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ZW1NGLIANISME. DÉCISIONS DU MAGISTÈRE


déjà derrière lui une longue étape : celle de l’humanisme, et, circonstance aggravante, cette étape n’était pas close. Réformateur, émule de Luther, l’humanisme continuerait à vivre en lui (cf. C. R., viii [n. 514], 677, 8 sq. : lettre de 1526). Dans la discontinuité que suppose le passage d’Érasme à Luther, subsiste néanmoins une ligne de continuité. Il semble même que là où il cesse d’être sous la mouvance de Luther, là où il est le plus lui-même — ainsi dans le De Providentiel (avec Van Bakel, cf. Zeilschr. fur Kirchengesch., IIIe sér., t. lii, 1933. p. 253) — il renoue avec la tradition érasmienne, ou plutôt il porte à sa pleine maturité ce qui avait été son idéal des années 1516-1519 : l’alliance du christianisme et de l’antiquité.

IV. CONCLUSION GÉNÉRALE DE CETTE SECTION : VUE D’ENSEMBLE SUR L’ÉVOLUTION DE LA PENSÉE ZWINGLIENNE. DESSEIN ET MÉTHODE DE CET ARTICLE.

— Ce serait cependant une erreur de méthode que de juger Zwingli uniquement en fonction de ce qu’il doit ou ne doit pas à Luther. Car l’influence de Luther, si elle a été réelle, efficace, au tournant des années 15191521, si même elle a pu se prolonger jusqu’en 1524, a été dépassée dans la suite, comme celle d’Érasme ; et finalement Zwingli est une figure qui vaut pour elle-même. Les années 1524-1525 forment un nouveau bloc dans la carrière du réformateur : c’est le temps de la lutte contre l’anabaptisme qui l’obligea sur plusieurs points à un réajustement de ses idées. Les œuvres de la dernière période (1528-1531) sont encore à considérer à part, car, outre que leur facture est différente (traité didactique, comme le De Providenlia, confessions de foi), elles témoignent du tour nouveau pris par la pensée de Zwingli. Ce sont elles qui, à notre gré, révèlent le mieux le génie du réformateur parvenu à sa maturité et cherchant ultimement à réconcilier foi et raison, à réaliser comme par un prodige la fusion des deux valeurs maîtresses : Christentum und Antike. Tel n’est pas cependant l’avis de tous les auteurs. Ainsi, parmi les modernes, R. Pflster, pour avoir méconnu le sens de l’évolution de la pensée zwinglienne, parle, à propos du De Providenlia, de « retombée postérieure dans l’humanisme » (op. infra cit., 16).

Dans l’analyse succincte de la doctrine de Zwingli qu’on va lire, on s’efforcera de tenir compte de cette évolution, et notamment de distinguer les trois périodes de l’activité littéraire de Zwingli : 1523-1524 : période anticatholique : Auslegung der Schlussreden et écrits annexes ; — 1525-1527 : écrits polémiques contre anabaptistes et luthériens ; — 1528-1531 : écrit didactique et confessions de foi. Il ne suffit pas, en effet, de dessiner les contours de la doctrine de Zwingli d’une manière statique, comme a pu le faire E. Zeller : il faut encore en montrer le mouvement, les étapes, les fluctuations, les contradictions intimes. Nous croyons que la pensée de Zwingli est restée sensiblement la même du début à la fin — son intuition maîtresse s’entend — mais celle-ci, pour s’affirmer, a dû lutter contre bien des obstacles et, par contre-coup, elle a subi des fléchissements, des retombées et des reprises. Elle s’est nourrie aussi à diverses sources et s’est grossie, à mesure du progrès, des courants rencontrés et bientôt intégrés. Il y aurait peut-être quelque témérité de la part d’un théologien catholique à entreprendre cette tâche, si toute la doctrine de Zwingli se résumait dans son anticatholicisme. Sans doute, c’est là un trait important et que le xixe siècle, avec son libéralisme, a méconnu ; mais il ne suffit pas à caractériser une doctrine qui a constamment évolué dans ses expressions et sa mise en œuvre, a rencontré d’autres résistances (luthérienne, anabaptiste) et s’est façonnée en conséquence. De la sorte, la doctrine de Zwingli mérite d’être exposée pour elle-même, et non

pas seulement sous l’angle des antithèses qu’elle comporte.

