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ZOSIME — ZWINGLI

aux doctrines positives qu’elle exprimait. Cette injonction est au point de départ de la révolte de Julien d’Éclane et de ses amis. Mais il est difficile de dire si le refus de Julien fut adressé à Zosime ou à son successeur. Du moins expédia-t-il à Rome une protestation que le pape put encore lire ; cf. Augustin, Opus imper j. cont. Julianum, t. I, xviii, P. L., t. xlv, col. 1057.

III. Les affaires africaines.

Le succès remporté par l’Église d’Afrique dans l’affaire pélagienne, la manière surtout dont elle était arrivée à la victoire en s’adressant, par-dessus la tête du pape, à l’autorité civile ne laissèrent pas de paraître amers au pape Zosime. Nous avons vu la tendance de ses bureaux à s’immiscer, à temps et à contre-temps, dans les affaires particulières des Églises. Ce que l’on avait tenté dans le Sud-Est de la Gaule, on le recommença en Afrique, où les résultats furent d’ailleurs aussi mortifiants pour le Siège apostolique. Le premier indice d’une action de ce genre est une lettre qui malheureusement ne s’est pas conservée et qui, arrivée à Carthage, en même temps que la Tractoria, prescrivait à Augustin de se transporter avec plusieurs de ses collègues à Césarée de Maurétanie, pour y régler, au nom du Saint-Siège, diverses affaires ecclésiastiques. Jaffé, n. 344 ; allusions à cette mission dans Augustin, Epist., cxc, n. 1 ; cxciii, n. 1 et 2, t. xxxiii, col. 857 et 869 ; et dans Possidius, Vita Augustini, P. L., t. xxxii, col. 45. Un peu plus tard, au mois de novembre de la même année 418, le pape Zosime intervenait d’une façon plus altière dans les affaires de l’Église d’Afrique. Jaffé, n. 347. Cf. l’art. Urbain de Sicca, où l’on a exposé le démêlé avec le Saint-Siège dont la mission de l’évêque Faustin fut le point de départ. Au même ordre d’idées se rattache une lettre expédiée le 16 novembre à des évêques de Byzacène, en Afrique, et leur reprochant sur un ton amer le peu de respect dont ils ont fait preuve pour les canons de l’Église, en laissant des laïques siéger en un procès où étaient impliqués de leurs collègues. Jaffé, n. 346.

A Rome même une opposition sourde se manifestait contre l’administration quelque peu brouillonne du pape. Renouvelant le geste des Africains, certains clercs romains s’en furent à Ravenne, exposer leurs doléances à l’empereur. Dans une lettre du 3 octobre 418 adressée à ses représentants officiels à Ravenne, le pape s’épanche en propos amers contre ces voyages à la cour. Un premier groupe de plaignants qui avaient eu le front de lui adresser à lui-même un écrit offensant a déjà été excommunié par lui. Quant aux autres, qui faisaient mine d’avoir gain de cause, ils devaient être sommés d’abandonner leur attitude rebelle, sans quoi des mesures graves seraient prises contre eux. Jaffé, n. 345. Sur quoi portait cette opposition, on l’ignore absolument. Mais les troubles qui éclatèrent dans l’Église romaine au lendemain de la mort de Zosime et amenèrent la double élection de Boniface et d’Eulalius furent sans doute en rapport avec cette agitation. Le pape Zosime mourut peu après, le 26 décembre 418 ; il fut enterré sur la voie Tiburtine auprès du corps de saint Laurent.

Très pénétré des droits du Siège apostolique, qu’il ne cessa d’affirmer avec force, il n’eut pas le tact et la douceur qui avaient permis à son grand prédécesseur, saint Innocent I er, de consolider le prestige de son Église. Pour reprendre l’expression du dernier de ses historiens, E. Caspar, son pontificat fut un règne manqué ; il a permis l’intrusion de l’État dans les affaires intérieures de l’Église romaine et anéanti, pour un temps, tout ce que le travail silencieux et prudent des papes ses prédécesseurs avait fait pour l’indépendance de l’Église.

