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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. DÉCLIN DE L’ORTHODOXIE PROTESTANTE

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dre du nécessaire, du possible, du réel. Inlroductio in theologiam revelatam, Iéna, 1744. Des explications analogues se retrouvent chez Canz, Schubert, Carpov, Daries, Baumgarten et, en général, chez tous les théologiens qui cherchent encore à concilier les formules traditionnelles avec la philosophie. Contre le piétiste Joachim Lange, le luthérien Val. -Ernest Lôscher n’abandonne aucune des positions dogmatiques traditionnelles. Unschuldige Nachrichlen, Dresde, de 1702 à 1719.

On retrouve dans ces essais des échos de certains raisonnements de théologiens du Moyen Age, Bonaventure, Richard de Saint-Victor ou même saint Anselme. Cette attitude a persévéré chez certains luthériens jusqu’au xixe siècle. Plusieurs ont développé, sous des formes différentes, l’argument de Richard : Dieu, qui est amour, ne trouve pas dans le monde fini un objet digne de lui et qui le paie de retour. Cet objet de dilection, Dieu l’engendre, c’est le Fils qui, en conséquence, doit être éternel et Dieu comme le Père. Enfin, la communion ineffable du Père et du Fils se réalise en une troisième personne, lien vivant, éternel indissoluble des deux autres, le Saint-Esprit. Cf. J. Millier, Lehre von der Sùnde, 6e éd., t. ii, Brestau, 1877 ; Schôberlin, Die Grundlehren des Heils entwickelt aus dem Prinzip der Liebe, Gœttingue, 1848, p. 22 sq. ; Liebner, Die christliche Dogmatik aus dem christol. Prinzip, Gœttingue, 1849, 1. 1 (le seul paru), p. 108 sq. ; Sartorius, Die Lehre von der heiligen Liebe, Kônigsberg, 1861, p. 6-19 ; cf. Dorner, System der christlichen Glaubenslehre, Berlin, 1879, t. i, p. 391 sq.

D’autres théologiens adoptèrent la seconde manière et s’engagèrent à fond dans la critique historique : ce sont les théologiens de la première école de Tubingue. Mais leur entreprise, loin de consolider la foi, aboutit, en réalité, fréquemment du moins, à la ruiner. Tout en maintenant les formules, cette école détruit le dogme objectif de la Trinité et de l’incarnation. Flatt, Dôderlein, Tôllncr, professent le subordinatianisme et l’arianisme. Et, en christologic, en même temps que l’arianisme, ils enseignent le nestorianisme. Œuvre difficile pour des docteurs subordinatiens et ariens, que d’établir et de comprendre l’unité personnelle de deux êtres finis ! Cf. I.-A. Dorner, op. cit., p. 594-603.

3. La fin de l’orthodoxie. —

La décadence s’accentua par l’affirmation de la personnalité humaine du Christ (à partir surtout de 1750). Pour les unitaires, sabelliens modernes, un tel « progrès « simplifiait la question trinitaire. Plus n’était besoin de tenir compte d’un Verbe, personnellement distinct du Père. Aussi, de plus en plus, se répand une dogmatique nouvelle, la dogmatique pratique et populaire, qui écarte de l’enseignement pastoral les éléments spéculatifs, jugés inutiles pour la conduite morale de la vie. L’initiateur de cette dogmatique est J.-J. Spalding, dans son traité De l’utilité du ministère pastoral, Leipzig, 1772. Elle se retrouve chez J.-P. Miller, J.-J. Griesbach, G. Less, A.-J. Niemeyer et Ch.-F. von Ammon, tous de la fin du xviiie siècle. Du christianisme, doctrine populaire, le prédicateur a le devoir d’éliminer les éléments spéculatifs, jugés inutiles ; et sont rangés au nombre des dogmes embarrassants et secondaires les dogmes de la Trinité, des deux natures en Jésus-Christ, de la satisfaction vicaire, de la justification par la foi sans les œuvres. Plusieurs de ces auteurs se posent encore ri pendant comme des défenseurs de l’orthodoxie contre le rationalisme envahissant !

