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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. SAINT THOMAS

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maternité ; tout procède de la paternité. Voilà pourquoi tous les rôles qui sont distribués entre le père et la mère dans une génération charnelle sont attribués par les Saintes Écritures au Père seul pour la génération du Verbe. C’est ainsi qu’elles disent du Père qu’il donne la vie au Fils, qu’il le conçoit et qu’il l’enfante. Cont. Gentes, t. I, c. xi (tr. Th. de Régnon, op. cit., t. ii, p. 193-194).

Quelle clarification apporte la thèse thomiste à la doctrine scolastique du Verbe et d’une manière conforme aux données de la révélation ! Il y a là un réel progrès sur la thèse parallèle de saint Bonaventure.

La doctrine de l’Image est brièvement traitée, I », q. xxxv, a. 1-2. Ici encore, la psychologie humaine éclaire la révélation. Si je pense à moi-même, je pose devant moi ma propre image. Or, Dieu se connaît. Celui qui est le Verbe du Père est par là même son image parfaite et, puisqu’il s’agit d’une image procédant du Père, ce ne peut être qu’une personne, a. 1 ; cf. q. ciii, a. 5, ad 4<"° et In / « m Sent., dist. XXVIII, q. ii, a. 2. Être image appartient en propre au Verbe, a. 2. Voir plus loin.

Une question subsidiaire et toute scolastique est agitée à propos du Verbe ; quel est l’objet de l’intelligence divine quand elle exprime son Verbe ? Saint Thomas répond que « le verbe représente tout ce que l’intelligence conçoit dans l’acte qui le produit. Puis donc que Dieu se connaît lui-même et toutes choses par un seul acte, son Verbe unique représente et le Père et toutes les créatures. La science de Dieu est simplement spéculative, eu tant que Dieu se connaît soi-même ; elle est spéculative et créatrice à la fois, en ce qui concerne les créatures. Ainsi dans le Verbe se trouve simplement exprimé tout ce qui concerne Dieu ; mais en lui s’exprime et se réalise ce qui concerne les créatures : dix// et facta sunt (ps. xxxii, 9) ». I », q. xxxiv, a. 3. Écho du beau commentaire du prologue de saint Jean, c. i, lect. 2. Cf. De veritate, q. iv, a. 4-7.

h) Le Saint-Esprit. —

La procession selon la volonté donne naissance au Saint-Esprit, lequel procède à la fois du Père et du Fils comme d’un principe unique. A vrai dire, cette procession est plus obscurément présentée par la révélation, qui laisse innommée la relation reliant le Père et le Fils au Saint-Esprit. La théologie invente le nom de « spiration » (active et passive) en conformité avec le nom d’esprit. Mais il n’y a ici qu’une dénomination de haute convenance. I », q. xxxvi, a. 1 ; cf. Cont. Gentes, t. IV, c. xix ; Comp. theol., c. xlvi-xlvii.

Pourquoi la procession du Saint-Esprit n’est-elle pas une génération ? Richard de Saint-Victor pensait l’expliquer en indiquant que le Saint-Esprit n’avait pas reçu du Père, et du Fils une nature féconde. De Trin., t. VI, P. L., t. exevi, col. 975, 982-985. Saint Bonaventure estimait que le Saint-Esprit, ne procédant pas selon la nature, ne pouvait être dit engendré. Saint Thomas donne une raison, semble-t-il, plus profonde. Par lui-même, l’amour ne tend pas à reproduire l’aimant dans l’aimé, mais plutôt à créer dans l’aimant une propension vers l’aimé. Voir le développement de cette idée à Processions divines, t. xiii, col. 648. Il n’y a donc pas ici une procession en parfaite similitude de nature. I », q. xxvii, a. 4 ; xxxvi, a. 1, in fine ; cf. Cont. Gentes, t. IV, c. xxiv-xxv. Pierre Auriol contestera la valeur de cette raison, la volonté, l’amour ne pouvant être considérés comme produisant une réalité. Voir t.xii, col. 1862. Mais il ne s’agit que d’analogie, comme on l’a dit à Processions, toc. cit., et ce t poids qui entraîne l’aimant vers l’aimé est bien capable de nous suggérer en Dieu l’existence d’un terme de la procession selon la volonté. Ainsi l’expliquent tous les thomistes pour défendre cette raison contre les attaques dont elle a été l’objet. Cf. Pcnldo,

Cur non Spiritus Sanctus a Pâtre Deo genitus ? S. Augustinus et S. Thomas, dans Rev. thom., 1930, p. 508 sq.

