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ZWINGLIANISME. LE BAPTÊME


baptême (exorcisme, usage de la salive, du sel), qu’ils jugeaient entachés de superstition (cf. C. R., iv, 247, 8). Mais il y a plus : ils en appelaient à l’Écriture et étaient partisans d’un biblicisme strict, dont ils avaient trouvé le premier exemple chez Zwingli.

2° L’exégèse de Zwingli dans la controverse baptismale. — Par réaction, Zwingli prend ses libertés à l’égard du texte sacré et tombe dans l’arbitraire le plus absolu. Il constitue son dossier scripturaire, comme les anabaptistes le leur (il cite surtout : Marc, xvi, 15-16 ; Matth., iii, 1 ; xxviii, 19-20 ; Luc, iii, 7-8, etc. ; cf. C. R., iv, 231, 3), et il dispose des évidences adverses avec une désinvolture stupéfiante. C’est ainsi que, dans le Commentaire, il traduit baptiser par « enseigner » (C. R., iii, 763, 11 ; 770, 35 ; 771, 8). De môme, la finale de Matth. cesse d’être le commandement donné aux apôtres de baptiser (Taufbefehl), pour devenir une simple indication que les baptisés sont consacrés à la Trinité : par là on passe d’un genre littéraire (ordre) dans un autre (narration historique), et le sens de ce texte qui parlait en faveur de l’adversaire est énervé (C. R., iv, 234, 9 sq. ; 267, 11). Là surtout où l’exégèse de Zwingli s’avère inadéquate, c’est dans son incapacité de rendre raison du réalisme sacramentel de passages tels que Joa., iii, 5 et Rom., vi, 3. (A l’inverse, Zwingli s’appuie sur 1 Petr., iii, 21.) C’est sur ces textes que S. Augustin et Luther lui-même se fondent pour enseigner l’efficacité Intrinsèque du signe sacramentel : eau et parole constituant une unité. À l’opposé, Zwingli, qui dans cette controverse pèche visiblement en eau trouble, s’applique à disséquer les éléments du baptême, et il attribue à ce vocable une multiplicité de sens, au nom même de la philologie (à Hubmaier il reproche son ignorance des langues, C. R., iv, 601, 4).

Il distingue donc, comme totalement hétérogènes : le baptême d’eau ou simple ablution, signe extérieur conventionnel auquel cependant il attache la portée d’une obligation morale (anheblich pflichtend zeichen, C. R., iv, 240, 11 ; pflichlig zeichen, C. R., iv, 227, 28 ; 628, 21, 25), et le baptême de l’Esprit, synonyme de foi salvifique ou d’attraction de l’Esprit-Saint. À son tour le baptême de l’Esprit, intérieur, seul nécessaire au salut, a sa contre-partie extérieure dans le parler en langues (C. R., iii, 764, 35 sq.). Nous avons déjà dit que pour lui, dans l’Écriture, « baptiser » est parfois synonyme d’enseigner (lehren) : ainsi dans Joa., i, 16 ; m, 22 ; Matth., xxi, 25 ; Act., xiii, 4. On obtient donc au moins quatre sens (cf. C. R., iv, 219, 26), là où la Tradition et les anabaptistes eux-mêmes reconnaissent une unité. Mais Zwingli ne s’embarrasse pas de cette opposition à la Tradition : il déclare au début du Taufbùchtcin qu’il écrit à rencontre de « tous les maîtres qui « se sont trompés en bien des choses depuis le temps des apôtres (C. R., iv, 216. 15). En même temps, on le perçoit, cette interprétation arbitraire de l’Écriture a pour effet de rompre l’unité du baptême conçu comme sacrement ou mystère, et d’isoler artitlciellement la notion qui s’adapte le mieux au système zwinglien et qu’il restera à aligner sur l’ensemble de la doctrine sacramentairc telle que nous l’avons présentée. C’est ce que fait Zwingli, notamment dans le Commentaire (C. R., iii, 763 sq.).

Mais l’innovation la plus considérable, c’est sans doute l’assimilation forcée du baptême du Christ au baptême de Jean. C’est là une seule et même chose (ibid., iii, 765, 37 ; 768, 32 ; viii, 270, 21). Avec ce résultat que, de même que le baptême de Jean n’opérait rien, le baptême de Jésus n’opère rien non plus (C. R., iii, 766. 1). De ce chef, le baptême chrétien perd de son originalité, et Zwingli ne fait aucune difficulté à faire remonter à.Jean-Haptiste l’institution du baptême néo-testamentaire {ibid., 768, M<U.

