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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. L’ORTHODOXIE PROTESTANTE

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nature physique et spirituelle, l’homme manifeste l’union des principes, qui, en dehors de lui, sont séparés l’un de l’autre, à savoir l’union de la nature, de l’intelligence, de l’amour. La trinité existe en Dieu lui-même : la divinité du Seigneur est le Père ; l’humanité divine est le Fils ; la divinité se révélant dans la sphère de la réalité est le Saint-Esprit. L’homme, but suprême et épanouissement définitif de la vie divine, présente la perfection idéale de l’univers et Dieu, en devenant homme d’une manière sensible, acquiert l’existence qui répond à son essence, puisque toutes les puissances qui existaient en lui sont réalisées dans l’homme dont il a pris la forme. Le Christ est l’homme par excellence, dans lequel réside la Trinité, à savoir la divinité du Père, l’idée de l’homme et la réalité sensible. Le Fils, qui était virtuellement en Dieu et qui se manifeste et devient réel dans la personne du Christ, exprime l’amour substantiel, ou divinité du Père. C’est en lui que se manifeste la Trinité ; il est le point central de l’univers et le sentiment que nous avons de Dieu peut désormais sans crainte s’appuyer sur la réalité concrète que Dieu a acquise en lui. Le Christ continue à communiquer aux âmes sa sagesse et son amour par l’Écriture qui doit être envisagée comme une continuation constante de l’incarnation de Dieu au sein de l’humanité depuis que le Christ a quitté la terre. Cf. Dorner, op. cit., p. 571-573.

La théosophie contemporaine suit les mêmes errements. Non seulement elle nie la personnalité de Dieu, mais — conséquence inévitable — elle détruit le mystère de la Trinité. Sans doute, certains de ses représentants, pour les besoins de leur cause, semblent parfois admettre la Trinité chrétienne. Pur trompe-l’œil t Quand on vient à l’explication, jamais il ne s’agit de personnes divines ; il n’est question que de forces impersonnelles groupées par triade ou symbolisées par des noms. Ainsi, une théosophe en vue, Mme Besant, assimile la Trinité chrétienne à la Trimurti hindoue, à une terna de dieux helléniques, arbitrairement choisis : Zeus, Apollon, Minerve, ou encore aux trois notions fondamentales des matérialistes : cause, énergie et matière. Voir de Grandmaison, art. Théosophie, dans le Dict. apol. de la foi cath., t. iv, col. 1663-1664. Du même auteur : Le lotus bleu, Paris, 1910 et deux articles sur La nouvelle théosophie, dans les Études, 5 décembre 1914 et 5 mai 1915.

Interprétations objectives de l’orthodoxie traditionnelle.

Il faut entendre ici dans un sens assez large le mot « orthodoxie ». Il signifie simplement l’exposé d’une doctrine répondant à une réalité objective.

1. Leibniz. —

Le philosophe Leibniz s’est fait, au point de vue rationnel, le défenseur du dogme contre les unitaires. Non qu’il veuille démontrer la Trinité, il se contente d’en montrer la possibilité. Le Cursus theologicus de Migne a accueilli trois petits travaux de Leibniz sur ce sujet, t. viii, col. 749-770. Dans Opéra omnia, Genève (éd. Dutens), 1768, p. 10, 17, 24.

Le premier, Defensio Trinitatis per nova reperta logica, contra epistolam ariani, est dirigé contre André Wissowath, descendant des Socins du côté maternel (1608-1678) et socinien lui-même. Simple réfutation des objections antitrinitaires. — Le second, Duse epistolse ad Lœfllerum, vise non seulement les sociniens, mais les « néo-ariens » d’Angleterre : l’auteur y cherche à concilier la définition de la personne par la substance, et la même définition par la relation. — Enfin, la plus importante publication de Leibniz sur le problème trinitaire ce sont les Remarques sur le livre d’un anlitrinitaire anglais qui contient des considérations sur plusieurs explications de la Trinité : quelques pages seulement, mais pleines d’une doctrine répondant parfaitement aux exigences du sujet :