Pourquoi le Saint-Esprit ne peut-il être dit, comme le Fils, l’image du Père ? Après avoir éliminé les raisons proposées par d’autres, saint Thomas déclare qu’il ne peut y avoir similitude en raison de la procession même sinon pour le Verbe. L’amour, par lui-même, ne comporte pas cette ressemblance. Ici donc encore, on pourrait dire : Eo Filius quo Verbum ; eo Imago quo Filius. I a, q. xxxv, a. 2.

Enfin, reste la controverse du Filioque, sur laquelle saint Thomas est revenu à maintes reprises et sous différentes formes. On n’examinera ici que l’aspect scolastique de la question. Pour la controverse avec les Grecs, voir plus loin, col. 1758. Logique avec sa doctrine rigide de l’opposition relative, seul principe de la distinction des personnes, saint Thomas ne conçoit pas que le Saint-Esprit puisse être réellement distingué du Fils s’il ne s’oppose pas à lui par une relation d’origine : « Les relations ne peuvent distinguer les personnes, sinon en tant qu’elles sont opposées. Il en est ainsi du Père qui a deux relations dont l’une s’oppose au Fils, l’autre au Saint-Esprit. Mais ces deux relations, n’étant pas opposées l’une à l’autre, ne constituent qu’une personne. Si, dans le Fils et le Saint-Esprit, on ne trouvait que deux relations, l’une et l’autre s’opposant au Père, ces deux relations ne s’opposeraient pas l’une à l’autre, pas plus que dans le Père la relation au Fils et la relation au Saint-Esprit. Ainsi, de même que la personne du Père est unique, ainsi la personne du Fils et celle du Saint-Esprit se confondraient, avec leurs deux relations opposées seulement aux deux relations du Père. Et cela est hérétique. Il faut donc affirmer que le Fils procède du Saint-Esprit, ce que personne n’a jamais dit ou que le Saint-Esprit procède du Fils. » I*, q. xxxvi, a. 2 ; cf. In I um Sent., dist. XI, q. i, a. 1 ; De potentia, q. x, a. 4 ; Cont. Génies, t. IV, c. xxiv, xxv ; Comp. theol., t. I, c. XLIX.

A cette raison, qu’on pourrait appeler métaphysique, le Docteur angélique ajoute une raison « psychologique », esquissée déjà plus haut, col. 1742, dans l’ordre des processions : « Il est nécessaire que l’amour procède du Verbe, car nous n’aimons quelque chose qu’autant que nous le percevons dans un concept mental. » I*, q. xxxvi, a. 2.

Mais comme, dans la spiration, le Père ne s’oppose pas au Fils, on doit en conclure qu’ils ne forment à l’égard du Saint-Esprit qu’un principe unique. Ibid., a. 4. Ce principe se rapporte indistinctement aux deux personnes du Père et du Fils dans l’unité de la substance divine. Ibid., et ad 4um ; cf. ad 5 ii, n. Cette unité de spiration dans l’unité de la substance ne détruit pas la dualité des personnes : « Il n’est pas contradictoire que la même propriété se retrouve dans deux suppôts dont la nature est une. Cependant, si l’on considère les suppôts de la spiration, le Saint-Esprit procède du Père et du Fils en tant qu’ils sont deux, puisqu’il procède comme l’amour qui les unit tous deux. » Ibid., ad l u ™. Néanmoins saint Thomas ne rejette pas la formule grecque du Saint-Esprit procédant du Père par le Fils, a. 3 ; il l’explique en bonne part, en ce sens que « l’Esprit-Saint procède immédiatement du Père, puis médiatement en tant qu’il sort du Fils ». Ad 1°".

Les questions xxxvii et xxxviii sont consacrées aux deux noms appropriés au Saint-Esprit : V Amour et le Don. Voir Noms divins, t. xi, col. 790-791. Dans la question xxxvii, a. 2, ad 3° iii, saint Thomas établit un heureux parallèle, par rapport aux créatures, entre la procession du Verbe et celle de l’Esprit-Saint : « Le Père aime non seulement le Fils, mais encore lui-même et nous par le Saint-Esprit ; car, encore une