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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. LES PREMIERS RÉFORMATEURS

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xixe siècle en Allemagne et en Italie et, plus tard, en France, ce qui provoqua l’intervention du magistère, principalement sous Pie IX et sous Pie X. On étudiera donc :

1° la permanence des cadres traditionnels chez les premiers réformateurs ;

2° les doctrines antitrinitaires ;

3° les interprétations philosophiques ;

4° l’adaptation moderniste protestante ;

5° le semirationalisme catholique et les interventions de l’Église ;

6° le modernisme catholique et la condamnation de Pie X.

I. PERMANENCE DES CADRES TRADITIONNELS CHEZ LES PREMIERS RÉFORMATEURS.

1° La pensée de Luther a été formulée dans les articles de Smalkalde, a. 1, i. Elle s’exprime parfaitement dans le texte du Petit catéchisme, divisant le symbole en trois articles, « le premier qui parle de Dieu le Père et de l’œuvre de la création ; le deuxième, de Dieu le Fils et de l’œuvre de la rédemption ; le troisième, de Dieu le Saint-Esprit et de l’œuvre de sanctification ». Joh. Tob. Muller, Z>/e symbolische Bûcher, p. 299. On saisit immédiatement la portée de cette profession de foi : elle est pratique en même temps que spéculative ; pratique en tant que le dogme s’exprime en fonction des relations de Dieu à sa créature, création, rédemption et sanctification. Ce double point de vue est développé dans le Grand catéchisme, ii, § 63-66. Millier, op. cit., p. 459-460. On aurait tort de ne vouloir retenir que le point de vue pratique, pour justifier, par un rapprochement tendancieux, les interprétations purement « économiques » que nombre de protestants ont données, au cours du siècle dernier, au mystère de la Trinité. Cf. P. Lobstein, Essai d’une introduction à la dogmatique protestante, Paris, 1896, p. 224 sq., et surtout, p. 226, note 2.

Mélanchthon, dans la première rédaction de ses Loci, avait traité fort sommairement le dogme trinitaire, trop étranger aux vérités religieuses, que la Réforme prétendait remettre en lumière. Ma’s les attaques des antitrinitaires ainsi que les nécessités d’une systématisation théologique l’incitèrent à donner une place plus large au mystère de la Sainte-Trinité dans les éditions postérieures. L’exposé de Mélanchthon, qu’on retrouve plus résumé dans la Confession d’Augsbourg, a. 1, présente, dans les Loci, une justification tirée de l’analogie psychologique déjà invoquée par saint Augustin, analogie qu’à l’exemple d’Augustin lui-même et des grands scolastiques, il élargit en lui donnant une portée spéculative. Corp. Reform., t. xxi, col. 258, 615, 629-630 ; cf. Enarr. symboli Niceni, t. xxiii, col. 235 ; Postilla, t. xxv, col. 19. Dans l’âme, il y a l’esprit, la pensée, le principe du mouvement. Le Père est comme l’esprit ; le Fils est l’image du Père engendrée par la pensée ; le Saint-Esprit est le mouvement. In ep. ad Col., iii, t. xv, col. 1274. Comme Luther, Mélanchthon cherche à donner une portée pratique à cette vérité spéculative : « L’Écriture, dit-il, nous enseigne la divinité du Fils d’une manière non seulement spéculative, mais pratique : nous devons invoquer le Christ, nous confier à lui et lui rendre ainsi l’hommage dû à la divinité. Il est plus expédient de considérer ces devoirs que de disputer sur la nature (de Dieu). Dans cette invocation, dans ces exercices de foi, nous arrivons à une meilleure connaissance de la Trinité que par des spéculations oiseuses qui envisagent les relations des personnes entre elles et non leurs rapports avec nous. » Corp. réf., t. xxi, col. 367 ; cf. col. 608-609, 612. Voir aussi Apol. confes., iii, 20, Mûller, op. cit., p. 90. Cette portée pratique et cette insistance de Mélanchthon à éliminer du dogme les discussions purement spéculatives ne suppriment en rien la réalité objective du mystère. Il est nécessaire de le souligner, comme tout à l’heure pour Luther.

