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ZWINGLIANISME. OUVRAGES EUCHARISTIQUES


mais à quoi bon se livrer à une exégèse si minutieuse, alors qu’a priori toute interprétation littérale et réaliste des paroles de l’institution est exclue ?

c) Le Subsidium sive Coronis de eucharistia (17 août 1525 ; C. R., iv, 440 sq.), qui fait pendant au Taufbùchlein, répond aux objections du catholique J. am Griit. suscitées par le Commentaire ; il complète celui-ci pour la partie exégétique (Matth., xxvi, 29 ; xxvi, 27 ; Marc, xiv, 24), fait le récit de la controverse et s’arrête quelque temps à narrer le rêve dont Zwingli fut favorisé au lendemain de la conférence des Il et 12 avril, où le Conseil des Deux-Cents approuva les vues du réformateur et décréta l’abolition de la messe à Zurich. Une minorité s’était alors déclarée contraire : sans doute l’exégèse allégorique des paroles de l’institution était possible, mais était-elle certaine ? Les exemples cités par Zwingli étaient nettement paraboliques ; en revanche, le récit de l’institution avait un caractère historique. Il manquait visiblement une pierre à l’édifice que Zwingli avait péniblement élevé dans sa pensée depuis bientôt deux ans : la pierre de faite, pourrait-on dire, si l’on compare le ch. vi de saint Jean aux assises et les paroles de l’institution, entendues fig.rativement, aux murs de soutien.

Zwingli luttait encore à l’aube du 13 avril 1525 contre ses adversaires de la veille, quand un personnage céleste lui apparut et lui désigna le passage de l’Exode (xii, 11) : Est enim Phase, hoc est : transitus Domini (C. R., iv, 483, 14). Alors la clarté se fit dans son esprit : aucun doute n’était plus possible. Si le repas pascal juif signifiait le passage du Seigneur

— toute autre interprétation que la symbolique est ici exclue — on peut arguer a pari qu’il en était bien ainsi du : Hoc est corpus meum : Ceci (c’est-à-dire : ce pain ou ce rite) signifie (ou est le symbole de) mon corps qui va être livré pour vous, Pâque de la Nouvelle Alliance. Si l’on se rappelle que l’eucharistie a été instituée dans le cadre de la Pâque juive, en sorte que les deux institutions se correspondent point pour point (ibid., 486, 17), on ne peut se dérobera la force de l’argument. Les disciples eux-mêmes ont du l’entendre ainsi, alors que le don par le Christ de son corps et de son sang sous les espèces du pain et du viii, selon que le veut l’interprétation réaliste, leur eût été incompréhensible (ibid., 497, 3).

Cette révélation fait figure de deus ex machina ; en fait, elle est plutôt la projection au dehors de ce qui était latent dans la conscience de Zwingli. L’assimilation de l’eucharistie à la Pâque juive lui était doublement imposée : par son symbolisme, qui l’empêchait de discerner ce qu’il y avait de réellement nouveau dans la cène des chrétiens et le don qui en était le centre ; par le parallélisme des deux rites, eucharistique et baptismal. Déjà Zwingli avait, contre les anabaptistes, argué de la ressemblance du baptême et de la circoncision ; cette fois, contre catholiques et luthériens, il se prévaut du rapprochement : pâqueeucharistie. Ainsi s’achève l’intégration de l’idée de testament ou d’alliance (fendus) au système sacramentel, comme principe d’explication ; déjà on voit se dessiner les linéaments de ce qu’on appellera, à partir de Calvin, la théologie fédérale. (Cf. Emanuel Graf von Korff, Die Anfdnge der Fôderallheologie und ihre crslr Ausgestaltung in Zurich und Holland, Diss., Ronn. 1008 et {’, . Sfhrenk, Gotlesreich und Dund im àltcren Protestant ismus, Gûtersloh, 1923.) » Le sacrement de l’Alliance ou du Testament, si l’on entend par sacrement le signe extérieur principal de l’Alliance ou du serment, c’est le baptême ; mais si l’on considère cette Alliance et ce Testament dans leur accomplissement par la passion fin Christ, c symbole en est cette solennité (panegyris) où le pain et le vin sont dlstri I bues aux fidèles en action de grâces pour commémoj rer la mort du Christ » (C. R., iv, 501, 32).

