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1553 TRINITÉ. L’A. T., L’ESPRIT DE DIEU 1554


3° L’Esprit. —

La croyance à l’Esprit de Dieu se manifeste la première. Il n’est pas certain que, dans le récit de la création, Gen, i, 2, il s’agisse d’autre chose que du vent qui souffle en rafale sur les eaux primitives, bien que les Psaumes qui reprennent ou commentent ce récit fassent ici intervenir l’Esprit de Dieu : « Tu caches ta face : ils sont tremblants ; tu leur retires ton Esprit : ils expirent et retournent dans leur poussière, lu envoies ton Esprit, ils sont créés et tu renouvelles la face de la terre. » Ps., civ, 29-30. « Les ciciix ont été faits par la parole de Jahvé et toute leur armée par l’esprit de sa bouche. » Ps., xxxiii, 6. L’Esprit est un souille, dont la nature n’est pas autrement précisée. Il sort de la bouche de Jahvé, et c’est lui qui vivifie : telle est sa fonction spéciale. On peut ici rappeler encore la célèbre vision d’Ezéchiel. Sur les ossements desséchés, le prophète a une première fois parlé au nom de Jahvé et les os se sont rapprochés les uns des autres ; il leur est venu des nerfs, la chair s’est reformée et la peau a recouvert le tout, mais il n’y a pas encore d’esprit. « Alors Jahvé me dit : Prophétise et parle à l’Esprit ; prophétise, fils de l’homme, et dis à l’Esprit : « Ainsi parle le Seigneur Jahvé : Esprit, viens « des quatre vents, souille sur ces morts et qu’ils revivent. » Je prophétisai selon l’ordre qu’il m’avait donné. Et l’Esprit entra en eux et ils reprirent vie, et ils se tinrent sur leurs pieds : c’était une armée nombreuse, très nombreuse. » Ez., xxxvii, 9-10. Est-ce de l’Esprit de Dieu qu’il s’agit ici ? Est-ce de l’esprit vital qui anime l’homme ? Il est difficile de le dire, car le prophète ne précise rien et il ne faut pas chercher à être plus précis que lui : ce qui est sûr, c’est que les ossements desséchés reprennent vie, dès qu’a soufflé sur eux un esprit qui vient de Jahvé.

Vivifiant toutes choses, l’Esprit de Jahvé est aussi l’auteur des œuvres les plus manifestement divines, spécialement celui de l’inspiration prophétique : si Joseph peut interpréter les songes de Pharaon, c’est qu’il est plein de l’Esprit de Dieu. Gen., xli, 38. Les soixante-dix vieillards, choisis pour aider Moïse dans sa tâche, reçoivent de l’Esprit qui est sur Moïse et qui est aussi mis sur eux. Num., xi, 17. Lorsque le lion de Timnatha se jette sur Samson, l’Esprit de Jahvé saisit Samson, et celui-ci déchire le lion comme un chevreau. Jud., xiv, 6. Lui aussi, Gédéon est revêtu de l’Esprit de Jahvé et il entraîne ses soldats à la victoire, Jud., vi, 34 ; Saül est saisi par l’Esprit de Jahvé et sa colère s’enflamme contre les Ammonites. 1 Reg., xi, 6.

On voit clairement, dans l’histoire de Saül, le rôle de l’Esprit sur les âmes : dès le jour de sa consécration, Samuel promet à Saul que l’Esprit de Jahvé le saisira, qu’il prophétisera et qu’il sera changé en un autre homme. I Heg., x, 6. Saül prophétise en effet ; et, tout le long de sa carrière, nous le trouvons en proie à des transports qui le font en quelque manière sortir de lui-même et lui donnent une physionomie nouvelle. Le texte sacré distingue parfois entre l’Esprit de Jahvé qui s’éloigne de Saül et l’esprit mauvais, venant de Jahvé, qui se saisit alors de lui, IBeg., xvi, 14 : cette distinction (lui semble inspirée par un scrupule théologique, ne doit pas être primitive ; tout ce qui manifeste chez l’homme des activités anormale s est attribué d’abord à l’Esprit de Jahvé, que ce soit bon ou que ce soit mauvais, parce que Jahvé ne se distingue pas de son Esprit et qu’il est lui-même l’auteur de tout ce qui vient à l’existence.