Zwingle est plus exclusivement fidèle aux formules spéculatives, encore que le dogme de la Trinité n’ait été envisagé par lui que très accidentellement. Voir surtout Fidei ratio, I (1530) et l’ouvrage posthume (1536), Christ ianæ fidei exposilio, § 21-22, dans Zwinglii opéra, t. iii, Zurich, 1832. La distinction des personnes dans l’unité de l’essence semble avoir pour lui moins de portée pratique que pour Luther et pour Mélanchthon. Pour Zwingle, ce que nous attribuons au Père, au Fils et au Saint-Esprit se rapporte à la diinité unique indivisible. L’Écriture Sainte attribue au Père la puissance ; au Fils, la grâce et la bonté ; au Saint-Esprit la vérité. Mais c’est l’Être éternel et souverain qui est, par sa nature même, tout puissant, absolument bon et vérité parfaite.

En tout cela, rien que de très orthodoxe, encore que les antitrinitaires aient pu en déduire la non-distinction des personnes.

4° Mais c’est Calvin qui nous a laissé l’exposé le plus complet de la doctrine trinitaire. Sa pensée, au contact des controverses, semble accuser une certaine modification, non quant à la doctrine elle-même, mais quant à la manière de la présenter. D’abord plutôt spéculative, elle fait ensuite une place à l’expérience religieuse. Mais cette expérience religieuse n’a rien de commun avec celle de Schleiermacher.

1. Exposé.

La doctrine trinitaire de Calvin est renfermée dans l’Institution, t. I, c. xiii, Corp. Reform., t. xxxi, col. 144-189. Cette doctrine est conforme aux exigences du dogme catholique. Mais, au moment de la deuxième rédaction de cet ouvrage (1539), Michel Servet avait déjà publié (1531) son De Trinitatis erroribus. Il s’agissait donc de défendre le dogme attaqué. Calvin ne s’y prit pas autrement que les catholiques. Les preuves du mystère, il les trouve d’abord dans l’Écriture, accueillant même comme démonstratifs les textes de l’Ancien Testament que citaient encore à son époque les catholiques. Le chapitre est d’ailleurs intitulé : « Qu’en l’Escriture nous sommes enseignez dès la création du monde, qu’en une seule essence de Dieu sont contenues trois personnes. » Les principales preuves scripturaires sont, de toute évidence, prises dans le Nouveau Testament, là où il est question de la venue du Verbe en notre chair et des promesses de salut que Jésus nous donne par le Saint-Esprit. Ces textes sont classiques. Affirmer que Calvin atteint le Dieu trinitaire a posteriori, que la Trinité est chez lui un postulat de l’expérience religieuse de la sotériologie, c’est avancer une interprétation de sa pensée pour le moins discutable. Personne n’affirme a priori un mystère qu’on ne peut connaître que par révélation. Si Calvin, à plusieurs reprises, parle de l’expérience religieuse des apôtres ou même de notre expérience personnelle, il s’agit simplement de. cette expérience qui, en vue de notre salut, nous oblige à trouver, dans le Christ, tel que l’Évangile nous le révèle, le médiateur nécessaire auprès de Dieu. L’expérience personnelle ne nous fait pas par elle-même découvrir le mystère ; elle nous fait mieux comprendre les affirmations de l’Écriture. Voir Institution, loc. cit., n. 13, 14. C’est donc en ce sens qu’il est dit dans le Catéchisme de 1537-1538 : « L’Escripture et l’expérience mesme de piété nous monstre en la très simple essence de Dieu le Père, le Filz et son Esprit ». Voir une interprétation légèrement tendancieuse dans Doumergue, Jean Calvin, les hommes et les choses de son temps, t. iv, Lausanne, 1910, p. 92-93.

Calvin accepte pleinement (à l’exception peut-être du Dieu de Dieu du symbole de Nicée, en raison des abus que faisaient de cette expression les antitrinitaires ) la terminologie traditionnelle, adoptée par les Pères et les anciens conciles, rien ne devant nous empêcher « d’exposer par mots plus clairs les choses