintes implicitement par la condamnation formulée au concile les tentatives du rationalisme et du semirationalisme concernant la Trinité.

Un indice général se trouve dans le schéma primitif de la constitution, c. i, où se trouvaient condamnés le matérialisme et le panthéisme, non seulement en