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1555 TRINITE. L’A. T., LA SAGESSE 1556

dans le vent fort et violent qui déchire les montagnes et qui brise les rochers, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu ; il passe au contraire dans le souffle doux et léger. III Reg., xix, 11-13.

4° La Parole.

De l’esprit, il est naturel de rapprocher la parole, car la parole est le produit de l’esprit ; et, comme lui, elle sort de la bouche de l’homme sous la forme d’un souffle. Aussi arrive-t-il que la Bible accorde à la parole de Jahvé un rôle essentiel dans l’œuvre de la création : « Dieu dit et tout a été fait ; il a ordonné et tout a été créé. » Ps., xxxiii, 9. « C’est par la parole du Seigneur que les cieux ont été créés, et par le souffle de sa bouche que toute leur armée a été faite. » Ps., xxxiii, 6. En parlant ainsi, les psalmistes se contentent d’ailleurs de faire écho au récit de la Genèse ; celui-ci nous apprend que Dieu dit : « Que la lumière soit », et que la lumière fut. Gen., i, 3. Quelques textes semblent même attribuer à la parole une action propre. On lit ainsi dans Isaïe, iv, 10-11 : « Comme la pluie et la neige descendent du ciel et n’y retournent pas qu’elles n’aient abreuvé et fécondé la terre et ne l’aient couverte de verdure, donné la semence à semer et le pain à manger, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche ; elle ne revient pas à moi sans effet ; elle accomplit ce que je veux, elle remplit sa mission. » À peine est-il besoin de remarquer que ces expressions ne doivent pas être prises à la lettre : si la parole de Dieu est personnifiée, il n’y a là qu’une figure de rhétorique sans signification métaphysique, et la pensée des auteurs inspirés n’est assurément pas de donner à la parole une existence réelle.

La même chose doit être dite à propos des expressions, si énergiques et si remarquables soient-elles, qu’emploie le livre de la Sagesse. Tous les chrétiens connaissent le passage qu’emploie l’Église dans la liturgie du cycle de Noël et qui révèle alors un sens si profondément émouvant : « Pendant qu’un paisible sommeil enveloppait tout le pays et que la nuit, dans sa course rapide, avait atteint le milieu de sa carrière, ta parole toute puissante s’élança du haut du ciel, de Ion trône royal, comme un guerrier impitoyable au milieu d’une terre d’extermination, portant comme un glaive aigu ton irrévocable décret. » Sap., xviii, 14. Nous devons oublier, pour bien interpréter ce verset, son adaptation liturgique : la parole de Dieu y est personnifiée, mais il n’est pas question de la regarder comme réellement distincte du Seigneur qui la prononce.

5° La Sagesse.

S’il est vrai que ni l’Esprit de Dieu, ni la Parole de Dieu ne sont regardées comme des hypostases par les écrivains inspirés, que doit-on penser du troisième terme, peut-être plus fréquemment employé dans les livres de l’Ancien Testament et en tout cas plus énigmatique, la Sagesse ? Par ce mot, lorsqu’on l’applique à l’homme, on désigne une qualité rare faite tout à la fois d’habileté pratique et d’intelligence spéculative, de science et de technique, que possèdent certains personnages favorisés de Dieu.

Mais Dieu lui-même possède la Sagesse. Le livre de Job insiste sur son caractère mystérieux. Les hommes savent explorer la terre pour découvrir les trésors cachés dans ses profondeurs : « Mais la Sagesse, où se trouve-t-elle ? Où est la demeure de l’intelligence ? L’homme n’en connaît point le prix ; elle ne se trouve pas dans la terre des vivants. L’abîme dit : elle n’est pas en moi ; et la mer dit : elle n’est pas avec moi. Elle ne se donne pas contre de l’or pur, elle ne s’achète pas au poids de l’argent… C’est Dieu qui en sait le chemin, c’est lui qui en connaît la demeure. Car il voit jusqu’aux extrémités de la terre ; il aperçoit tout ce qui est sous le ciel. Quand il régla le poids du vent et qu’il fixa la mesure des eaux, quand il donna des lois à la pluie et qu’il traça la route de l’éclair et du

