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ZWINGLIANISME. NOTION DE FOI


aut sitiel ; et W. Kôhler, C. R., v, p. 557, c. fin.). Si par la foi Dieu, ou le Christ, vient en nous, il est aussi vrai que nous allons à sa rencontre : « Il est universellement reconnu depuis longtemps que le Christ est vraiment en nous, quand nous croyons en lui, de même que nous sommes aussi dans le ciel ; mais Lui y est par une présence réelle, car il est Dieu, tandis que nous, nous le sommes seulement par la contemplation, la foi, l’espérance et l’amour » (C. R., v, 670, 12). Zwingli prépare ainsi la voie à l’interprétation de la Cène propre à Calvin (cf. W. Kôhler, Zwingli und Luther, i, 1924, p. 484).

c) Il y a une autre acception du terme foi, ftdes, synonyme de créance, crédulité, qui est présupposée par la première (cf. C. R., v, 784, 4 : « Celui qui se repose sur la parole de Dieu doit d’abord croire que c’est la parole de Dieu : c’est alors seulement qu’il acquiert la certitude [par la foi au sens propre] d’obtenir ce que le Dieu en qui il se confie lui a promis » ). La foi théologale comporte donc au préalable une certaine connaissance (Erkenntnis) ou fides hislorica (cf. C. R., v, 766). Elle-même s’attache à la promesse (C. R., i, 358, 1 sq. ; iv, 491, 38 ; cf. Sch.-Sch., vol. iii, p. 583 : non fidit faclis aut externis, sed sola misericordia Dei) ; mais il y a dans l’Écriture bien d’autres paroles qui ne visent pas directement la promesse ou l’Évangile de la grâce : paroles narratives, d’ordre ou de défense. Zwingli en dresse le catalogue (C. R., v, 523, 23 ; 783, 11) et tire argument de ces catégories contre Luther : les paroles de l’institution de l’eucharistie sont du second ordre (récit, suivi d’un ordre) ; elles ne suscitent donc pas d’autre assentiment que la foi à l’institution du mémorial de la Rédemption, conçu comme un fait historique.

Il semble que grâce à cette distinction la raison reprenne ses droits et qu’elle ait, en vertu de la connaissance rationnelle ou historique prérequise, un certain contrôle sur les objets de foi. Ceux-ci doivent être de quelque manière perméables à la raison éclairée par la foi (cf. C. R., v, 618, 15 : Fidei nihil est absurdum, si modo recte intelligas ea, quæ fidei credenda proponuntur. Quod si quid fidei absurdum, id tandem vere absurdum est). Le sens commun doit donc être consulté, concurremment à la foi et à l’Écriture (C. R., iv, 471, 36 : Non réclamât fides, non communis sensus, non ipsum scripturæ inqenium ; cf. C. R., iv, 490, 24 : Abhorret a sensu). On voit « avec quelle facilité le spiritualisme se mue chez Zwingli en un rationalisme quelconque ». — « On s’explique la liaison du spiritualisme avec la ligne de pensée rationnelle. C’est le besoin d’avoir une expérience solide et bien ancrée qui l’a poussé dans le sens du rationalisme… Alors le surnaturel est devenu psvchologie rationnelle » (A. E. Burckhardt, op. cit.. p. 39 et 89). Plus pertinemment encore : « Le désir de Zwingli d’éviter de mettre la foi en rapport avec des objets intellectuels et de la concevoir de façon purement spirituelle comme expérience religieuse, c’est là précisément ce qui, en vertu d’une nécessité Interne, entendez : de la réduction de la foi à Vessentiel. Introduit un élément Intellectuel dans le concept de foi lui-même » (E. Secberg. art. cit., dans Reinhotd Seeberg Frxtschrifl. r. Leipzig, 1929, p. 53).

3. — a) Nous avons suivi le progrès de la pensée zwingliennc jusqu’en 1527. À partir de cette date, la foi perd le caractère central qui lui avait été dévolu ; elle rétrocède devant Vrlcriinn (on relève infra, col. 3853, une évolution parallèle dans le concept d’Église). Le fossé entre Dieu et la créature s’est élargi, et Zwingli n’a plus d’veux que pour les réalité* sises en Dieu, soit donc le décret éternel de prédestination et d’élection. Le fondement du salut est le Dieu qui élit, et la fol est seulement signe ou gage de l’élection (cf. Sch.-Sch., vol. iv, p. 124 : > La foi suit l’élec tion en ce sens que tous ceux qui l’ont sapent qu’ils sont élus ; car elle est en leur cœur comme un sceau et gage de l’élection » ; cf. i’6/d., vol.vi, t.i, p.348).Ainsi la foi est la conscience de l’élection (E. Zeller). Un élément réflexif (Selbslbesinnung) s’est introduit ici, dont on trouvait déjà l’indice dans des passages comme C. R., v, 622, 3 (la foi, contemplation mystique, s’accroît par réflexion sur ses objets). Celui-ci n’est pas étranger à la certitude de la foi. Cette certitude, en effet, est liée à l’action de Dieu en nous dans la mesure où nous en prenons conscience.

