Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée

1751

    1. TRINITE##


TRINITE. GUILLAUME D’OCCAM

1752

que l’actualité même du terme : le Fils. Pareillement, le Saint-Esprit procède selon la volonté et l’amour ; mais la volonté et l’amour ne sont pas des principes producteurs ; c’est un acte qui se distingue par son objet. Ainsi « engendrer » et « souffler » (spirare) ne se distinguent pas ; seuls les deux termes sont réellement distincts. On comprend pourquoi Auriol se place parmi les auteurs qui expliquent la distinction du Fils et de l’Esprit-Saint par leur réalité personnelle et non par leur relation d’origine ; d’où il suit que, si le Saint-Esprit ne procédait pas du Fils, il s’en distinguerait encore. Néanmoins, il faut accepter, en vertu de la définition de l’Église, les relations divines. Les personnes en Dieu sont une résultante de la nature et des relations. Les propriétés personnelles s’identifient pleinement avec l’essence, sans distinction même de simple raison ; il n’y a, de notre part, qu’une impossibilité de les concevoir distinctement. Et il faut en dire autant des relations par rapport aux propriétés et par rapport à l’essence.

Le Fils est appelé Verbe parce qu’il est Dieu placé dans un être objectif et apparent ; et c’est aussi pourquoi il doit être appelé Image.

3. Durand de Saint-Pourçain († 1334). —

Durand est le dominicain infidèle au thomisme. Sur bien des points, en effet, même en doctrine trinitaire, il s’écarte de l’enseignement de sa famille religieuse.

Tout d’abord, il admet comme possible une démonstration rationnelle des processions : Demonstrationem processionum divinarum inlranearum certain dari posse, en supposant toutefois la révélation préalable du mystère. In J am Sent., dist. II, q. iv. Jacques de Metz, dont la parenté doctrinale avec Durand est fortement accusée, soutient la même thèse. Voir les textes dans Schmaus, op. cit., p. 29, 30. Cf. J. Koch, Die Jahre 1312-1317 im Leben des Durandus de S. Porciano, dans Miscellanea Ehrle, 1924, 1. 1, p. 274.

On a vu plus haut que Durand s’était rallié à la thèse de la procession du Verbe par voie de nature, col. 1739 ; mais il faut signaler qu’il ne s’agit pas d’une « production » (generatio), mais d’une « émanation de la nature très féconde. Et la production du Saint-Esprit s’explique par le même principe. Pareillement les propriétés et attributs découlent de l’essence. Explication assez singulière qui rend difficile la conception de deux « émanations » parallèles différentes ou, si l’on admet cette possibilité, qui ne présente aucune raison valable de s’arrêter à deux. Explication, en tout cas, qui ne saurait rendre compte de la différence entre la génération du Fils et la « spiration » de la troisième personne. Cette explication est cependant accueillie avec faveur par Jacques de Lausanne, Jean de Naples, Guy de Perpignan, Guillaume de Rubione, Guillaume d’Occam, Nicolas Trivet. Les textes dans Schmaus, op. cit., p. 130, 131, 216-225, 136, 141, 247, 153, 247, 228. Ce qui n’empêche pas plusieurs de ces auteurs de se rallier pleinement à la thèse thomiste des relations.

En troisième lieu, Durand semble s’accorder avec saint Thomas, en plaçant dans la relation la personne divine. In I » m Sent., dist. XXVI, q. i, n. 15-17. Mais il s’en écarte en accordant à la relation comme telle, qui constitue la personne une réalité en quelque sorte distincte de celle de l’essence : « La différence entre l’essence et la relation n’est pas purement et simplement une différence de raison. Mais on ne saurait dire non plus que c’est une différence réelle. Il est nécessaire d’affirmer qu’elles diffèrent d’une certaine manière réellement… comme la chose et le mode de la posséder. » In 7um Sent., dist. XXXIII, q. i, n. 33 sq. Pour l’appréciation de cette opinion, voir Relations divines, t. xiii, col. 2146.