tonnerre, alors il vit la sagesse et la manifesta. » Job, xxviii, 12 sq. Nous sommes ici en présence d’une admirable poésie ; mais il n’y a pas lieu de chercher autre chose. La Sagesse est un trésor, le plus précieux de tous les biens ; elle appartient à Dieu qui seul peut la révéler et la communiquer à l’homme : l’auteur inspiré n’affirme pas autre chose que cela. Il en va de même dans le livre de Baruch : « Qui a trouvé le lieu de la Sagesse et qui est entré dans ses trésors ?… On n’a pas entendu parler d’elle dans le pays de Chanaan et elle n’a pas été vue dans Théman… Mais celui qui sait toutes choses la connaît ; il la découvre par sa prudence. » Bar., iii, 15 sq.

Le livre des Proverbes insiste davantage dans les chapitres viii et ix, où il fait l’éloge de la Sagesse en ses rapports avec Dieu et avec les hommes. La Sagesse invite les hommes à se mettre à son école : « C’est au sommet des hauteurs, sur la route, à la jonction des chemins qu’elle se place ; près des portes, à l’entrée de la ville, là où passe la foule, elle fait entendre sa voix : « Hommes, c’est vous que j’appelle ; je m’adresse aux « enfants des hommes. Simples, apprenez la prudence ; « insensés, apprenez l’intelligence. Écoutez, car j’ai à « dire des choses magnifiques, et mes lèvres s’ouvrent « pour enseigner le bien. » Prov., viii, 2-6. Plus loin le Seigneur insiste et son invitation se fait plus pressante : « La Sagesse s’est bâti une maison ; elle s’est taillé sept colonnes. Elle a immolé ses victimes, mêlé son vin et dressé sa table. Elle a envoyé ses servantes, pour appeler dans les hauts quartiers de la ville : « Que « celui qui est sans instruction entre ici. » Prov., ix, 1 sq. Mais en face d’elle, se dresse la folie. Elle aussi, la folie convoque les hommes et les invite à pénétrer chez elle. Elle aussi leur promet toutes sortes de biens, Prov., ix, 13 sq. ; et le parallélisme est assez poussé pour qu’il ne soit pas possible d’affirmer de la Sagesse ce qu’on ne saurait dire de la folie. Personnifiées l’une et l’autre, la sagesse et la folie ne sont que des qualités morales, qui se dressent l’une en face de l’autre, comme le feront les vertus et les vices de la Psychomachie.

Seulement, nous n’avons pas le droit de nous arrêter ici, car l’auteur inspiré précise les rapports de la Sagesse avec Dieu : « Jahvé m’a formée au commencement de ses voies, avant ses œuvres, jadis. Avant les siècles, j’ai été établie, dès le commencement, avant l’origine de la terre. Il n’y avait point d’abîmes quand je suis née, point de sources chargées d’eaux. Avant que les montagnes fussent fondées, avant les collines, je suis née, lorsqu’il n’avait encore fait ni la terre, ni les champs, ni les premiers grains de la poussière du globe. Lorsqu’il établit les cieux, j’étais là ; lorsqu’il traça un cercle à la surface de l’abîme ; lorsqu’il amassa les nuages là-haut et qu’il régla les sources de l’abîme ; lorsqu’il fixa une limite à la mer pour que les eaux ne transgressent point son ordre ; lorsqu’il affermit les fondements de la terre, j’étais auprès de lui comme une enfant ; j’étais chaque jour ses délices ; jouant sans cesse en sa présence, jouant sur le globe de la terre (et trouvant mes délices parmi les enfants des hommes). » Prov., viii, 22 sq.

Peu de passages de l’Ancien Testament ont été plus souvent cités et étudiés que celui-là. Lorsqu’on le lit avec des yeux chrétiens, on n’hésite pas à y voir une description grandiose des origines éternelles de la Sagesse incréée et à y trouver l’annonce, sinon la représentation claire, du mystère trinitaire. La question se complique lorsqu’on se demande ce qu’a voulu dire au juste l’auteur inspiré. Assurément, la personnification de la Sagesse est poussée ici beaucoup plus loin que dans le livre de Job ; mais nous avons déjà vu que l’écrivain à qui nous devons ces chapitres des Proverbes personnifie volontiers des abstractions et