Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/121

Cette page n’a pas encore été corrigée

1771

    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. LES DOCTRINES ANTITRINITAI RES

1772

des deux : lequel est une personne troisième de la Trinité en ordre, d’une même essence et majesté et gloire avec le Père et le Fils, étant vrai et éternel Dieu, comme nous enseignent les Écritures saintes. P. 192.

2. La Confession de La Rochelle, adoptée à Paris en 1559 :

Art. 6 : Cette Écriture sainte nous enseigne qu’en la seule et simple essence divine que nous avons confessée, il y a trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit : le Père, première cause et origine de toutes choses ; le Fils, sa parole et sagesse éternelle ; le Saint-Esprit, sa vertu, puissante et efficace ; le Fils éternellement engendré du Père, le Saint-Esprit procédant éternellement de tous deux ; les trois personnes non confuses, mais distinctes ; et toutefois non divisées, mais d’une même essence, éternité, puissance et qualité. Et en cela nous avouons ce qui a été déterminé par les conciles anciens et détestons toutes les sectes et hérésies qui ont été rejetées par les saints docteurs, comme saint Hilaire, saint Athanase, saint Ambroise et saint Cyrille. Op. cit., p. 145-146 ; cf. a. 7, p. 146-147.

Théologie scripturaire. —

On l’a déjà constaté par la position prise par Luther et Calvin, la spéculation tient une place infime dans la théologie trinitaire des réformateurs : c’est dans l’Écriture qu’ils cherchent l’exposé du dogme. Tout comme les théologiens catholiques de leur époque, les protestants affirment trouver dans l’Ancien Testament une révélation certaine de la Trinité. Georges Calixte (1614-1656), qui fit fleurir à Helmstedt le goût des études philologiques et historiques, osa présenter quelques observations, assez timides d’ailleurs, contre les procédés de l’exégèse traditionnelle. Num mysterium S. Trinitatise solius V. T. libris demonstrari possil ? Helmstedt, 1649. Dans le camp orthodoxe, ces observations soulevèrent des tempêtes. Cf. Calov, Scriptura V. T. Trinitatis revelalrix, Wittemberg, 1680 ; Pfeiffer, Dissertatio Trinitatem personarum in unitale Dei ex oraculis V. T. probans, Erlangen, 1743.

Mais c’est de toute évidence dans le Nouveau Testament que les protestants, comme les catholiques, vont chercher la révélation précise du mystère. Et, tant que le protestantisme demeure orthodoxe, il reste fidèle à l’exégèse traditionnelle et voit dans la révélation du Fils et du Saint-Esprit la révélation de trois personnes divines distinctes et inséparables dans l’unité de leur nature commune et identique. Cf. Martensen, Dogmatique chrétienne (tr. fr. Ducros), Paris, 1879, p. 173 sq. ; p. 367 sq. ; p. 505 sq.

Aujourd’hui encore, cette exégèse subsiste, non pas, hélas ! chez tous, mais chez un certain nombre d’auteurs qui semblent vouloir réagir contre les libertés excessives prises par la grande majorité des théologiens protestants à l’égard de nos textes inspirés. On pourra juger plus loin de la gravité de ces écarts. On est quelque peu réconforté de constater que la Conférence mondiale de Lausanne (août 1927) s’est déroulée sur une base trinitaire nettement affirmée. Non seulement, on y admit à plusieurs reprises les formules traditionnelles, mais plusieurs commissions entendent se référer purement et simplement au symbole des Apôtres et à celui de Nicée. La seule restriction apportée est celle des orthodoxes orientaux au sujet du Filioque. Cf. Foi et constitution, Actes officiels de la Conférence mondiale de Lausane (3-21 août 1927), par J. Jézéquel, Paris, 1928, passim et surtout p. 538-539. Mêmes constatations à la Conférence universelle d’Edimbourg, 3-18 août 1937, rapport (en français), Winchester-New-York, 1937, p. 32. Mais on est pleinement rassuré en lisant des ouvrages comme le commentaire de M. Louis Bouyer, Le quatrième évangile, Paris, 1938. L’étude des textes conduit l’auteur à professer explicitement la divinité du Verbe incarné, dans lequel nous ne pouvons voir « ni un Dieu diminué, ni un homme incomplet », p. 108. La divinité du Saint Esprit, cet « autre », le Paraclet, p. 219, ne ressort pas moins du quatrième évangile. Et l’auteur rejoint la théologie catholique sur l’habitation de la Trinité dans l’âme juste : « Le but de l’œuvre de Jésus, dit-il, est de créer une société d’amour entre les personnes divines et les fidèles : c’est aux disciples que le Christ ressuscité se manifestera parce qu’il meurt et ressuscite pour que, par le Saint-Esprit répandu dans leurs cœurs, ils soient réunis au Père dans le Fils et que toute la Trinité divine fasse sa demeure chez les hommes », p. 221 ; cf. p. 241.

