Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1129

Cette page n’a pas encore été corrigée
3787
3788
ZWINGLIANIS ME. ANTHROPOLOGIE


fonction de la volonté de Dieu (Sch.-Sch., vol. iv, p. 102 ; C. R., ii, 634, 19). À ce titre, elle se confond avec l’essence même de Dieu (ibid., p. 104). Par ce biais, Zwingli nous ramène vers une conception positive de la loi, qui est un des éléments originaux de son système (comparé à Luther). La loi a valeur de Révélation et de trait d’union entre Dieu et l’homme ; elle nous révèle la nature de Dieu, car de ce que Dieu nous prescrit de l’aimer, on induira que Dieu est le souverain bien et qu’il nous aime. Elle révèle aussi à l’homme sa propre nature ; car si Dieu se communique de la sorte à l’homme, c’est l’indice que l’homme est fait pour le connaître, entrer en société avec lui et jouir de lui éternellement (ibid., p. 105). On pressent déjà quelle affinité il y a entre la Loi et l’Esprit même de Dieu : de là à l’assimilation de la loi naturelle à l’impression de l’Esprit de Dieu en nous, il n’y a qu’un pas (cf. infra, col. 3788, 3807-08). Finalement, la loi est encore rehaussée du fait qu’elle est l’instrument du gouvernement divin dans le monde, per eam veluti per pœdagogum regere et erudire (Sch.-Sch., vol. iv, p. 107). Ces vues, entièrement étrangères à Luther, sont dues sans doute en partie au stoïcisme (cf. Sch.Sch., vol. vi, t. i, p. 241).

4. Enfin, on s’est plu à dénoncer le manque d’homogénéité de la notion de Dieu chez Zwingli : « D’après lui, Dieu est l'épitomé et la source de tout bien. En dehors de lui, il n’y a réellement à exister que le mal. On ne nous dit pas de quelle source il procède. L’homme est un être double ; un côté de son être procède de Dieu, l’autre lui appartient en propre. » Tel est le concept, de Dieu, vu sous l’angle éthico-religieux. Mais il y a aussi un concept concurrent, d’allure métaphysique : « Dieu est le total et la source de tout être. A presser le concept, il apparaît que le mal, tout élément juxtaposé, ou contre-posé, à Dieu, est impensable. Le mal s’amenuise jusqu'à devenir pur moyen pédagogique : finalement, il n’est plus mal que pour l’homme, et non pour Dieu » (W. Thomas, Das Erkenntnisprinzip bei Zwingli, Leipzig, 1902, p. 21, 31). Et cet auteur de s’ingénier à concilier ces vues opposées.

Mieux vaut souligner avec W. Kôhler (dans Theologische Literaturzeitung, xxviii, 1903, col. 146-147) qu’elles procèdent de sources différentes et qu’elles peuvent donner lieu seulement à une contamination. Zwingli emprunte sa notion métaphysique de Dieu à la philosophie ancienne et à l’humanisme, et il est conduit par la logique même de son système à transformer certaines notions chrétiennes ou à les vider de leur substance. Ainsi, en vertu de son platonisme, il incline à un dualisme métaphysique, qui est difficilement conciliable avec la réalité de la création et l’autonomie, du moins relative, de la créature ; du point de vue de l'être, les choses créées ne sont que signes et symboles ; du point de vue de l’action, « instruments et organes de l’Esprit de Dieu » (Sch.-Sch., vol. iv, p. 97, c. fin.). L’homme est imago et exemplum Dei, préfiguration et « ombre » de l’Incarnation (ibid., p. 98) ; la foi est « signe de l'élection » (ibid., p. 121) ; les œuvres « manifestent » que l’on est élu ou réprouvé. Parole et sacrements ne font qu’annoncer ou signifier (sive symbola sive verbum externum tantummodo nunciant et significant ; ibid., p. 119, cf. p. 117) ; les sacrements sont appelés : rerum internarum et spiritualium timbras quasdam ac species.