Nombreuses sont les interprétations qui en ont été données au cours des âges, et, bien entendu, chaque génération de théologiens a tenté d’y retrouver ses propres positions. C’est ce qui ressort de l’ouvrage de Kurt Guggisberg, Das Zwinglibild des Protestantismus im Wandel der Zeilen (dans Quellen und Abhandlungen zur schweizerischen Reformationsgeschichle, viii, Leipzig, 1934). Cet auteur ne repasse lui-même les opinions professées antérieurement que dans le dessein de leur substituer la sienne propre, ou plus exactement de faire l’apologie du réformateur suisse, qui n’a pas reçu, selon lui, dans la critique la place qu’il mérite. De la sorte, les deux points de vue historique et apologétique se croisent. Il serait intéressant de prolonger cet ouvrage par une étude de l’œuvre et de la doctrine de Zwingli vues par les catholiques. On ferait ici état des écrits de controverse. Pour la période contemporaine, nous ne connaissons du côté catholique que les excellentes études historiques de O. Vasella, Huldrych Zwingli, dans Zeilschr. fur schweizerische Kirchengesch. , xxxix, 1945, p. 161-181 ; Die U rsachen der Reformation in der deulschen Schweiz, dans Zeilschr. fur schweizerische Geschichte, xxvi, 1947, p. 401-424.

Encore qu’il suive les règles de la méthode historique, l’essai qu’on va lire est proprement théologique. Il exploite les plus récentes publications sur le sujet (cf. V. Kohler, Die neuere Zwingli Forschung, dans Theologische Rundschau, nouv. sér., 1932, p. 328369, et la bibliographie à la fin de l’article). On s’est efforcé de renvoyer le plus possible aux ouvrages même de Zwingli, autant dire d’interpréter Zwingli par lui-même. Ceci, non seulement par souci d’objectivité, mais dans le but d’introduire à la connaissance de ses œuvres que, pour une partie du moins, la graphie dialectale rend difficiles d’accès au lecteur de langue française.

Il convient aussi de préluder à cet article par le rappel des décisions du magistère qui atteignent la doctrine de Zwingli. De ce point de vue proprement dogmatique, signalons que le concile de Trente s’est occupé spécialement des erreurs de Zwingli dans la sess. xiii, qui concerne la sainte eucharistie (voir notamment le can. 1, qui condamne l’interprétation symbolique, Denz.-Bannw., n. 883 ; cf. A. Michel, Les décrets du concile de Trente, dans Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. x-1, p. 240) ; de même, dans la sess. xiv, à propos de la pénitence (Denz.-Bannw., n. 9Il sq. ; A. Michel, ibid., p. 289). Les erreurs de Zwingli sur le péché originel et le baptême sont visées, du moins implicitement, par les canons des sess. v et vu (Denz.-Bannw., n. 789, 857 sq.) ; il en est de même de sa doctrine sur les sacrements en général, aux can. 1 sq., sess. vu (Denz.-Bannw., n. 844 sq. ; cf. A. Michel, ibid., p. 48, 228). Plus formel encore est le texte de la sess. xxii qui défend le canon de la messe contre des erreurs telles que celles qu’on trouve exposées dans le De canone missæ epichiresis (cf. infra, col. 3843) (Denz.-Bannw., n. 953 ; A. Michel, ibid., p. 427). Enfin, en rappelant la doctrine de l’Église concernant le culte des images, la dernière session du concile donnait un démenti aux prétentions iconoclastes de Zwingli (Denz.-Bannw., n. 984 sq. ; A. Michel, ibid., p. 598). — Ces différents points ont été abordés au cours du Dictionnaire, soit dans un cadre similaire : ainsi aux art. Zwingli et Réforme, xiii, col. 2043-44, 2050-51, 2057-59, 2064-65, 2070-73, 2079-80, 2083-84, 2089-90, 2094-95 ; — soit dans des articles spéciaux, qui concernent chacune de ces erreurs en particulier et les réformateurs qui les ont partagées : sur Zwingli, voir spécialement art. Péché originel, xii, col. 512-13 ; Justification, viii,