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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. LES DOCTRINES ANTITRI NITAIRES

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voulaient les enfermer, à s’attaquer aux dogmes mêmes que, ceux ci entendaient respecter. Ce fut le cas des premiers antitrinitaires. Les principaux noms qu’il convient de relever sont ceux de : Conrad in Gassen, Wurtembergeois, exécuté à Bâle en 1529 pour crime de blasphème contre la divinité de Jésus-Christ ; L. Hetzer, de Bischofszelt en Thurgovic, prêtre catholique apostat, « le plus remarquable des anabaptistes », dit Harnack, Lehrbuch…, t. iii, p. 658-659, condamné à mort à Constance en 1528 pour immoralité (sur lui, voir Th. Keim, dans la Prol. Realencycl., 3e éd., t. vii, p. 325 sq.) ; J. Denk, de Nuremberg (1495-1527), ami de Th. Mùnzer, chef des anabaptistes, qui, dans son livre De la loi de Dieu, oppose la lettre de l’Écriture à l’Esprit de Dieu ; chassé de Bâle et de Strasbourg pour scandale de mœurs, il revint cependant en cette ville sous la protection d’Œcolampade ; mais il y mourut bientôt de la peste (sur lui, voir Hebeilé, Johann Denk und sein Biichlein vom Gesetz, dans Sludien und Kritiken, 1851 ; et Johann Denk und die Ausbreitung seiner Lehre, ibid., 1855) ; J. Kautz, de Worms, qui, le 9 juin 1527, jour de la Pentecôte, affiche dans cette ville sept thèses chères aux anabaptistes. Quoi qu’en pense Harnack dans l’appréciation superficielle qu’il donne de ces auteurs, op. cit., p. 660, on doit objectivement les considérer comme des protagonistes de l’antitrinitarisme en Alsace, de 1526 à 1528, et comme les alliés des anabaptistes. Leur doctrine revient, en termes généraux, à ceci : Dieu est absolument un ; il n’existe en Dieu aucune trinité de personnes ; Jésus-Christ n’a pas eu de préexistence personnelle avant sa venue sur la terre. Denk insiste cependant sur l’idée d’un Verbe éternel, parole intérieure de Dieu dans nos âm"s. Cf. Doumergue, op. cit., t. vi, Neuilly-sur-Seine, 1926, p. 445-449 ; A. Réville, art. Antitrinitaire, dans l’Encyclopédie d>-, Liclitenborg : r, t. i, p. 378.

A ces noms il faut encore ajouter : Claudius de Savoie, qui enseigna à Berne (1534) l’unité absolue de Dieu, combattit la préexistence personnelle du Christ, ramena l’Esprit-Saint au nombre des créatures ; Sébastien Frank, de Donauwœrth, en Souabe, un idéaliste qui ne voyait dans le Christ visible que l’image et le symbole du Christ spirituel, invisible, résidant dans la conscience humaine, et qui révèle le Créateur dont il dérive ; J. Campanus, de Juliers, qui, dès 1528, se faisait remarquer à Wittemberg pour son opposition au dogme trinitaire et qui mourut en prison, vers 1574, dans un état de complète démence. Il avait consigné ses vues dans un écrit : Restitution et amélioration de l’Écriture sainte et divine, obscurcie depuis des siècles, avec la permission de Dieu, par des doctrines et des docteurs pernicieux (en allemand). Il voulait, non une trinité, mais une dualité divine, l’homme, mâle et femelle, ayant été créé à l’image de Dieu. Le Fils est l’élément féminin, par conséquent subordonné de la divinité où le Père représente l’élément masculin, actif et productif. Le Saint-Esprit n’est pas une personne, mais l’esprit commun au Père et au Fils et leur action commune sur l’homme.

Enfin, D. Noris, de Delft (1501-1556), évêque anabaptiste dans sa ville natale, repoussait comme contradictoires les doctrines de la Trinité et de l’incarnation. L’incarnation du Fils-Dieu a été révélée par trois hommes, Moïse, Élie, Jésus ou enror^ Adam, David, Jésus. Mais le vrai Fils est le Christ de l’esprit qui s’Identifie avec la volonté, la parole, la nature même di Dii ii Noris a laissé de nombreux traités en langue hollandaise ; le plus remarquable est Wonderboek des miracNs).