Ce dualisme métaphysique (distinction de la réalité sise uniquement en Dieu, et des apparences du monde naturel ou surnaturel) traverse l’anthropologie de Zwingli et menace le dualisme moral. À l’opposition du péché et de la grâce tend à se substituer l’opposition de la partie inférieure et de la partie supérieure de l’homme. De même, la conception néo-platoni cienne de Dieu, en qui sont les idées de toutes choses (Sch.-Sch., vol. iv, p. 93, 138), conception purement statique, tient en échec la conception de la Révélation chrétienne, dynamique, selon laquelle Dieu intervient dans l’histoire. Minimisant la réalité de l’histoire, on prévoit que Zwingli aura peu de sens pour l’Incarnation, si même, comme le lui reproche W. Thomas, il ne tend pas « à déserter le terrain du christianisme historique » (op. cit., p. 6).

II. anthropologie.

Chez Zwingli « la prédestination écrase tous les autres dogmes. Aussi les articles consacrés à l’homme ne parlent guère de lui que par rapport à son état de corruption ; ceux où il est parlé des rapports de Dieu avec l’homme oublient l’homme pour ne parler que de Dieu » (C. Tournier, La justification d’après Zwingli, Thèse, Strasbourg, 1853, p. 39). Si ce jugement tend seulement à souligner que l’anthropologie de Zwingli est une partie de sa théologie, il est fondé. Il abuserait, s’il induisait à croire que Zwingli n’a pas fait de l’homme l’objet d’une considération spéciale. Dans la conception organique de l’univers qui est la sienne, l’homme occupe une place à part (cf. Sch.-Sch., vol. iv, p. 98). On trouve même chez lui des éléments de theologia naturalis qui sont absents chez Luther. Cependant, c’est là pour notre auteur un principe général que la vraie connaissance de l’homme se puise auprès de Dieu (cf. C. R., iii, 654, 12 sq.) : entendez qu’elle présuppose la foi (ou la régénération), le premier effet de la chute originelle et de l’amor sui étant de brouiller la connaissance que normalement l’homme devrait avoir de soi-même. De la sorte, l’anthropologie ou la psychologie zwinglienne est strictement surnaturaliste. Plus précisément, on peut y relever une double inspiration.

Courant biblique et paulinien.

1. Ce qui distingue l’homme de la bête, c’est la ressemblance avec

Dieu ou imago. Le concept d’imago ne prend pas chez Zwingli un relief comparable à celui qui lui revient chez Calvin : il figure dans l’opuscule Von Klarheit und Gewissheit des Wortes Cottes (C. R., i, 342 sq.) ; le commentaire sur Matth., vii, 12 contient aussi une longue dissertation sur le sujet (Sch.-Sch., vol. vi, t. i, p. 241 sq.).

L’existence de l’imago se reconnaît : a) au désir d’immortalité, ou, selon les termes de Zwingli, à l’attention que l’homme prête spontanément à Dieu et à sa parole (uffsehen uff inn [Gott] und sine wort ; C. R., i, 345, 14 ; 346, Il sq. ; 347, 25). Tandis que pour Luther l’affinité entre l'âme et la parole de Dieu ne se comprend pas sans l'œuvre du Christ et la relation établie par la grâce entre Dieu et l’homme, chez Zwingli elle se déduit de la Création et est impliquée dans la condition de créature (cf. R. Stæhelin, dans Volksblatt fur die reformierle Schweiz, 1884, n. 1, p. 5) ; — b) à l’existence de la loi naturelle imprimée par l’Esprit dans le cœur de l’homme (C. R., ii, 298, 1 ; 325, 17). Par la loi naturelle, l’homme acquiert la connaissance du bien et du mal : ainsi en est-il même chez les païens (Sch.-Sch., vol. vi, t. ii, p. 82). Cependant nul ne comprend mieux la loi naturelle que le croyant ; l’incroyant perçoit bien ce que lui dicte la loi naturelle, mais le rejette comme impossible (C. R., ii, 325, 9). C’est là ce qui fonde la responsabilité morale (ibid., ii, 262, 24 ; Sch.-Sch., loc. ult. cit.).

L’originalité de Zwingli ne consiste pas dans l’identification de la loi naturelle et du Décalogue ou de la Loi évangélique, mais bien dans l’assimilation de la loi naturelle à l’Esprit immanent en l’homme (C. R., Il, 262, 25 ; 327, 4). C’est dire que cette doctrine, malgré ses éléments traditionnels, a un tour spiritualiste très marqué. (Pour plus de détails, cf. O. Dreske, Zwingli und das Naturrecht, Diss., Halle, 1911.) Ainsi entendue,