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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. CONTROVERSE DU FILIOQUE

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apprend que tout ce qui est vrai de l’une ne l’est pas de l’autre. Voir t. ii, col. 819.

5° Conclusion. —

Une vue d’ensemble sur l’enseignement des grands scolastiques résumera cette partie de notre étude.

1. En général, les scolastiques partent de cette idée que la doctrine de la Trinité relève du domaine strictement surnaturel. Les raisons qu’on peut en apporter, même après révélation faite du mystère, sont de simples raisons de convenance. Les uns prennent ces raisons dans la psychologie humaine, où Augustin avait trouvé une image de la Trinité ; d’autres, dans la diffusion inhérente à l’amour divin ; d’autres enfin, dans la bonté de Dieu, source de communications personnelles.

2. Les scolastiques sont d’accord pour rattacher la génération du Fils à l’ordre de la connaissance, même ceux, assez nombreux, qui considèrent que cette première procession est « selon la nature » ; la procession du Saint-Esprit est selon l’ordre de l’amour et de la volonté. Tous admettent que cette dernière procession n’est pas une génération, bien que les raisons qu’ils en apportent soient assez divergentes.

3. Les personnes divines sont constituées par les relations ; tous reconnaissent que la foi est engagée dans cette doctrine. Mais le mot « constituées » est interprété de différentes manières. L’école thomiste seule identifie formellement la personne et la relation subsistante ; les autres écoles semblent placer dans la personne quelque propriété que la relation met simplement en relief.

4. En ce qui concerne la distinction du Saint-Esprit des deux autres personnes, les scolastiques se partagent en deux grandes écoles. L’école thomiste, fidèle au principe de la relation constitutive de la personne, déclare que le Saint-Esprit ne se distingue du Père et du Fils qu’en raison de sa procession de l’un et de l’autre, l’opposition de la spiration active et de la spiration passive marquant la distinction des personnes. L’école scotiste maintient que, même si le Saint-Esprit ne procédait pas du Fils, il s’en distinguerait par les propriétés personnelles que manifeste la relation au Père. Mais puisque le Saint-Esprit vient du Père et du Fils, les deux personnes ne font qu’un principe : duo spiranles, mais non duo spiratores.

5. Enfin, pour les notions et les appropriations, on se reportera aux articles consacrés à ces mots ; t. xi, col. 802-805 ; t. i, col. 1708.

II. les controverses.

Les articles Esprit-Saint (la procession de V) et Filioque n’ont pas fait à la théologie latine du Moyen Age la place qu’elle tient dans les controverses relatives à la procession du Saint-Esprit. Il sera utile de rappeler ici quel fut l’effort de quelques bons théologiens, avant d’indiquer les solutions apportées par les conciles.

L’apport des théologiens latins. —

1. Rappel des travaux antérieurs au XIIe siècle. —

Le Filioque, on l’a vii, avait provoqué de la part d’Alcuin, de Théodulphc d’Orléans, d’Énée de Paris et de Ratramne, des travaux divers en réponse aux attaques des Grecs. Plus tard, au xie siècle, nous avons pu citer les traités de Pierre Damicn et d’Anselme de Cantorbéry. En débordant un peu sur le xiie siècle, on a rappelé, de Rupert de Deutz, le De glorificatione Trinitatis et processione Spiritus Sancti.

2. Les controversistes des XIIe et XIIIe siècles. —

La controverse se situe entre les dernières luttes ; i|>rès le schisme consommé et les espoirs d’union que le II* concile de Lyon devait si fragilement restaurer. Nous signalons simplement en passant VOratio de Spiritu Sancto de Pierre Chrysolanus († 1117), archevêque de Milan, P. G., t. cxxvii, col. 911-920, adressée à l’empereur Alexis Comnène. Il s’agit de prouver cjuc le

texte de Joa., xv, 26 n’est pas exclusif de la procession a Filio. L’orateur montre que l’Esprit du Père est aussi l’Esprit du Fils (Gal., iv, 6 ; Rom., viii, 9). Plusieurs exemples scripturaires font voir qu’en nommant le Père, on sous-entend le Fils, par exemple les textes sur la rémission des péchés, Matth., vi, 14, et l’accomplissement de la volonté du Père qui nous rend frères de Jésus-Christ, Matth., xii, 50.