Lancée sur cette pente, la théologie en vint à vouloir corriger et compléter le christianisme : W.-A. Teller, professeur à Helmstedt et à Berlin, laisse de côté les dogmes de Dieu et de la Trinité et professe sa foi en la perfectibilité de la religion chrétienne. Bien plus, on veut justifier par la Bible de telles prétentions. Cf. H. -P. Henke, Lineamenta institulionum fidei christianæ, Helmstedt, 1794 ; Eckermann, Compendium theologiæ christianæ, 1791 ; Handbuch zum gelehrten und systematischen Studien der christlichen Glaubenslehren, 1811 ; Michælis, Compendium theologiee dogmatiese, Gœttingue, 1760 ; Semler, Einleitung zu Baumgarten’s Glaubenslehre, Halle, 1759 ; Spittler, dans son Abrégé de l’histoire de l’Église chrétienne, Gœttingue, 1782. Spittler et Henke attaquent violemment les dogmes fondamentaux de l’Église ; Planke leur témoigne une profonde indifférence et ce sentiment est partagé par les autres auteurs cités et la plupart des coryphées de la théologie négative de la fin du xviiie siècle, qu’on peut rattacher, pour leur tendance générale, aux idées de Semler.

Contre de tels excès, une réaction se dessine cependant, qu’inspire un réel sentiment religieux et chrétien. En ce sens, il faut citer Klopstock dans son poème religieux La Messiade ; Hamann, dont le langage sibyllin dépare souvent les nobles aspirations, théo* sophe plutôt que théologien ; Lavater, qui considère le christianisme comme une religion de l’humanité ; Claudius, qui a su opposer aux théories des novateurs les vérités d’un christianisme pratique mais respectueux du Rédempteur. Ces auteurs professent une réelle croyance en Jésus-Christ, en lequel Dieu s’est incarné pour se manifester à nous. Mais il serait exagéré de trouver en cette affirmation la moindre esquisse d’une restitution du dogme trinitaire. Leur christianisme est un christianisme vague, dégagé de toute « cristallisation » dogmatique.

Un seul auteur pourrait peut-être faire exception ; c’est Lessing (1729-1781). Le système religieux de Lessing est difficile à saisir. La révélation positive ne semble exister pour lui que dans les débuts de l’humanité et cette révélation primitive concerne l’ensemble des vérités rationnelles enveloppées sous une forme symbolique et sensible. Mais la seule révélation nécessaire à l’heure présente est une révélation intérieure, manifestation constante de la puissance de Dieu, dont la pensée créatrice agit sans cesse au dedans de nous ; de cette inspiration divine naît dans l’âme le sentiment religieux, sentiment qui peut se développer au point de nécessiter, exceptionnellement, d’autres révélations extérieures, miracles et prophéties par exemple, destinées à conduire l’homme aux principes spirituels. Lessing croit ainsi fermement à l’enseignement supérieur donné aux hommes par le Christ ; il croit non moins fermement en une intervention surnaturelle du Saint-Esprit dans la primitive Église. Mais, pour lui, l’essence de la religion se situe dans un ensemble de vérités éternelles, indépendantes de toutes circonstances historiques ou autres, de telle sorte qu’il peut y avoir une religion chrétienne qui ne soit pas la religion du Christ : l’abandon des preuves traditionnelles n’cntratne pas nécessairement la chute du christianisme lui-même. On ne s’étonnera donc pas que Lessing ne saisisse pas les liens qui rattachent le dogme de la Trinité à la christologic ; cet aspect essentiellement protestant du problème trinitaire l’intéresse peu : 1a Trinité est une de ces vérités éternelles qui existent par elles-mêmes. Elle n’est que l’évolution de la conscience que Dieu a de lui-même et Lessing conçoit cette évolution par analogie aux donne la connaissance que nous avons de nous-mêmes Le penser divin est un penser fécond et c’est par sa tééOB dite que le Fils est produit, image parfaite du l Entre l’image et le Père rèRnc l’harmonie la plus parfait.. * I a de harmonie est elle même Dieu : l’Esprit. Et elle est aussi nécessaire à la divinité que le l’ère (lie lils.Cf. Erziehung des Menschr.ngeschlr< hts, i 73 ; Das Christentum der Vernunft, § 1-12. (Luvres, Leipzig. 1858-1862, t. vi, p. 522 ; t. vii, p. 42. I