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3765 ZWINGLIANISME. SOURCES ET NORMES DE LA CROYANCE 3766

col. 2137, 2154 ; Sacrements, xiv, col. 555, 560, 597 sq. ; Sacramentaire (Controverse), xiv, col. 447 sq. ; Baptême, ii, col. 315-24 ; Eucharistie, v, col. 1341-42 ; Messe, x, col. 1094-95, etc. Ceci nous dispense d’y revenir. Nous donnerons plutôt une appréciation d’ensemble du système (cf. infra, VIII et X), après en avoir déterminé la caractéristique propre. — Parmi les théologiens catholiques qui ont combattu directement la doctrine zwinglienne, mention spéciale doit être faite du card. Cajétan dont nous rapportons les douze thèses (cf. infra, col. 3841-42) : elles renferment une condamnation générale très pertinente du système.


II. Prolégomènes : sources et normes de la croyance.

Zwingli se soustrait au magistère et se réclame de l’Écriture (i). Mais le jugement privé prend chez lui les dimensions d’un principe propre, concurrent de l’Écriture, le Geislprinzip, qui fonde son spiritualisme. Pour cette raison, on ne saurait voir dans le sola Scriplura le principe formel du zwinglianisme. Il y a lieu de le chercher ailleurs et d’examiner de plus près l’attitude de Zwingli à l’égard de la Révélation ou Parole de Dieu (il) et simultanément de l’Esprit et de l’Écriture (m). Le rejet de tout exlrinsécisme et de toute médiation, non seulement donc magistère officiel, mais parole du prédicateur ou lettre même inspirée, est, dans ce domaine de théologie fondamentale, la caractéristique du zwinglianisme.

I. ZXVINOLI ET LE MAGISTÈRE ECCLÉSIASTIQUE.

L’écriture source unique de foi. —

1° Critique du magistère et de l’autorité des conciles et des Pères.

1. Les premiers écrits réformateurs de Zwingli sont dirigés contre le magistère ecclésiastique, représenté notamment par l’évêque de Constance. C’est à l’adresse de celui-ci qu’il écrivit dans le courant de l’été 1522 Y Apologeticus Architeles (22-23 août 1522) (C. R., i, 249 sq.), où il combat les prétentions de la hiérarchie et des conciles « à statuer sur la Parole de Dieu. Un mois plus tard, il développe le même thème de façon plus positive dans Von Klarheit und Gewissheil des Wortes Gottes (6 septembre 1522) (C. R., i, 328 sq.), transcription d’un sermon dont le titre original eût dû être : De vi et usu Scripluræ sacrse (cf. C. R., i, 254 et 312, 8). Mais c’est surtout à l’occasion de la première dispute tenue à Zurich (29 janvier 1523) qu’il prit officiellement position contre le magistère catholique (cf. C. R., i, 536 sq.). Zwingli en appela ici (cf. C. R., i, 558, 3), comme dans la suite et lors des diverses controverses (cf. C. R., i, 324, 31 ; il, 323, 8 ; 449, 1 ; iii, 310, 27 ; 379, 25), à l’Écriture seule ; elle devait décider seule de la vérité. Cependant on ne pouvait se passer d’arbitres, et Zwingli eut toujours soin de s’entourer d’arbitres de son choix. Après avoir récusé la juridiction de l’évêque de Constance, il admit l’arbitrage du conseil municipal de Zurich (cf. C. R., i, 470, 21 sq.), dont il savait les principaux membres acquis à ses idées.

En tête des thèses qu’il défendit à Zurich en 1523 figure celle-ci : « Ceux qui disent que l’Évangile n’est rien sans l’approbation de l’Église se trompent et se moquent de Dieu (C. R., i, 458, 11 ; II, 21). C’est la base de théologie fondamentale sur laquelle s’élève l’édifice imposant des 67 thèses (voir aussi les références au même sujet dans l’exposition des thèses 5, 15, 16, 17). Elle fut l’objet des critiques de Valentin Compar, d’Url : l’écrit de celui-ci nous valut une réponse de Zwingli, qui acheva de s’expliquer sur la question de l’autorité en matière de foi. Il le fit en commentant et en réfutant la formule de saint Augustin (détournée, disait-il, de son vrai sens par les « papistes » ) qu’on lui opposait : Evangelto non crederem, nisi me commoveret Ecclesise auctoritas (cf. Bine Antwort Valentin Compar gegeben [27 avril 1525], C. R., iv, 63 sq.).

