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ZWINGLIANISME. OUVRAGES EUCHARISTIQUES


vin, 275 sq.) » la doctrine amorcée en 1523 prend son expression définitive et aucune ambiguïté n’est plus permise : Zwingli s’attaque à toutes les formes du réalisme eucharistique, catholique ou luthérien, môme à la forme tempérée où le mysticisme domine (Érasme).

Manifestement il a en vue ce que nous appellerions les déformations de la présence physique du Christ. Quoique, d’après W. Kôhler (Zwingli und Luther, 1923, p. 89, note), il connaisse des courants spiritualistes même dans le catholicisme, il est clair qu’il s’en prend à la manducation capharnaïtique du corps du Christ (C. R., iii, 780, 16 ; 789, 3 ; 791, 15, et passim). À l’opposé, il a beau jeu de soutenir la manducation spirituelle (C. R., iii, 339, 22, et passim). Par ailleurs, il se prononce contre la manducation sacramentelle (sacramentalis esus partis et oini : cf. C. R., iii, 343, 3 ; 352, 1). L’interprétation figurée lui permet de donner un sens plausible aux paroles de l’Institution ; cependant, à la différence d’Œcolampade (C. R., iv, 885 ; 858, 30), son attention se concentre moins sur les espèces, symbole du corps et du sang du Christ, que sur l’action ou le geste rituel lui-même (C. R., iii, 345, 27 : hoc enim, quod nuncfacereiubeo ; ibid., 40 : Hoc convivium significat, et surtout iv, 903, 17). C’est de lui, à proprement parler, que s’entend le Hoc est corpus meum. Voir cependant l’expression : symbolicus partis employée comme substitut du terme « sacrement » (du corps du Christ) (C. R., iii, 803, 28 ; 807, 21 ; 809, 9 ; iv, 493, 6 ; v, 645, 24 : symbolicus potus, etc.).

Mais il y a plus : Zwingli est également en réaction contre une fausse pratique sacramentelle catholique qui dissocie la réception de l’eucharistie de la vie morale du chrétien, de son comportement de membre du Christ, voire de son attitude civique (C. R., iii, 816, 25 ; iv, 858, 9 sq.). Ainsi, s’il entend faire ici œuvre de novateur, c’est en prenant la cène comme un élément de solidarité fraternelle, inscrite dans le terme de communio ou d’ecclesia (cf. C. R., iii, 348, 33 ; 801, 29 sq. ; 816, 25 ; 858, 9 sq. ; iv, 498, 12 ; 569, 3 ; v, 640, 23 ; 645, 32). L’accent se déplace donc du corps physique du Christ à son corps mystique (C. R., iii, 126, 5 ; 342, 15 sq. ; iv, 569, 23 ; 573, 13 ; v, 472, 2 ; 520, 22 ; 665, 4).

Cependant, à bien des égards, on peut considérer, dès la fin de 1524, l’opposition catholique comme surmontée (elle ne sera guère représentée dans la controverse que par Joachim am Grttt et Jakob Edlibach, C. R., v, 317 sq.), et Zwingli a désormais presque exclusivement en vue les tendances qui se dessinent au sein de l’évangélisme. Encore y a-t-il lieu de reconnaître avec W. Kôhler (Huldrych Zwingli, 1943, p. 181) une collusion entre les deux opinions : catholique et luthérienne, due en partie à la tactique de Jean Eck et du parti catholique : facteur non négligeable, car Zwingli dut ainsi doublement se défendre de « luthéraniser ». Cherchait-t-il un compromis avec l’opinion adverse, il voyait aussitôt se dresser l’ombre du catholicisme, entendez Vopus operatum, qui lui apparaissait comme le pôle opposé du symbolisme et à ce titre méritait avant tout d’être évité (C. R., v, 575, 13).

a) Dès la Lettre à Matthieu Alber (16 novembre 1524 ; C. R., iii, 322 sq.), il prend position en face de Carlstadt et de Luther (qu’il ne nomme pas). Il est désormais en possession de l’interprétation symbolique. Néanmoins, s’il sort de la réserve qu’il s’est imposée, il paraît encore mal assuré : « Encore que l’opinion que nous allons exposer nous plaise beaucoup, nous n’entendons rien définir, mais seulement avancer notre avis, afin que, si Dieu le juge bon, d’autres soient amenés à penser de même, grâce à l’Esprit qui nous enseigne tout » (C. R., iii, 342, 25).

