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    1. TRINITE##


TRINITE. ADAPTATION MODERNISTE PROTESTANTE

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l’idée qui, par son développement, fournit les cadres de la logique, tant qu’elle reste abstraite ; mais cette idée se revêt d’un caractère concret pour constituer le monde extérieur ; et, pour former le monde de l’esprit, elle prend conscience et libre possession d’elle-même. Ainsi l’idée, envisagée en elle-même, est quelque chose qui se retrouve en toutes choses, en ce qui est et en ce qui n’est pas ; elle est à la fois être et non être, c’est l’être universel, indéterminé.

L’idée ou l’esprit universel est ainsi la force productrice de toutes choses… Semblable à un germe, elle se développe progressivement, produisant successivement le règne minéral, le règne végétal, le règne animal, l’homme enfin qui termine le développement de la substance éternelle et devient l’organe des évolutions ultérieures de l’esprit universel. En sorte que toutes les religions sont une suite naturelle de l’évolution inhérente à l’être universel ; toutes sont divines, légitimes et vraies dans leur temps et leur lieu et chacune d’elle sert de base à la religion qui doit lui succéder, jusqu’au moment où se réalisera la dernière évolution du sentiment religieux, qui sera la religion universelle.

Cette théorie fondamentale sert de base à Hegel pour expliquer le dogme trinitaire en fonction du développement de l’idée. L’absolu, qui constitue cette idée pure, traverse, dans son développement, trois moments essentiels :

Celui de l’Idée en soi est le règne du Père, de Dieu encore considéré comme idée abstraite et antérieure au monde réel ; cependant l’Idée tend à sortir d’elle-même, à s’objectiver, à se réaliser à travers d’innombrables négations ; le second moment, celui du développement de l’Idée dans le monde, correspond à la seconde personne de la Trinité, au Fils ; enfin, de même quo l’Idée ne doit pas demeurer à l’état d’abstraction, mais se donner un contenu objectif, de même le monde est destiné à être de nouveau saisi et pénétré par l’Idée ; il en résulte que l’Idée et le monde tendent de nouveau à se rencontrer et à s’identifier ; cette synthèse de l’idéal et du réel, ce moment où l’absolu arrive à se connaître comme esprit absolu à travers l’épanouissement des choses finies correspond à ce que l’Église appelle le Saint-Esprit. Ainsi, Dieu, conçu comme sujet absolu, est le Père ; Dieu, s’opposant lui-même à lui-même comme objet, est le Fils ; Dieu s’opposant lui-même comme sujetobjet, est le Saint-Esprit.

On reconnaît en ces formules la doctrine hégélienne, thèse, antithèse et synthèse. Voir surtout, dans les œuvres de Hegel, Religionsphilosophic, publié par Merheineke, Berlin, 1832 ; cf. J. Hessen, Hegels Trinitâtslehre, Fribourg-en-B., 1922.

4. Influence de Schelling et de Hegel. —

Plusieurs philosophes reprirent et développèrent les mêmes idées. On doit citer Daub, Einleitung in die Studien der Dogmalik, Heidelberg, 1810, p. 65 sq. ; Merheineke, Die Grundlehren der christlichen Dogmatik (influence prépondérante de Schelling), Berlin, 1819, p. 123 sq., 174 sq., 254 sq. Cet ouvrage eut, en 1827, une nouvelle édition, avec un titre modifié : Grundlehren der christlichen Dogmatik als W issenschaft (influence directe de Hegel). Dans le même sillage, avec certaines nuances : Conradi Selbstbeivusstsein und Offenbarung, Mayence, 1839 ; Kritik und Dogmen, Christus in der Vergangenhrit, Gegenwart und Zukunft ; Gôschel, Beitrûge zur speculalwen Philosophie von Gott, dem Menschen und drm Gotteimensch’n, Berlin, 1839 : C.-H. Weisse, Die Idée der GoUheit, I.’ipzig, 1832 ; Zur Vrrlheidigung des Begriffs der immanenlm Wrsenstrinilât, id., 1841 ; Pkllotophische Dogmatik, Id., 1855-1862. Pour donner une Idée de ces sortes de spéculations, disons que Merheineke se refuse à admettre une Trinité en dehors du monde. Le inonde > t Dieu dans son être en dehors de lui-même, et, sous sa forme objective, le h Dieu ; quant au Saint-Esprit, c’est l’humanité réconciliée avec Dieu par l’Église. Dieu est ainsi l’essence de l’homme et l’homme est la réalité de Dieu.