II. LES DOCTRINES ANTITRINITAIRES. —

Les doctrines antitrinitaires se manifestèrent dès le début du protestantisme. C’est, au fond, un mouvement rationaliste s’originant à une interprétation rationaliste de l’Écriture. La tendance déjà indiquée chez Luther et Calvin de considérer la Trinité par rapport à nous, d’une manière « économique », selon l’expression adoptée par beaucoup d’auteurs protestants, incite à n’attribuer à la triade scripturaire qu’une valeur relative à l’histoire de notre rédemption et non une valeur ontologique : « Le Nouveau Testament, dit-on, n’établit pas de distinction hypostatique entre le Père et le Fils d’une part, et le Saint-Esprit de l’autre ; il n’enseigne pas la personnalité distincte et indépendante de l’Esprit, puisque celui-ci n’est que Dieu ou le Seigneur glorifié, vivant et agissant dans les âmes, y déployant sa force, y répandant ses dons. Ce résultat semblera plus vraisemblable encore si l’on songe que le génie hébraïque n’aimant pas l’abstraction est naturellement porté à personnifier les forces ou les attributs divins, en sorte que les passages qui attribuent à l’Esprit un rôle personnel peuvent s’expliquer parfaitement par ces personnifications si fréquentes dans la Bible. » P. Lobstein, art. Trinité, dans YEncycl. des sciences relig. de Lichtenberger, t.xii, p. 214. Quant au Fils, il suffit de n’attribuer aux textes affirmant sa divinité qu’une valeur relative, pour aboutir à la négation de sa personnalité divine. Voir Jésus-Chhist, t. viii, col. 1370sq. Etl’on conclut avec sérénité : « Sans doute, le Nouveau Testament nous parle du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; mais son enseignement ne diffèrc-t-il pas de celui de l’Église ? Attribue-t-il la divinité métaphysique et la préexistence éternelle au Fils de Dieu, qui serait par conséquent absolument égal au Père ? Conçoit-il le Saint-Esprit comme une personne distincte du Père et du Fils et procédant de l’un et de l’autre ? C’est ce que l’on conteste, et il est évident que la négation de la divinité de Jésus-Christ et de la personnalité du Saint-Esprit emporte comme conséquence nécessaire la négation de la trinité elle-même dans le sens que l’Église attache à cette doctrine. D’ailleurs, alors même que les éléments de la doctrine trinitaire se trouveraient dans le Nouveau Testament, les écrivains sacrés nous parlent de la trinité révélée dans ses rapports avec l’histoire de notre rédemption, non pas de la trinité en soi et considérée en Dieu même : or, s’ils se taisent sur le rapport immanent des personnes divines, ne faut-il pas en conclure qu’il y a une différence sensible entre la triade religieuse de la révélation chrétienne et la trinité spéculative de la métaphysique chrétienne. » P. Lobstein, art. cit., p. 227. Sans doute, tout en partant du même principe, certains auteurs pensent pouvoir garder encore quelque chose de la triade métaphysique. Voir Bonifas, Revue théologique de Monlauban, 1878-1879, p. 60 sq. Mais la position scripturaire indiquée par Lobstein est bien celle qui a dicté toutes les négations antitrinitaires, sous quelque forme que ce soit.

Avant Michel Servet. —

L’humanisme érudit et littéraire poussa dès le début de la Réforme certains individus, impatients des limites où les réformateurs