Le texte de Joa., vi passe cette fois au premier plan ; il est pour lui « comme une avant-garde très forte et bien armée (ibid., 337, 4) ; « le bouclier par quoi nous pouvons éluder tous les traits » (ibid., 341, 31) ; « l’obstacle devant lequel s’arrêtent tous les efforts de ceux qui parlent du corps essentiel du Christ » (ibid., 14). Dans tout le passage du IVe évangile, il ne s’agit pas de manducation corporelle du Christ, mais seulement de la foi. Ainsi l’entendait aussi Luther. Mais Zwingli ne se contente pas d’une affirmation positive ; il entend donner à ce témoignage un sens exclusif (fides ergo opus est, quod beat, non corpus corporaliter edere, ibid., 340, 14). Aussi retient-il surtout le ꝟ. 63 : Caro non prodest quicquam (cf. ibid, , 341, 1 et passim). C’est par avance, dans la bouche même du Christ, le désaveu de toutes les interprétations réalistes de la présence.

Les paroles de l’institution viennent ensuite à titre de difficulté (ibid., 342, 11). Zwingli suit un ordre inverse de celui de Luther, et alors que celui-ci accentue les mots : Hoc est corpus meum — le fait qu’ils aient fourni à Marburg (1529) le status qumslionis est le signe qu’alors Luther avait barre sur Zwingli — Zwingli s’efforce d’en émousser la force, voire de les tourner. D’où deux procédés, l’un consistant à y voir une locution figurée et à remplacer est par significat (trope), l’autre à chercher dans les Synoptiques et saint Paul des leçons moins obvies ou susceptibles de détourner du réalisme. Ainsi l’anamnèse de Luc, xxii, 19 et de I Cor., xi, 26 suggère à Zwingli qu’il s’agit ici d’un rite purement commémoratif (ibid., 345, 24. 31). La consécration de la coupe dans Luc, xxii, 20, où la mention du sang est seulement indirecte, permet d’interpréter analogiquement les paroles de l’institution : si en effet, chez Luc, « ce breuvage puise la force du testament dans le sang du Christ », on peut dire par analogie avec Matth. et Marc. : « Cette manducation du Nouveau Testament est un symbole qui tient sa vertu de ceci que je me livre à la mort pour vous » (ibid., 346, 23). Mais c’est surtout I Cor., x, 14-22 qui est appelé à témoigner en faveur de l’interprétation zwinglienne (ibid., 347, 13 ; cf. iii, 801, 29 ; iv, 497, 21 ; v, 776, 29, etc.). Koivcovlot est ici à prendre non au sens actif de communion ou participation à la chair du Christ, mais au sens passif de communion ecclésiastique, comme l’indique le ꝟ. 17. Les fidèles qui mangent en commun ce pain attestent qu’ils sont les membres d’un même corps et se lient comme par serment, tanquam prsestito sacramento (C. R., iii, 349, 8), encourant de ce chef les obligations de la vie chrétienne (v, 777, 13). Faute d’y satisfaire, ils seront exclus ou s’excluent eux-mêmes de la communauté C’est ici le point d’insertion de l’excommunication (ibid., 349, 3 ; cf. C. R., IV, 25 sq. ; v, 727, 18, etc.).

b) Le Commentaire (C. R., iii, 773 sq.) reprend cette doctrine, mais en insistant sur le rôle de la foi, qui donne la clé de l’exégèse, qu’il s’agisse de Joa., vi ou des paroles de l’institution. « La foi elle-même dicte le sens de ce passage, écrit Zwingli à propos du premier, s’il est vrai qu’il n’y a qu’une seule voie de salut : croire que le Fils de Dieu est le gage infaillible de notre salut et lui faire confiance, de telle sorte que l’on n’attribue rien aux éléments de ce monde, c’est-à-dire aux choses sensibles quant à l’acquisition du salut » (ibid., 785, 3), et plus formellement : « La foi vient du Dieu invisible et elle tend vers le Dieu invisible, et donc elle est chose tout à fait éloignée du sensible. Tout ce qui est corps, tout ce qui est sensible, ne peut être objet de foi » (ibid., 798, 14). La conviction de Zwingli, qu’il y a opposition irréductible entre la foi et le domaine du sensible, dans lequel est compris le corps du Christ, est telle qu’on peut se demander :