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ZWINGLIANISME. INFLUENCE DE ZWINGLI

l’âme, autrement dit : la relation à Dieu a un envers, et le « je » est attiré par le Père. Or Zwingli entend bien ne pas séparer la foi du reste de l’attitude religieuse et de la psychologie du sujet : il est donc conduit à rationaliser l’expérience religieuse elle-même, à réduire à l’essentiel les objets de foi et à tenter de rendre ce minimum perméable à la raison. Son rationalisme procède de là : il est chez lui conséquence plutôt que principe, et le principe est tout opposé : spiritualisme, mysticisme. De la sorte, le rationalisme zwinglien se distingue de celui du xviiie siècle et de l’Aufklärung, avec lequel on est tenté parfois de le confondre.

Et cependant Zwingli est moderne. Sans aller jusqu’à dire avec A. Schweizer : « Son esprit moderne l’a rendu capable de préparer les sains développements du temps à venir et partiellement de les prévoir » (Zwinglis Bedeutung neben Luther, dans Festrede zum 400 jähr. Geburtstage Zwinglis, p. 13), on doit reconnaître qu’il y a chez lui, dans la manière même d’aborder le problème religieux, un tour moderne. La théologie ne saurait faire abstraction de la psychologie religieuse du croyant (cf. Prof. L. M. Werner, Die Bedeutung Zwinglis für den Aufbau einer moderner Dogmatik, dans Schweizerische theologische Rundschau, n. 7, 2 juillet 1932, p. 97-110).

Par ailleurs, son souci, qu’il partageait avec Bucer, de mettre fin aux controverses en distinguant entre les articles de foi et en faisant porter l’entente sur l’essentiel, fait de lui le précurseur de l’œcuménisme. — La politique est sans doute la partie caduque de son œuvre (cf. P. Burckhardt, Die Katastrophe der Zwinglischen Polilik, dans Schweizerische theologische Zeitschrift, 1909, 26. Jahrg., p. 1-12) ; en revanche, on se plaît à relever la portée toujours actuelle de sa sociologie : Zwingli avait le sens du peuple, Il était du côté du laïcat ; modéré de tendance, il savait faire droit à l’autorité (cf. O. Farner, Zwinglis Bedeutung für die Gegenwart, Zurich, 1919 ; voir aussi : Huldrych Zwingli, von götllicher und menschlicher Gerechtigkeil. Sozialpolitische Schriften für die Gegenwart ausgewählt und eingeleitet von Leonard von Muralt und Oskar Farner, Zurich, 1934).

Ceci même nous amène à traiter de l’influence de Zwingli.


IX. Influence de zwingli. — 1° Il est naturel de commencer ici par Zurich, qui a été le point d’appui de son œuvre réformatrice. Le moment « prophétique » a passé avec Zwingli, et peut-être la figure de celui-ci a-t-elle été vue trop à travers la personne de son successeur et historien : H. Bullinger. Ainsi s’explique aussi en partie le durcissement de la doctrine, le biais rationaliste. Néanmoins, le christianisme réformé de Zurich et de la Suisse orientale a gardé la marque que lui a imprimée Zwingli, notamment pour la liturgie, la constitution, la discipline et les institutions ecclésiastiques, l’éthos chrétien (cf. Sal. Hess, Ursprung, Gang und Folgen der durch Ulrich Zwingli in Zürich bewirkten Glaubens-Verbesserung und Kirchen-Reform, 1819, et les ouvrages cités par W. Köhler, Der Erbe Zwinglis in der Gegenwart, dans Zwingliana, t. iii, 1915, p. 222).

De Zurich partent de nombreux rayons, du vivant même de Zwingli : au Nord-Ouest, ils vont jusqu’à Gand et Paris ; au Nord, jusqu’à Cologne et la Frise ; à l’Est, ils atteignent Francfort ou Marburg ; au Sud-Ouest, Lyon ; au Sud-Est enfin, Côme, Milan et Ferrare, sans compter les villes de l’Allemagne du Sud, qui rentrent dans l’orbite de Zurich (cf. la carte de l’expansion du zwinglianisme au Musée Zwingli, à Zurich). Zwingli a cherché à faire échec au luthéranisme en gagnant à ses Idées Philippe de Hesse. Sa lettre du 21 novembre 1519 prélude à la réforme de la constitution de cette Église et à l’introduction des synodes. Les résultats que Bucer a obtenus ensuite concernant la discipline ecclésiastique viennent de Zwingli et s’étendent au delà des frontières territoriales de ce « pays » (cf. W. Köhler, Die Wirkung und Bedeutung Zwinglis, dans Huldreich Zwingli. Die Schweiz im deutschen Geistesleben, Leipzig, 1923, p. 79 sq. ; W. Rotscheidt, Zwinglis Nachwirkungen in der reformierten Kirche, dans Reformierte Kirchenzeitung, 1912, n. 1).