Il convient de s’arrêter sur trois noms : Anselme de Havelberg, Hugues Éthérien, saint Thomas d’Aquin.

a) Anselme de Havelberg († 1159). —

Envoyé comme ambassadeur à Constantinople par l’empereur Lothaire II, il eut avec les évêques grecs les plus habiles des conférences sur les dogmes qui divisaient les deux Églises. Sa longue familiarité avec les Pères lui permettait la controverse. Le résumé de ses discussions est contenu dans le 1. II de ses Dialogues, P. L., t. clxxxviii, col. 1163 sq.

On peut diviser l’ouvrage en trois parties. Dans la première, toute spéculative, Anselme montre à ses interlocuteurs qu’il n’est pas possible de concevoir la procession du Saint-Esprit sinon du Père et du Fils comme d’un principe unique, le Père étant lui-même sans principe et le Fils étant engendré de lui, sans toutefois que ces processions marquent entre les personnes un degré différent de dignité ou indiquent une participation différente de la substance divine. C. nix, col. 1165-1178. Les processions n’existent que selon les relations d’origine, le Père et le Fils émettant le Saint-Esprit comme leur nœud et leur mutuel amour. C. x-xvii, col. 1178-1183.

La deuxième partie fait appel à l’Écriture. Tout d’abord, certaines manifestations et missions du Saint-Esprit, envoyé par le Fils, cf. Luc, i, 35 ; vi, 19 ; xxiv, 49 ; Joa., xv, 16 ; xx, 22 ; Act., i, 8 ; l’expression même « l’Esprit du Fils », Rom., viii, 9 ; Gal., iv, 6, rapprochée de « l’Esprit du Père », Matth., x, 20, peuvent être considérées comme des indications que l’Esprit-Saint procède du Fils, tout comme il procède du Père, Joa., xv, 26. C. xvi-xvii, col. 1187-1189. Aux Grecs objectant qu’autre chose est procéder du Père, autre chose être du Fils, Anselme riposte qu’être et procéder, pour une personne divine, sont identiques. Il en est ainsi du Fils, cf. Joa., xvi, 28 ; viii, 42, col. 1199 C ; il doit en être de même du Saint-Esprit. Et ce n’est pas admettre une pluralité de principes : le Saint-Esprit, en procédant du Père et du Fils, n’en procède que comme d’un seul principe, puisque le Père et le Fils sont un, Joa., x, 30. Ainsi niei que le Saint-Esprit procède du Fils comme du Père, c’est nier son existence, c’est détruire le mystère de la Trinité. Sans doute, l’Évangile ne dit pas expressément que l’Esprit-Saint procède du Fils, mais il n’affirme pas non plus le contraire et nulle part il n’est dit que l’Esprit ne procède que du Père. Il n’est pas téméraire d’ajouter une précision qui n’est pas contenue dans l’Évangile : 1rs conciles l’ont fait pour la « consubstantialité » du Fils et pour la « coadoration » du Saint-Esprit, ainsi que pour la maternité divine de Marie. Col. 11991200. Positivement enfin, la procession a Filio est suffisamment indiquée dans Joa., xvi, 14 : de meo accipiet. C. xviii-xxii.

La troisième partie laisse à désirer : c’est la tradition patristique. Parmi les Pères grecs, Anselme cite un passage du symbole dit d’Athanase ; un texte de Didyme l’Aveugle, De Spiritu Sancto, n. 36, P. G., t. xxxix, col. 1064-1065. Voirie texte ici, t. v. col. 789. Anselme en appelle ensuite au « symbole d’Eplièse », puis à une lettre de Cyrille d’Alexandrie à Nestorius. En réalité ces deux textes n’en sont qu’un, extrait delà lettre du concile d’Alexandrie a l’automne de 430 condamnant Nestorius et reproduite dans les actes du concile d’Éphèse. S. Cyrille, Epist., xvii, P. G.,