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    1. TRINITE##


TRINITE. DUNS SCOT

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fois, le mot « aimer », pris notionellement, implique et la production d’une personne divine et cette personne elle-même. Comme donc le Père se parle et parle toute créature dans le Verbe, parce que le Verbe représente toute créature et le Père, ainsi, il s’aime et aime toute créature dans le Saint-Esprit, parce que le Saint-Esprit procède comme amour de la bonté première qui fait que le Père s’aime et aime toute créature. Où l’on voit que le Verbe et l’Amour comportent secondairement un rapport aux créatures : ils sont, comme Vérité et Bonté divines, le. principe de la connaissance infinie et de l’amour de Dieu à l’égard des créatures. »

Les autres questions touchées par saint Thomas ont été exposées à Notion et Noms divins. La question des « missions divines » fera l’objet d’un article spécial. Voir col. 1830.

3. Influence des doctrines trinitaires de saint Thomas d’Aquin aux XIe et XIVe siècles. —

On sait que saint Thomas n’eut pas que des admirateurs et qu’il fallut attendre sa canonisation pour que tombassent certaines oppositions violentes à sa doctrine. Cependant, depuis 1278, les chapitres généraux des dominicains avaient agi en faveur des doctrines thomistes. La doctrine trinitaire était d’ailleurs en dehors des controverses. Noël Hervé (Hervé de Nédellec), général de l’ordre en 1318 († 1323) est l’auteur d’une Defensa doctrinæ divi Thomse, qui est une véritable apologie de la Somme et prépare l’œuvre théologique de Capréolus.

Il faut cependant signaler deux points où l’influence de saint Thomas fut, sinon décisive, du moins prépondérante, même en dehors de l’ordre dominicain :

a) C’est d’abord la réaction contre l’opinion bonaventurienne de la procession du Verbe secundum naturam. Saint Thomas défendit énergiquement la procession secundum intellectum, plus conforme à la révélation et à la nature des choses. Des théologiens de toutes écoles et de tous ordres embrassèrent ce point de vue. Citons les principaux : le dominicain Bernard de la Treille († 1292), le séculier Henri de Gand († 1293) qui admet une lumière spéciale accordée aux théologiens pour pénétrer, comme par intuition, la nature intime de la Trinité ; le franciscain Guillaume de Ware (début du xiv° siècle) ; le carme Gérard de Bologne († 1317) ; Pierre Auriol († 1322) ; Pierre de la Palu († 1342) ; le cistercien Jean de Pouilly († 1342), etc. Voir les textes dans Schmaus, op. cit., p. 135-139. Sur Guillaume de Ware, professeur à Oxford, voir A. Daniels, Zur den Beziehungen zwischen Wilhelm von Ware und Duns Scotus, dans les Franc. Stud., 1917, et d’autres études et extraits par le même auteur, dans les Beitrâge de Bàumker, Munster-en-W., t. vin. Sur Bernard de la Treille, voir G.-S. André, Les Quodlibeta de Bernard de la Treille, dans Gregorianum, 1921, p. 226-265 ; Notes sur les manuscrits de Bernard de la Treille et Guillaume de Hozun, daas Rev. des se. phil. et théol., 1914, p. 467-476.

b) C’est encore et surtout l’élément constitutif des personnes divines. Disciples de Pierre Lombard, un certain nombre de théologiens, même avant saint Thomas, avaient enseigné, sans toutefois approfondir la question, que les personnes divines étaient constituées par les propriétés personnelles d’origine et relatives. Ainsi : Bobert de Melun († 1167), Pierre de Poitiers († 1205) ; Guillaume d’Auxene († 1231) et postérieurement à saint Thomas, Jean de Naples († 1336). Les textes dans Schmaus, op. cit., p. 387, 391, 433, 409, 411, 441. Saint Thomas ayant précisé cette doctrine, voir col. 1743, contre la thèse de saint Bonaventure, c’est toute une pléiade de théologiens de provenances fort diverses qui s’y rallient. Chez les dominicains : Thomas de Sutton († 1300), Jean de Paris († 1306), Hervé Noël († 1323), Jacques de Lausanne,