2° C’est sans doute par la Hesse que l’influence zwinglienne, s’infiltrant dans la vallée du Rhin inférieur, parvint jusqu’en Hollande (sur Zwingli et la Hollande, cf. M. A. Gooszen, rec. dans Zwingliana, t. ii, 1910, p. 386 ; A. Eckhof, Zwingli in Holland, ibid., t. iii, 1918-1919, p. 370-384). Dans un mandat de 1529, Charles V défend l’achat ou la vente des ouvrages de Zwingli ; depuis 1538, on a pendant deux siècles et demi inculqué aux enfants des Pays-Bas que Zwingli était le réformateur, et les témoignages ne manquent pas qu’il était très lii, en dépit de l’interdit qui le frappait. Cependant A. Schweizer dénie qu’il y ait une connexion quelconque entre arminianisme et zwinglianisme.

W. Köhler a cru pouvoir relever dans le culte et la constitution de l’Église luthérienne elle-même de Hollande des traces de l’influence de Zwingli (cf. Wirkung Zwinglis auf das niederländische Luthertum, dans Zwingliana, t. iii, 1917, p. 268-270). Ajoutons d’ailleurs, pour être juste, que l’influence qu’il exerçait à l’étranger, en Hollande surtout, Zwingli la partageait avec Bullinger (cf. W. Köhler, Wirkungen Zwinglis und Bullingers auf das Ausland, dans Zwingliana, t. iii, 1913, p. 24-27).

3° L’Angleterre a traduit et imprimé de bonne heure les ouvrages de Zwingli. Nous avons un indice que vers 1550 on les lisait encore (cf. G. Finsler, Zwinglis Schrift « Eine Antwort Valentin Compar gegeben », von England auszitiert, dans Zwingliana, t. iii, 1914, p. 115-117). La traduction anglaise de la Bible de W. Tindale (1526) se sert de la Bible zurichoise. D’après W. Köhler, Zwingli serait à l’origine de certains traits du mouvement puritain (cf. Die Fernwirkung Zwinglis, dans Neue Zürcher Zeitung, Il octobre 1931). Par ailleurs il agit, fût-ce par l’entremise de Bucer, sur la formation du Prayer Book, notamment sur le Service de Communion de 1552-1662 (cf. Canon Verney Johnstone, The Story of the Prayer Book, Londres, 1949, p. 39 sq.). La conception théocratique chère à Zwingli a inspiré aussi certaines particularités du christianisme d’État anglo-saxon (cf. H. Kressner, Schweizer Ursprünge des anglikanischen Staatskirchentums, dans Schriften des Vereins für Reformationsgeschichte, n. 168, 1941).

De nos jours, signalons qu’une traduction anglaise des œuvres de Zwingli a été entreprise par S. M. Jackson (cf. Zwingliana, ii, 1912, p. 510 ; comp. en français : A. Bouvier, Ulrich Zwingli d’après ses œuvres, trad. franc, de quelques extraits de ses ouvrages, dans Revue de théologie et de philosophie, Lausanne, 1931, p. 205-232).

En Italie du Nord, le zwlngllanlsme avait poussé des pointes hardies : ses succès furent sans lendemain (cf. W. Köhler, Zwingli und Italien, dans Aus fünf Jahrhunderten schweizerischer Kirchengeschichte. Festschrift zum 60. Geburtstag von Paul Wernte, hrsg. von der Theol. Fak. der Universität Basel, Bâle, 1932, p. 22-23).

4° Le nom de Bucer a été déjà plusieurs fols mentionné. On ne saurait omettre de souligner les liens étroits qui existaient au moment de la Réforme entre Zurich et Strasbourg (cf. A. Erichson, Ulrich Zwinglt und die elsässichen Reformatoren, Strasbourg, 1884 ;