Conclusion. — Cette assimilation est symptomatique. Elle nous révèle l’orientation de la pensée zwinglienne dans toute cette doctrine sacramentaire, qui est de chercher dans les sacrements de l’Ancienne Loi la clé de l’intelligence de ceux de la Nouvelle. Ce qui s’entend non pas, comme il serait juste, d’une préfiguration des seconds par les premiers, mais d’une copie servile des uns par les autres. La différence des deux Testaments s’estompe (C. R., v, 649, 10 ; Sch.-Sch. , vol. iii, p. 421), comme aussi entre les sacrements règne une sorte de schématisme (cf. C. R., iii, 342, 8, à propos de cène et baptême). Tout cela s’explique assez, dès lors que les sacrements sont réduits à n’être que de purs signes, du fait aussi que Zwingli ne saisit pas la nouveauté absolue de l’économie de grâce. L’historicisme le cède ici chez lui à un idéalisme philosophique qui, voyant dans les objets ou gestes sacrés des figures de la seule réalité divine, transpose à son gré, selon la méthode allégorique, et modifie même les perspectives historiques. Ainsi l’eau du baptême tient lieu de circoncision ; le baptême de Jésus ne diffère pas de celui de Jean ; le symbolisme pascal juif s’étend à l’eucharistie et suffit à en rendre compte, etc. Sur un point cependant Zwingli est servi par le système d’équivalences qu’il a établi : celui du baptême des enfants : le baptême étant le signe de l’Alliance, dont les nouveaux-nés ne sont point exclus (C. R., iv, 292 sq. ; 625, 13 ; 629, 1 sq. ; 641, 5 ; Sch.-Sch., vol. iii, p. 413 sq.).

Le baptême des enfants.

Les anabaptistes n’entendaient

pas rebaptiser les adultes, mais bien les baptiser, le baptême des enfants étant considéré comme nul et non avenu. Zwingli d’instinct maintient celui-ci, d’accord cette fois avec la Tradition, ce qui n’allait pas pour lui sans de graves difficultés :

a) il avait fait du baptême le signe d’un engagement moral que seuls peuvent contracter les adultes ; —

b) le baptême des enfants est constamment associé dans la Tradition avec le péché originel, et il inclut l’efficacité intrinsèque du signe sacramentel, dont la vertu efface la tache originelle — deux notions que Zwingli rejette également (cf. C. R., iii, 823, 25) ; —

c) les deux partis en appellent à l’Écriture, et il est entendu qu’elle seule doit dirimer la controverse. Or le Nouveau Testament est muet sur le point du baptême des enfants. Raison de plus pour recourir à l’Ancien, écrit Zwingli (C. R., iv. 325, 20). Il argue également de la pratique des apôtres {ibid., iii, 410, 28 ; viii, 273, 13 ; Sch.-Sch., vol. iii, p. 430. Voir cependant la réserve : C. R., iii, 410, 2). Si le Nouveau Testament ne se prononce pas sur ce sujet et ne témoigne ni pour ni contre le baptême des enfants (cf. Wer Ursache gebe, C. R., iii, 409, 15 ; Von der Taufe usiv., C. R., iv, 296, 1 sq.), celui-ci n’en paraît pas moins avoir été en usage dès les temps apostoliques, et il y a ici du moins un préjugé favorable (C R., iv, 298, 20). Ainsi Zwingli s’efforce de construire bibliquement le concept de baptême des enfants.

Mois, ainsi que le remarque J. M. L’stcri (art. cité, p. 228), son effort est aussi théologique. L’entreprise est ici d’autant plus méritoire qu’elle suppose de la part de Zwingli un véritable rétablissement, et le passage d’une conception purement morale du signe baptismal (Pflichlzeichen) à une notion proprement tbéologique (Rundeszeichen). Zwingli argue ici de la parité des deux Testaments, qui appelle le parallélisme circoncision-baptême (C. R., iii, 410, 5-2° ; iv, 628, 22 ; vm, 271, 10). Faute de quoi, il faudrait dire que les enfants nés sous la Nouvelle Alliance sont désavantagés (deterioris condition ! *) par rapport : ’i ceux qui mit vu le jour sous la première (cf. C. II., viii, 273. 3). I là sans doute son argument le piua fort (selon l’analogie de la foi). Il cite aussi dans ce sens Col., ii, 1 1