Jean Picard (de Lichtenberg), Henri de Lubeck, Nicolas Trivet. Cf. Schmaus, op. cit., p. 509, 510, 417, 427, 424, 412, 440, 439. Bon nombre de scotistes : Guillaume de Ware, Jean de Beading, Alexandre d’Alexandrie, Landulphe Caraccioli, Hugues de Newcastle, Pierre d’Aquila (Scotellus), Henno, tous au début du xive siècle. Les textes dans Schmaus. op. cit.. p. 516, 518, 522-525, 537-539, 541, 543. Du même auteur, voir Auguslinus und die Trinitàtslehre Wilhelms von Ware (sur la doctrine trinitaire de Guillaume de Ware) dans la collection Grabmann-Mausbach, Aurelius Auguslinus, Cologne, 1930, p. 330-331. L’opinion thomiste est également retenue par les augustins Gilles de Borne et Thomas de Strasbourg ; par les carmes Gérard de Bologne et Gui de Perpignan (Gui Terreni) et par les séculiers Henri de Gand et Godefroy (ou Geoffroy) des Fontaines, tous de la première moitié du xiv c siècle. Cf. Schmaus, op. cit., p. 474, 476, 477, 479, 481. Sur Geoffroy des Fontaines et sa place dans l’histoire de la théologie trinitaire, voir A. Stohr, Des Gotifried von Fontaines Stellung in der Trinitàtslehre dans Zeitschr. fur kalh. Theol., 1926, p. 177 sq.

4° Réactions théologiques diverses. —

Il s’en faut néanmoins que la synthèse thomiste sur la Trinité ait été acceptée par tous et sur tous les points. Un jeune et brillant théologien de la famille franciscaine devait y apporter plus d’une réserve. Tout en restant fidèle dans les grandes lignes à un exposé consacré par la tradition de longs siècles, Duns Scot, sur des points où la philosophie a son mot à dire, modifie l’exposé de saint Thomas. Au nom de ce maître qui fera école doivent être joints ceux de trois autres théologiens, chacun très indépendant en son genre, dont la théologie trinitaire est trop personnelle pour être passée sous silence : Pierre Auriol, Durand de Saint-Pourçain, Occam.

1. Duns Scot et son école. —

La doctrine trinitaire de Duns Scot a été exposée à Duns Scot, t. iv, col. 18811884 ; cf. P. Minges, Zur Trinitàtslehre des Duns Scotus, dans Franc. Studien, 1919, p. 24 sq. Nous n’y revenons ici que pour marquer l’influence du Docteur subtil sur l’école scotiste du xive siècle en matière trinitaire. On a dit que les arguments employés par Scot pour « démontrer » le fait de la Trinité ne sont en réalité ni une démonstration quia, iii, à plus forte raison, une démonstration propter quid, col. 1882 ; ce ne sont que des arguments de convenance. C’est là, d’ailleurs, l’attitude prise par la presque totalité des théologiens du xive siècle, y compris Henri de Gand. Cf. L. Janssens, De Deo trino, p. 412.

a) Les processions. —

Les processions sont de véritables productions (c’est le terme employé par Scot) constituées par un acte vital ou attachées à cet acte. C’est substantiellement la doctrine traditionnelle. En Dieu, il n’y a que deux principes de production : la nature, la volonté ; et, dans chaque ordre, il ne peut y avoir multiplicité de production en raison de l’infinité du terme produit ; voir t. iv, col. 1882. Ici, Scot se rattache à l’enseignement bonaventurien, qui demeure héréditaire dans l’ordre de saint François.

Dans la génération du Verbe, Scot distingue intelleclion et diction. C’est par la diction seule, produite par l’intelligence déjà en possession de son objet (ce qui est la memoria fecunda), que l’acte de génération se réalise et produit le Verbe ; voir col. 1888. Cette explication a été retenue dans l’école scotiste, au xive siècle, par François de Meyronnes († 1325), Jean de Bassolis († 1347), Jean de Beading (vers 1325) (sur la doctrine, trinitaire de ce théologien, voir t. xiii, col. 1833), Landulphe Caraccioli († 1351), dont Pierre de Candie affirme que la doctrine est doctrina Doctoris subtilis, cf. Ehrle, Die Sentenzenkommentar Peters von Candia, Munster-en-W., 1925, p. 70, et