2. L’ensemble de cette littérature a un caractère polémique très marqué. Zwingli ne considère pas le sujet d’une façon sereine. C’est la cause de 1’ « Évangile » qui est ici en jeu et qu’il s’agit de faire triompher contre une hiérarchie que, pour toutes sortes de raisons, dogmatiques ou non, on a résolu d’éliminer. Si parfois il laisse parler l’adversaire et définir un peu plus exactement le rôle assigné au magistère (C. R., ii, 109, 24 ; iv, 63, 11), il nous met le plus souvent devant le dilemme : ou l’Écriture (l’Évangile, la Parole de Dieu), ou l’Église hiérarchique, c’est-à-dire, dans sa pensée : ou Dieu, ou l’homme (C. R., i, 314, 27). Faire confiance au magistère, c’est « se reposer sur l’homme » (C. R., ii, 27, 11), ce qui est le péché par excellence. L’Écriture participe à la transcendance de Dieu, c’est pourquoi nul ne saurait s’ériger en juge de l’Écriture — il s’agit plutôt de juger du sens de l’Écriture que de l’Écriture elle-même, mais enfin Zwingli, pour des raisons polémiques, brouille le jeu. En revanche, il ne voit guère dans la hiérarchie que l’élément humain ; il se plaît à dénoncer dans le pape et les conciles des intentions malignes, égoïstes, intéressées, qui vicient leurs décisions même doctrinales (C. R., i, 309, 23 sq. ; ii, 26, 1 ; 1 10, 8 ; Sch.-Sch., vol. vi, t. i, p. 245). Et encore qu’il leur reconnaisse une infaillibilité très limitée et qui ne leur est pas propre (C. R., ii, 25, 16 ; 110, 26), il les enferme tous sous la condamnation qui frappe tout homme, « car l’homme est menteur » (C. R., ii, 76, 4). Comment puis-je attendre la vérité divine d’un homme ? Nous sommes sans cesse ramenés à cette prétention paradoxale (C. R., i, 382, 3 ; ii, 23, 30 ; 27, 8 ; 76, 1). À l’inverse, la Parole de Dieu est claire en elle-même ; c’est l’intrusion de l’amour-propre qui offusque la Parole et fait que les hommes se divisent à son sujet. D’elle-même, comme l’Esprit qui est à sa source, elle est facteur d’unité et d’harmonie (thèse du Von Klarheit und Gewissheil des Wortes Gottes ; voir aussi C. R., i, 322, 22).

3. Dans les écrits de cette période, Zwingli est manifestement sous l’influence de Luther : ainsi s’explique pour une part son pessimisme radical. N’y a-t-il donc rien à attendre des hommes que la présomption et l’erreur, et l’humanisme avait-il entièrement tort ? Non pas. Seulement Zwingli se refuse maintenant à s’arrêter à l’homme lui-même, il passe outre et nous conduit jusqu’à Dieu, source de toute vérité. L’homme découvre la pensée de Dieu, écrit-il dans VAusIegung des 15. Artikels, et se repose dans cette certitude, mais il fait plus : « Il éprouve tout ce qui vient des hommes et se donne pour véridique : le trouve-t-il dans son Évangile, c’est-à-dire dans l’enseignement qui vient de l’Esprit divin et de la grâce divine, il le reçoit, bien entendu, mais il ne le fait pas de prime abord, car il est déjà auparavant si bien instruit et éclairé qu’il ne reçoit que ce dont Dieu l’instruit par le Christ. Et quand l’homme énonce (une vérité) qui est de Dieu, il ne soumet pas la Parole de Dieu au jugement d’une parole humaine, mais il dit : Ceci doit être cru, parce que c’est la Parole de Dieu (C. R., Il, 75, 26). Ainsi en est-il de l’autorité des Docteurs et des conciles. Elle ne leur est pas propre, car : « Un Docteur m’a-t-il instruit selon son propre caprice, il m’a trompé ; s’est-il réglé dans son enseignement sur la Parole de Dieu et l’Esprit de Dieu, ceci est à attribuer à Dieu, et c’est à Dieu qu’il faut rendre grâces et non au Docteur » (C. R., iv, 78, 23 ; cf. ibid., 39 ; 77, 15 sq.). De même pour les conciles :. Ce que les conciles définissent. confronté avec la doctrine du Christ, lui est-il semblable : pourquoi lui donner un nom humain ? I huit le en contraire, pourquoi le faire passer sous le patronage de Dieu ? »