b) Zwingli révise ses expressions antérieures : quand on attribue le salut à la foi (fides efficax et salutaris ; fides beat), cela s’entend par synecdoque : le salut dépend proprement et à titre premier de l’élection (sola electio beat), et si l’élection n’avait précédé comme la fleur, la foi ne suivrait pas (Sc/i.-ScA., vol.iv, p. 124, c. init.). En même temps s’affirme le caractère absolument gratuit de la foi et des œuvres qui en procèdent. Dieu donne la foi à qui il veut, sans égard au mérite, car son choix est absolument libre. Ancrée en Dieu, dans le conseil divin lui-même, la foi est soustraite aux fluctuations d’ici-bas : elle est inamissible en celui qui la possède vraiment (Sch.-Sch., vol. iii, p. 584, c. init. ; C. R., iii, 446, 19. 28).

c) Mais comment être assuré d’être parmi les élus ? L’intérêt supplémentaire attaché par Zwingli aux bonnes œuvres (comparé à Luther) vient de là. Déjà elles valent à titre de signe démonstratif de notre foi aux autres, c’est-à-dire à l’Église (le recours aux sacrements est du même ordre) ; mais plus encore elles renforcent chez leur auteur la conscience de posséder la vraie foi (C. R., ii, 167, 2 ; Sch.-Sch., vol. iv, p. 63 : Sic filii dei, qui scilicet fidem habent, sciunt se divina, hoc est spirilus nativitate et gratuita eleclione filios dei esse… ; ibid., p. 122 : Qui ergo sic est fidei scuto teclus, scit se esse dei electum ; cf. vol. vi, t. i. p. 348, 391 ; t. ii, p. 271). De la foi procèdent les œuvres comme la chaleur du foyer ou les fruits de l’arbre (Sch.-Sch., vol. iv, p. 61, 63, 124) : elles montrent que ceux qui les accomplissent sont de Dieu et sont un gage de persévérance. Par ailleurs, Zwingli n’a pas de peine à déduire la nécessité des bonnes œuvres de l’essence même de l’Esprit qui opère dans les fidèles : car cet Esprit n’est pas oisif, il agit sans cesse (C. R., ii, 47, 30 ; 181, 2 ; Sch.-Sch., vol. iv, p. 63 ; vol. vi, t. i, p. 215. e. fin.). La fol acquiert donc chez Zwingli un sens prégnant et actif : elle est cette « vertu efficace », cette action incessante, « cette confiance par où l’homme, de toutes les forces de son âme, s’appuie à la divinité, rapporte toutes ses pensées et ses conseils à Dieu, bien plus, ne peut rien projeter sinon d’accomplir ce qui est agréable à Dieu » (Sch.-Sch. , vol. iv, p. 63).

Justification et régénération.

II apparaît de

plus en plus clairement que Zwingli construit sa morale à partir du dogme de la Providence et de la prédestination. Déjà, dans l’art. 20 de VAusIcqung der Schtussrrden. il y avait cherché son point d’appui (C. / ?., ii. 181-183). La foi est inséparable de l’élection : « Pourquoi Dieu donne-t-il la foi d’emblée avec clarté et force à l’un, lentement à l’autre, c’est son secret. » La foi croît avec l’abandon en la Providence ; elle se confond avec le sens des conduites de Dieu dans le monde : Quiconque est entièrement abandonné à Dieu et lui fait confiance ne peut rien s’attribuer, niais il révère en tonte chose l’opération de la Providence, même quand il ne comprend pal lH intentions divines. La foi se développe en même temps que l’opérai ion de Dieu en nous : Plus la fol croît, plus aussi croît l’œuvre bonne ; car plus grande est la fol. plus aussi Dieu est en toi, et pins Dieu est en toi, plus grande aussi est en toi l’opération de Dieu.