Cette distinction modale trouve une application aussi peu heureuse dans la distinction réelle que Durand en conclut entre la spiration active d’une part et, d’autre part, la paternité et la filiation. Il y aurait donc ainsi quatre relations non seulement réelles, mais réellement distinctes : « Engendrer et souffler (spirare) diffèrent réellement et pareillement être engendré et être soufflé ; ces relations se distinguent par elles-mêmes et non par une autre chose, sans quoi il faudrait aller à l’infini. » In Z um Sent., dist. XIII, q. n. D’où il suit que, même si le Saint-Esprit ne procédait pas du Fils, il s’en distinguerait encore réellement. Ibid.

Un dernier point, sur lequel on pourra être d’accord avec Durand, c’est la subsistence divine au sens concret du mot. « La personne divine subsiste par l’essence et non par la propriété relative », d’où il suit que « la subsistence en Dieu est unique et absolue ; et c’est en raison de l’essence qu’elle appartient aux personnes ». In III nm Sent., dist. I, q. ii, n. 7. Voir ici t. xiii, col. 2153-2154.

4. Guillaume d’Occam (t vers 1349). —

La métaphysique du nominalisme exclut les relations réelles, voir ici t. xi, col. 748. Et déjà nous avons vu plus haut comment Pierre Auriol en avait minimisé l’importance dans le dogme trinitaire. Occam va plus loin. On a rappelé à l’art. Nominalisme son attitude en face de la distinction formelle à admettre en Dieu pour distinguer la formalité de la relation de celle de l’essence, tout en identifiant la réalité de l’une et de l’autre. C’est en vertu du principe d’identité qu’Occam s’insurge, au nom de la seule raison, contre les distinctions formelles et même de simple raison apportées en Dieu par la théologie. Il s’insurge également, toujours au nom de la seule raison, contre le réalisme de la relation même transportée en Dieu en vue d’expliquer la trinité des personnes. Voir t. xi, col. 742748. On a dit aussi comment, en dépit de ces présupposés philosophiques, Occam avait cru pouvoir exposer sa doctrine trinitaire, col. 776-779. En réalité, il a la foi ; il croit au mystère ; mais, se plaçant au point de vue rationnel, il y trouve contradiction : « Il y a opposition essentielle entre le mouvement de la raison et la donnée de la foi, mais la raison et la foi n’ont pas une égale autorité : en croyant, nous adhérons à l’objet qui s’est lui-même révélé ; en raisonnant, nous usons, autant que nous le pouvons, des puissances que possède actuellement notre esprit ; la raison ne peut que s’arrêter devant le mystère et constater que, de soi, elle le nierait. » P. Vigneaux, art. cit., col. 779.

Du procès qui fut fait à Occam en cour d’Avignon, nous avons le rapport adressé au pape Jean XXII par les censeurs, au nombre desquels était Durand de Saint-Pourçain. Cinquante et un articles avaient été examinés. En ce qui concerne le dogme trinitaire, graves étaient les conséquences résultant de la critique des idées de relation et de distinction. Voir le résumé des art. 27, 28, 37, 41, 42 et 44 relatifs à la Trinité, t. xi, col. 892. L’université de Paris prit position contre Occam, col. 896. Mais le Saint-Siège n’intervint pas directement dans le débat théologique. Du moins les principes philosophiques fortement apparentés à ceux d’Occam furent condamnés par Clément VI dans la cause de Nicolas d’Autrecourt ; voir t. xi, col. 561 sq.

Plus d’un siècle après, le nominalisme trouvait un dernier et illustre défenseur dans la personne de Gabriel Biel († 1495). Biel, est caractérisé par son souci de l’orthodoxie. Mais Biel est un disciple d’Occam et, dans son traité de la Trinité, Epilome et collectarium circa IV Sententiarum libros…, t. I, dist. II sq., il montre qu’il conserve la rigide logique nominaliste. L’essence et la relation apparaissent en Dieu, d’après la raison, comme une simple réalité. La foi seule nous