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ZWINGLIANISME. NOTION DE SACREMENT


intérieure du salut acquis en Jésus-Christ, obtenue grâce à un instinct divin tout spirituel : le rite extérieur, « toute l’eau du Jourdain » et toutes les formules possibles n’y font rien. Ceux qui s’y laissent prendre se persuadent avoir éprouvé le salut, alors qu’en fait ils n’ont rien senti du tout. Beaucoup sont baptisés, qui n’ont fait qu’éprouver Yhorror aquæ, et non la rémission des péchés, la libération de l’âme. Remis de leur émerveillement, ils retournent à leur vie première. — A cette preuve expérimentale s’en ajoute une autre, scripturaire : cf. Act., x, 44 ; xix, 2-6. Ces exemples montrent que la justification n’accompagne pas nécessairement la collation du sacrement, mais tantôt la précède, tantôt la suit. La liberté de l’Esprit divin est à ce prix (C. R.. iii, 760, 4 sq.). De toute manière, il serait vain de chercher, comme Luther, dans le sacrement un remède à l’anxiété de la conscience et un gage de salut, car la certitude du salut est d’un autre ordre, purement spirituel ;

c. Allons-nous rompre la concomitance et prétendre avec les anabaptistes que les sacrements sont des signes qui viennent seulement mettre leur sceau à un processus intérieur de conversion qui s’est accompli sans eux ? La logique de la position zwinglieune irait assez dans ce sens : le sacrement étant un rite facultatif, à l’usage des adultes et spécialement des faibles, dont on use ou n’use pas en corrélation avec ses besoins religieux intimes (cf. C. R., iii, 126, 29). Cependant les anabaptistes, tout en dissociant du baptême l’expérience spirituelle de la conversion, en étaient venus à attribuer au rite une valeur quasi magique et à faire reposer sur lui l’innocence et l’impeccabilité dont ils se plaisaient à doter les baptisés Zwingli condamne donc cette troisième opinion comme les précédentes, au nom de la suflisance de la foi. La foi est à elle-même sa lumière ; la confiance qu’elle implique est parfaitement consciente (ibid., 761, 8 sq.). t Si la foi n’est pas tellement parfaite qu’elle ait besoin d’être confirmée par un rite extérieur, elle ne mérite pas ce nom. Car le propre de la foi est de s’appuyer sur la miséricorde de Dieu avec une fermeté inébranlable » (ibid., 761. 26). Les sacrements, tels qu’on les envisage ici, sont donc superflus.

e) Pour leur garder une raison d’être, il faut remanier complètement la notion : « Disons que ce sont des signes ou cérémonies par lesquelles le sujet fait profession devant l’Église d’être le disciple ou soldat du Christ, et ils ont pour but de certifier ta foi à toute l’Église plutôt que de t’en donner la certitude à toi-même » (C. R., iii, 761, 22). Mais, en même temps que le croyant fait profession de foi devant l’Église, il s’engage à son égard, c’est-à-dire à l’égard de ses pairs, à vivre selon sa foi. L’Idée sous-jacente est, bien entendu, que la foi n’est pas seulement expérience religieuse, mais vie nouvelle comportant une obligation morale (cf. supra). Le Bekenntniszeichen est en même temps et par le fait même un Pflichtzeichen ou Verpflichtungszeichen. Zwingli l’illustre par une analogie empruntée aux coutumes nationales helvétiques. Le sacrement est le signe d’un engagement (Pflichtszeichen). De même qu’en cousant une croix blanche sur son vêtement, on signifie qu’on veut être de la Confédération et que, au jour anniversaire de Nâfcls. on rend grâces à Dieu de la victoire qu’il a donnée à nos pères et manifeste ainsi qu’on est de cœur un confédéré, de même quiconque reçoit le signe du baptême, atteste qu’il veut écouter ce que Dieu lui dit. apprendre ses ordonnances et vivre selon elles. El quiconque ensuite, lors ( « le la célébration) du Mémorial ou de la Cène, rend grâces à Dieu avec la Communauté, manifeste qu’il se réjouit de cœur de la mort du Christ, qu’il lui rend grâces à ce sujet ( Von der Tau/e…, C. R., iv, 218, 4). Plus encore que le baptême, la Cène

devient le signe de la solidarité spirituelle établie entre les chrétiens par la foi commune (cf. Vorschlag wegen der Bilder und der Messe, mai 1524 ; C. R., iii, 126, 1-15).