La « théologie hégélienne » sera défendue quelque temps encore par des partisans convaincus et sincères, comme Erdmann, Conradi, Gôschel et Rosenkrantz. D’autres auteurs continueront à donner aux formules de l’ancienne orthodoxie une portée philosophique et une signification spéculative qui n’a rien de commun avec le dogme : par exemple Fichte fils, Einige Bemerkungen ùberden U nterschied der immanenten und der Offenbarunstrinitàt, dans sa Zeitschrift fur Philosophie und spéculât. Théologie, 1841 ; Zukrigl, Wissenschaftliche Rechtfertigung der christlichen Trinilàts-Ichre gegen ihre neuesten Gegner (contre Strauss), Vienne, 1846 ; Ulrici, Ueber den Begriff der Trinitàt, dans Deutsche Zeitschrift fur christ. Wissenschaft und christ. Leben, 1853 ; Peip, art. Trinitàt. dans la Realencycl. de Herzog, 2e éd., t. xvi. Mais cette position paradoxale devait bientôt succomber sous les coups de Becker, de Jules Muller, de Feuerbach et surtout de Strauss, l’auteur de la Vie de Jésus. Ce dernier n’hésite pas à déclarer le dogme de la Trinité périmé et désormais sans valeur en regard des droits de la raison : Wcr das Symbolum Quicumgue beschworen hat, der hal den Gesetzen des Denkens abgeschwore.n. Der aile und neue Glauber, p. Il sq. Sur les ruines du dogme traditionnel, Schleiermacher tentera de construire un nouvel édifice.

IV. ADAPTATION MODERNISTE PROTESTANTE. —

On sait que Schleiermacher peut être à bon droit considéré comme l’initiateur de ce renouveau religieux du protestantisme contemporain, renouveau issu de l’expérience religieuse que chaque croyant doit éprouver en lui-même.

On a vu par les exposés précédents que, d’une part, le rationalisme antitrinitaire accepte en fait les arguments opposés au dogme par les sociniens et les unitaires ; que, d’autre part, les supranaturalistes n’ont jamais eu le courage (à part Leibniz) de défendre le dogme dans sa formule rigoureuse. Cette formule fut soumise par Schleiermacher à une critique serrée. Schleiermacher conserve la Trinité sans doute ; mais il ne l’envisage pas au point de vue de la théologie orthodoxe comme une vérité conçue en dehors de nous et de. nos expériences religieuses. Pour lui, la dogmatique ne saurait être que la description et l’explication des phénomènes de la conscience chrétienne ; le dogme trinitaire prend donc chez lui une place différente de celle que lui assignait le système orthodoxe. Notre conscience religieuse, ne dépassant pas le domaine de l’expérience immédiate, n’a ni la prétention ni le moyen d’affirmer quoi que ce soit touchant l’essence divine considérée en elle-même. C’est de l’impression que lui laisse la personne du Christ qu’elle conclut à l’union de Dieu avec l’humanité en Jésus-Christ. C’est des effets divins produits au sein de l’Église qu’elle peut remonter à leur causalité divine, c’est-à-dire à l’œuvre de Dieu accomplie dans l’humanité par l’Esprit de Dieu. La conscience religieuse allume don deux faits : union parfaite de Dieu avec Jésus-Christ ; action de l’Esprit de Dieu dam la communauté chrétienne. Mais elle ne saurail aller au-delà et transformer ces faits de l’expérience subjective en relation immanentes dans l’être divin, c’est-à-dire les ramener à dl s personnes distinctes constituant l’essence unique de Dieu. Franchir ainsi les limites Imposées par IV i rience à la connaissance, c’est substituer la spéculation et la métaphysique à la religion et à la foi. La Trinité née doit dune être sacrifiée à la Trinité d< la i latton, c’est-à-dire à la Trinité économique. Ainsi, tandis que la spéculation hégélienne pari da l’a priori "lu et fait du dogme trinitaire la fondement du me dogmatique, le dogme trinitaire. pour