Une décrétale de Zosime est passée dans les anciennes collections canoniques, c’est la lettre Exigit adressée à Hésychius de Salone, Jaffé, n. 389 : elle interdit de promouvoir directement à l’épiscopat des moines ou des laïques ; ceux-ci devront passer par les ordres inférieurs, faute de quoi ils encourraient la déposition ; le temps à passer dans les degrés inférieurs était également déterminé. Le Liber pontificalis attribue aussi à Zosime un décret d’ordre liturgique concédant aux diacres des églises suburbicaires l’usage d’un ornement, analogue sans doute à notre manipule, réservé jusque-là aux diacres de la Ville : ut lœva tecla haberent de palleis linostimis ; il permit également de bénir dans ces églises soit la cire destinée aux Agmis Dei, soit le cierge pascal.

!.. Duchesne, Le Liber pontificalis, t. i, p. ccu (chronologie), 86-87 (1° éd.), 225-226 (2 « éd.) ; Jaffé, Regesta pontificum Romanorum, t. î, p. 49-51 ; la plupart des lettres ont été éditées par Coustant, Epistolse Romanorum pontificum, t. i, reproduit dans P. L., t. xx, col. 639-702 ; L. Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, t. in ; P. Batiffol, Le Siège apostolique, Paris, 1922 ; E. Caspar, Geschichte des Papsttums, 1. 1, p. 344-360 ; G. Bardy, dans Fliche-Martin, Histoire de l’Église, t. iv, p. 248-251 (cf. p. 106-110).

É. Amann.


ZWINGLI, principal auteur de la révolution protestante en Suisse, et, à ce titre, émule ou disciple de Luther. —
I. Jeunesse et formation. —
II. Période érasmienne. —
III. Période révolutionnaire. —
IV. Ouvrages.

I. Jeunesse et formation. — Émule ou disciple de Luther, ce dilemne a été l’objet de nombreuses discussions, en ce qui regarde Zwingli. On essaiera, en analysant ici de très près les circonstances de son évolution jusqu’à sa rébellion ouverte contre l’Église, de donner une solution motivée à ce problème.

Ulrich Zwingli était originaire de Wildhaus, un village de la haute montagne suisse, sur la ligne de partage des eaux de la vallée du Rhin et de la vallée de la Thur, au pied du Säntis (au Nord, 2.504 m.) et des sept Churfirsten (au Sud, 2.309 m.). Sa naissance, au 1er  janvier 1484, en fait le cadet de Luther de sept semaines seulement. Son père, Ulrich Zwingli lui aussi, était l’amman ou maire du village et le curé était son frère. La famille était nombreuse : huit garçons et deux filles, et habitait une confortable maison en bois qui existe encore (restaurée en 1898). Dès l’âge de trois ans, Ulrich, qui était le troisième fils, fut confié aux soins de son oncle devenu curé-doyen de Weesen.

La race montagnarde dont Zwingli était issu avait des traits de vigueur et de puissante énergie, race croyante, certes, mais hardie, joyeuse et forte. La famille des Zwingli s’était fait remarquer par son patriotisme ardent et ses qualités morales. Désireux de donner à son neveu une forte instruction et de le pousser dans la carrière ecclésiastique, le doyen de Weesen l’envoya, à peine âgé de dix ans, à l’école latine de Saint-Théodore de Bâle, que dirigeait le maître Grégoire Bünzli, lui-même originaire de Weesen. Quatre ans plus tard, en 1498, Ulrich passait aux mains du meilleur humaniste que comptât la Suisse, le chanoine Henri Wölflin (Lupulus), à Berne. La Suisse était quelque peu en retard, pour le développement des études humanistes sur le reste de l’Europe. Ulrich s’y jeta à corps perdu. Il avait d’heureuses dispositions. Il devint excellent latiniste et montra aussi de hautes aptitudes pour la musique. Son oncle, ravi de ses succès, mais inquiet des visées des dominicains de Berne sur son neveu, l’envoya, en 1500, à l’université de Vienne, où il devait séjourner deux ans et acquérir une grande virtuosité de dialecticien. Dès 1502, il obtenait une place de maître à