d) Eine klare U nterrichtung vom Nachtmahl Christi (23 février 1526, C. R., iv, 773 sq.) fait œuvre apoloj gétique et de vulgarisation. Zwingli a à combattre sur [ un triple front : contre les catholiques, les luthériens

et les érasmiens, et il cherche à mettre le public de son

côté. Déjà il s’y efîorçait par ses prédications (cf. C. R., iii, 336, 25). Il part ici de la notion de sacrement, signe qui n’est pas à confondre avec la chose elle-même, et il montre que les paroles : Hoc est corpus meum n’ont pas le sens qu’on leur prête d’ordinaire. Il écarte l’interprétation facile qui prend l’Écriture à la lettre sans consulter la foi. Le sens obvie (verba sunt plana et aperta), n’est-ce pas le grand argument de Luther, qui capte les esprits ? Fausse lumière, prononce Zwingli. Le sens obvie, c’est celui qui a son fondement dans la vérité, c’est-à-dire la Parole de Dieu (C. R., iv, 800, 10). Ici encore le recours à Joa., vi, 63 s’impose. « Ce passage : la chair ne sert de rien est assez fort pour prouver que les paroles de l’Institution ne peuvent s’entendre du Corps essentiel » (ibid., 823, 12).

Avec ce traité, Zwingli introduit pour la première fois dans le débat la distinction des deux natures dans le Christ ; autant dire qu’il approfondit son symbolisme en l’étayant non plus seulement à l’aide du concept de foi, mais de la christologie. À l’ubiquité et à la communication des idiomes dont se prévalait Luther, il oppose la distinction absolue des deux natures et la localisation au ciel de la nature humaine du Sauveur. Attentif à saisir son bien partout, Zwingli est ici débiteur de Carlstadt, qui, le premier, avait mis en avant dans ce contexte la sessio ad dexteram Patris (cf. W. Kôhler, Zwingli und Luther, ut supra, p. 814). Zwingli l’insère dans la trame de son argumentation (cf. C. R., v, 798), et il trouve par là un point d’appui dans les grandes affirmations du symbole. Le corps du Christ ressuscité est monté au ciel, où désormais il règne (voir l’utilisation de Hebr., i, 3, C. R., xiii, 276, 14). Il n’en reviendra que pour le jugement ; il est erroné de l’en faire descendre prématurément sous les espèces eucharistiques. En même temps, Zwingli répond à ses adversaires qui l’accusaient de minimiser le pouvoir et la souveraineté du Christ (C. R., iv, S41, 1 sq. ; cf. cependant v, 687, 11), comme aussi d’attenter à la vérité de l’incarnation (C. R., v, 679, 6 sq. ; ibid., 905, 12). En proposant l’interprétation symbolique qui vise à raviver dans la pensée des fidèles le souvenir de la rédemption accomplie, Zwingli entend rester Adèle au Christ historique et le défendre contre toute sublimation mystique. 3. Il faut également faire état d’écrits de moindre envergure, dirigés contre des luthériens, qui, sur tel ou tel point, avaient cherché à prendre l’exégèse de Zwingli ou sa théologie en défaut : la Responsio ad cpislolam Joannis Tiugenhagii (23 octobre 1525 ; C. I ?., iv, 546 sq.) ; <t Theobaldi Billicani et Urbani Rhegii epislolas responsio (1 er mars 1526 ; ibid., 880 sq.) ; et surtout la réponse à Strauss : Antwort ilber Slrausscns Bùchlein (janvier 1527 ; C. R., v, 453 sq.). Ce sont là des escarmouches qui préludent à l’engagement avec Luther, qui, commencé avec V Arnica Exegesis (28 février 1527), culmina au colloque de Marburg (octobre 1529).

Zwingli y fait d’intéressantes révélations sur la manière dont il est venu à l’interprétation symbolique. Ainsi, au Poméranicn (Joh. Hugenhagen). il écrit qu’il a reconnu le trope dans les paroles de l’institution avant la diffusion des écrits de Carlstadt (octobre-novembre 1524), et il ajoute : Sed quo verbo tropum explicarem, non videbam. Non enim salis est, si dicas : i Hoc trapus est », nisi simul tropum per alia verba