Cependant le signe n’est pas arbitraire. Pas plus qu’au membre individuel, il n’appartient à la communauté chrétienne de l’instituer ou de s’en servir à son gré. Son origine nous oblige à remonter au Christ, et ceci même rentre dans sa signification. Par là se réintroduit un élément d’objectivité. Déjà le caractère social du signe sacramentel va dans le sens de l’objectivation. Mais plus encore, rattachés au Christ, les sacrements évoquent une réalité historique passée, qui est sacrée, la mort rédemptrice qui nous a acquis le salut. Ils sont commémoraison, mémorial — et ce qui est vrai de la Cène, l’est aussi du baptême, signe de la rémission des péchés obtenue par la croix. Zwingli l’exprime avec force dans un texte qui est de 1524 : « Ce sacrement (de la Cène) est un testament (Testament oder V ermàchtnis). Le testament exige la mort du testateur ; c’est pourquoi la célébration de la première Cène a été suivie de la mort du Christ sur le Calvaire. D’où ce sacrement est signe et assurance du testament. Le testament lui-même est la rémission des péchés obtenue par le Christ dont nous sommes participants par la foi. Et ainsi, selon que la faim de l’âme et le renouveau de la fraternité chrétienne l’exigent, nous prenons aussi le signe et assurance du Testament » (C. R.,

, 126, 21).

Nous avons ainsi dégagé les trois éléments de la notion de sacrement chez Zwingli antérieurement à la controverse anabaptiste : profession de foi, attestation ou engagement public, symbole commémoratif. Durant les années suivantes, ces trois éléments ont sans doute évolué dans l’expression ; la priorité a pu appartenir tantôt à l’un, tantôt à l’autre, et un élément même a pu recevoir des valeurs diverses. Ainsi, à propos du second, on peut considérer l’engagement successivement du point de vue du sujet croyant et de l’Église à laquelle il adhère. Il ne s’agit la que de modalités diverses, correspondant aux phases de la polémique, ou au sacrement qu’elle met de préférence en relief (baptême avec les Tûufer, Cène avec Luther). Pour le reste, nous ne croyons pas, malgré Fritz Blanke, que la notion de sacrement chez Zwingli ait substantiellement évolué ; ou si elle a évolué, ce n’est pas dans le sens indiqué par cet auteur.

2. Interprétations modernes. La thèse de Fr. Blanke.

— Il soutient la thèse suivante (cf. Fr. Blanke, Zwinglis Sakramentsanschauung, dans Theologische Blàtler, 1931, n. 10, col. 283-290). Zwingli est tombé dans le subjectivisme par réaction contre l’objectivisme exagéré du temps, de quelque côté d’ailleurs qu’il émanât, de Luther ou des anabaptistes aussi bien que des « papistes ». Car dans ces adversaires, c’était au fond, pensait-il, l’opus operatum de la théologie latine qui revivait. Mais Zwingli a surmonté cette réaction. Dans les écrits postérieurs, là surtout où il parle en prédicateur et pasteur d’âmes plutôt qu’en polémiste, il suit une ligne de pensée plus biblique et redonne aux sacrements une part de la valeur qu’il leur avait d’abord soustraite. Il fait alors droit à ce qui fut la juste revendication de Luther et de Calvin, savoir que « les sacrements m’apportent quelque chose. Sans doute, les sacrements ne deviennent pas pour autant movens de grâce (Gnadrnmiltel), ce sont seulement des moyens représentatifs (VerantchauongtmtUel ) qui aident à percevoir la grâce ; s’ils ne « présentent pas le salut, du moins ils le « représentent » (I)nrslellung, nicht Dnrreirhung des lleils). Bref, l’idéa primitive de Zwingli, qui retenait surtout l’aspect subjectif des sacrements f Yrrpflichtnngs-und Bekenntniszeichen), serait complétée par une autre, qui