J’oserais dire que trois esprits infinis, étant posés comme des substances absolues, seraient trois dieux, nonobstant la parfaite intelligence qui ferait que l’on entendrait (de l’un) tout ce qui se passe dans l’autre. Il faut quelque chose de plus pour une unité numérique… Il ne sulïit pas non plus de dire que le Père, le Fils et le Saint-Esprit diffèrent par des relations semblables aux modes, tels que sont les postures, les présences ou les absences. Ces sortes de rapports attribués à une même substance ne feront jamais trois personnes diverses existantes en même temps… Il faut donc dire « qu’il y a des relations dans la substance divine, qui distinguent les personnes, puisque ces personnes ne sauraient être des substances absolues. Mais il faut dire aussi que ces relations doivent être substantielles, (ce) qui ne s’explique pas assez par de simples modalités ». (Les guillemets sont de Leibniz).

C’est donc l’explication de saint Thomas qui est reprise par le philosophe allemand. Et Leibniz entend bien montrer par là qu’il n’y a, dans la Trinité, aucune contradiction. Il blâme même les théologiens catholiques « qui croient que ce principe de logique ou de métaphysique : Quee sunt eadem uni tertio, sunt eadem inter se, n’a point de lieu dans la Trinité ». Je crois, ajoute-t-il, que « ce serait donner cause gagnée aux sociniens en renversant un des premiers principes du raisonnement humain, sans lequel on ne saurait plus raisonner sur rien, ni assurer aucune chose… J’ai été fort surpris de voir que les habiles gens parmi les théologiens scolastiques ont avoué que ce qu’on dit de la Trinité serait une contradiction formelle dans les créatures. Car je crois que ce qui est contradiction dans les termes, l’est partout ». Col. 768-769, 767 ; cf. Dissertatio de conformitale fidei cum ratione, n. 22, dans Opéra, t. i, p. 81. Voir à Relation, col. 2155 et ci-dessous, col. 1822, les auteurs à qui Leibniz fait allusion. On lira dans Franzelin, De Deo trino (3e éd.), p. 330, la note rédigée à ce propos.

2. Commencement de la décadence de l’orthodoxie. —

Les disciples de Leibniz sont loin d’avoir la ferme attitude de leur maître. Ils ont été formés à l’école de Wolfî et, si Wolfî a beaucoup contribué à faire progresser la philosophie leibnjzienne, c’est en la déformant par la systématisation rigide qu’il lui imposa. Il habitua les esprits à réclamer en tout des démonstrations et des raisonnements. D’ailleurs, en ce qui concerne les mystères révélés, toute une tendance nouvelle, bien conforme aux idées naturalistes du xviiie siècle, commence à se faire jour et les théologiens de l’orthodoxie traditionnelle sont obligés d’y faire face. La théorie de l’expérience personnelle prenait le pas sur la révélation objective par l’Écriture : on pensait par là faire plus facilement comprendre et admirer les enseignements de l’Écriture en les confrontant avec les instincts les plus profonds de l’humanité et même le simple bon sens. En réalité, on détruisait toute croyance objective. Aussi les théologiens attachés encore à l’orthodoxie s’empressèrent-ils de chercher une base plus objective de la divinité de l’Écriture sainte et une argumentation plus serrée en faveur de la vérité du christianisme : ils eurent recours soit à la méthode rationnelle, soit à la méthode historique.

Les disciples de Wolff adoptèrent la première manière. Ainsi Reinbeck veut tirer le principe de la Trinité de l’idée du Souverain Bien, qui est Dieu et que Dieu veut communiquer aux siens d’une manière absolue. Belrachtungen ùber die in der Augsburger Confession enthaltene und damit verknùpfte Wahrheiten, Berlin, 1731-1741. Bûttner déduit la Trinité du dogme de la rédemption : s’il y a une personne divine qui accomplit l’acte d’expiation, il doit y en avoir une autre qui accepte cet acte. Cursus theologiæ revelatse, 1746. Reusch, esprit net et positif, établit que la Trinité correspond en Dieu à trois ordres de pensée, l’or-