Les prophètes et plus tard les justes sont eux aussi remplis de l’Esprit de Jahvé : c’est cet Esprit qui pousse Ezéchiel à promulguer ses oracles : « Jahvé me dit : « Fils de l’homme, tiens-toi sur tes pieds et je te « parlerai. » Dès qu’il m’eut adressé ces paroles, l’Esprit entra en moi et nie fit tenir sur mes pieds et j’entendis celui qui me parlait. » Ez., ii, 2. « Il me dit (encore) : « Fils de l’homme, reçois dans ton cœur et écoute de tes « oreilles toutes les paroles que je te dirai… » et l’Esprit m’enleva et j’entendis derrière moi le bruit d’un grand tumulte. » Ez., iii, 10, 12. Dans les psaumes, le fidèle s’adresse ainsi à Dieu : « O Dieu, crée en moi un cœur pur ; renouvelle en moi un esprit bien disposé. Ne me rejette pas loin de ta face ; ne me retire pas ton Esprit-Saint. » Ps., li, 12-13. Et ailleurs : « Enseigne-moi à faire ta volonté, car tu es mon Dieu ; ton bon Esprit me placera dans la terre de justice. » Ps., cxiii, 10.

Très spécialement, le Messie doit être rempli de l’Esprit de Jahvé et Isaïe insiste sur ce point : « Un rameau sortira de la tige de Jessé ; un rejeton poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit de Jahvé, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Jahvé, et il respirera la crainte de Jahvé. » Is., xi, 1-2. La seconde partie de la prophétie d’Isaïe n’est pas moins explicite : « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui mon âme se complaît. J’ai mis sur lui mon Esprit ; il exposera aux nations la loi. On ne l’entendra pas crier, ni parler haut, ni élever la voix sur la place publique ; il ne brisera pas le roseau froissé ; il n’éteindra pas la mèche fumante ; il exposera fidèlement la loi ; il ne sera pas fatigué ni lassé jusqu’à ce qu’il ait établi sur la terre la loi, et les îles attendent sa doctrine. » Is., xlii, 1 sq. Et plus loin : « L’Esprit du Seigneur Jahvé est sur moi, car Jahvé m’a consacré par son onction. Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux malheureux, panser les cœurs meurtris, annoncer aux captifs la liberté, aux prisonniers la délivrance. » Is., lxi, 1.

Aux jours messianiques, le Messie ne sera pas seul à être comblé par les dons de l’Esprit. Bien au contraire, ce sera l’un des signes de son avènement que la merveilleuse effusion de ces dons sur toute chair : « Je répandrai mon Esprit sur toute chair, annonce le Seigneur dans Joël ; et vos fils et vos filles prophétiseront ; et vos vieillards auront des songes et vos jeunes gens auront des visions. Sur les esclaves aussi et sur les servantes, en ces jours-là, je répandrai mon Esprit. » Joël, iii, 1-2. « L’Esprit d’en haut sera répandu sur Israël, le désert sera changé en verger et le verger en forêt ; et dans le désert le droit habitera et la justice dans le verger. » Is., xxxii, 15. « Je leur donnerai un seul cœur ; je mettrai en eux un Esprit nouveau ; j’enlèverai leur cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair, afin qu’ils marchent dans mes commandements et qu’ils gardent mes jugements. » Ez., xi, 19 ; cf. xxxvi, 26.

Tous ces textes et ceux qu’il serait facile de signaler encore dans l’Ancien Testament témoignent d’une doctrine très cohérente. Nous apprenons par eux que Jahvé communique son Esprit pour vivifier et pour illuminer, qu’il agit sur les hommes par le moyen de son Esprit et que les prophètes ou même simplement les justes, sont remplis de l’Esprit de Jahvé. Mais, nulle part, cet esprit n’est représenté comme une personne ; il n’agit pas par lui-même, il ne possède en propre aucune vertu ; il est inséparable de Jahvé. On pourrait tout aussi bien dire que Jahvé fait parler les prophètes ou qu’il donne la vie aux créatures. Si l’on parle plutôt de l’Esprit, c’est par analogie avec le souffle vital qui manifeste chez les animaux et chez Us hommes la présence de la vie. Lui aussi, Jahve. le grand vivant, a un Esprit de vie ; il lui suffit de souffler pour se manifester et, dans certains psaumes, le vent de la tempête est en effet la manifestation caractéristique de Jahvé, comme le fracas du tonnerre tel sa voix. Ps., xxix, 8-9. il faut rappeler toutefois que le vent ne saurait être qu’une image insuffisante de l’activité vivifiante et illuminante du Seigneur : dans l’histoire d’Elie, Jahvé ne se révèle au prophète ni