Michel Servet. —

Cet Fspagnol (il étaitnéen 1500 ou 1511 à Villanueva en Ar.i<ion)se fit déjà remarquez à Pâle, en 1530, par sis vues antltrinltmlrea qui lui valurent les observations d’Œcolampade. Ce qui ne

l’empêcha pas de publier en 1531 son traité De Trinitatis erroribus libri VII qui causa grand scandale. L’édition fut, dans la mesure du possible, saisie et anéantie ; il dut se rétracter dans Dialogorum de Trinitate libri II. De justitia regni Christi capitula IV (1532). Au fond, Servet ne rétractait rien. Sur ses discussions avec Calvin au sujet de la Trinité, voir Servet, t. xiv, col. 1967 sq. En 1543, Calvin publiait déjà contre lui sa Defensio orlhodoxæ fidei de sancta Trinitate contra prodigiosos errores Michælis Serveti Hispani, Corp. Reform., t. xxxvi, col. 457 sq. (trad. fr. en 1564, Déclaration pour maintenir la vray foy, que tiennent les chrestiens de la Trinité des personnes en un seul Dieu contre les erreurs détestables de Michel Servet, Espagnol, Genève).

Ce qui mit le comble à 1’ « hérésie » de Servet fut, en 1553, la publication de la Christianismi restitutio (on voit l’opposition avec la Christiana institutio). (Cinq livres et deux dialogues sur la Trinité ; trois livres sur la foi, la justice, le royaume du Christ ; quatre livres sur la nouvelle naissance d’en haut et le royaume de l’Antéchrist ; trente lettres à Calvin ; les soixante signes de l’Antéchrist et une apologie contre Mélanchthon, relative au mystère de la Trinité, 734 p. Voir l’histoire de la publication de la Restitutio dans Doumergue, op. cit., t. vi, p. 255 sq.). Entre les deux ouvrages, celui de 1531 et celui de 1553, Servet avait fait une évolution philosophique vers le néoplatonisme. Mais, dès 1531, il se montre violemment antitrinitaire, au nom même de la spéculation philosophique et de la critique rationnelle. Tandis que « les Réformateurs étaient des croyants pratiques », se préoccupant avant tout du péché et de la rédemption des hommes, Servet se montre « l’inventeur de la théologie historique ». Cf. Doumergue, op. cit., t. vi, p. 229. Il critique vivement les « tritoïtes ». « On divise, écrit-il, notre Dieu en trois parties, nous sommes donc sans Dieu, des athées. » De Trin., p. 21. Après son évolution, il écrira : « Ces tritoïtes, ils rêvent d’une façon incompréhensible (inintelligibiliter somnianl) d’un cerbère à trois têtes, d’un Dieu tripartite. » Restitutio, p. 119.

Michel part d’un principe a priori : le dogme antitrinitaire, l’unicité de Dieu, mais d’un Dieu conçu à la façon du néoplatonisme : « L’essence de toutes choses est Dieu même et toutes choses sont en Dieu. » De Trin., p. 102. Et encore : « Dieu est partout, plein de l’essence de toutes choses. Il contient en soi l’essence de toutes choses, de telle façon que, par sa seule essence, sans autre chose créée, il peut se montrer à nous comme feu, comme air, comme pierre, comme aimant, comme verge, comme fleur, comme quoi que ce soit… Dieu dans le bois est bois, dans la pierre est pierre, ayant en lui l’être (esse) de la pierre, la vraie substance de la pierre. » Lettre VI, dans Restitutio, p. 588. Ainsi « Dieu est dit « essentiant » (essentians) les essences, pour que celles-ci en essentient d’autres ». Le Christ est le dispensateur de la lumière ; l’envoyant de sa substance, envoyant l’esprit de sa substance. Id., p. 128. C’est le principe néoplatonicien du Logos. Cf. Trechsel, Michel Servet und seine Vorgânger nach Quellen und Urkunden dargestellt, 1839 (i OT vol. de l’ouvrage, Die protestant ischen Antitrinitârier vor Faustin Socin, Heidelberg, 1839, t. II, 1844). Voir aussi Doumergue, op. cit., t. vi, p 228 sq. C’est un panthéisme qui s’affiche avec d’autant plus do naïveté qu’il croit servir la cause du christianisme. Chauvet, Élude sur le système théologique de Servet, Strasbourg, 1807, p. 36. Cf. Emerton, dans Harvard theological Review, avril 1909. Ainsi le Christ est vraiment, visiblement et corporel lement engendré (genilus) de la substance de Dieu le Père et de la Vierge comme mère. Restitutio, lettre vi, p. 589. Il n’est pas Dieu, mais il